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6 octobre 2007 6 06 /10 /octobre /2007 09:42
LA VIE EST BELLE de ROBERTO BENIGNI

                     
 

QUAND LA TRAGEDIE RENCONTRE LE BURLESQUE ET LA POESIE.

 

Parmi les films qui continuent à attirer les Italiens dans les salles obscures, il faut signaler la survie d'un cinéma comique peu connu hors des frontières de la péninsule parce qu'il n'y obtient pas, transplanté à l'étranger, le même succès que dans son pays d'origine. Roberto Benigni est la personnalité la plus connue de cette tendance marquée, à la manière d'un Woody Allen, par la synthèse cinéaste-comédien. Révélé en 1977 avec Berlinguer ti voglio bene  de Bertolucci, Benigni passe à son tour à la réalisation et obtient un énorme succès avec Il piccolo diavolo (1988), Johnny Stecchino (1991) et Il mostro (1994) qui parviennent à dominer au box-office les produits hollywoodiens, tel que Le roi lion des studios Walt Disney. La mise en scène ne l'empêche nullement de poursuivre sa carrière d'acteur où son physique lunaire, son humour poético-burlesque lui confèrent des airs chaplinesques et concourent beaucoup à sa renommée. Mais il accède véritablement à la gloire internationale en 1997 avec un film qui va lui mériter, tout à la fois, le Grand prix du jury à Cannes ainsi que l'Oscar du Meilleur film étranger et du Meilleur acteur à Hollywood en 1998 : La vie est belle, l'histoire d'un père qui tente de protéger son fils de la réalité des camps de concentration nazis en lui faisant croire que tout cela n'est qu'un jeu. Derrière et devant la caméra, Benigni, qui n'est pas seulement le réalisateur et le scénariste mais l'interprète de ce film, réussit un doublé d'excellence stupéfiant, poignant, qui met en valeur les notions de courage, de liberté, d'amour, d'humanité en passant - comme le faisait Chaplin - de la tragédie à la comédie, du rire aux larmes.



On s'est demandé, à propos de ce film, contesté par certains, s'il était permis de rire de tout, c'est-à-dire des sujets les plus dramatiques comme celui de la Shoah et des camps d'extermination, mais Benigni n'a pas cherché à faire oeuvre sur la Shoah, ce que d'autres ont réalisé en respectant scrupuleusement l'Histoire ; non, il a tenté de montrer que la seule arme capable de venir à bout de l'horreur était l'amour.  Son mérite est de n'être tombé dans aucun des clichés qui le guettaient et de n'avoir eu recours à aucun artifice mélodramatique. Ce qui comptait pour lui - a-t-il dit - était de montrer le versant irréel et amusant des choses, car la vie conserve, en toutes circonstances, un prix inestimable, une saveur si forte qu'elle permet de résister aux pires sévices. Ce camp, ajoutait-il, qui a servi de décor au film, n'est pas une réplique de ceux de l'Allemagne nazie, ce n'est qu'une idée, au sens quasi platonicien, l'idée d'un antre du Mal, d'un antre de monstre, comme dans les contes pour enfants. Il n'y a rien de plus terrible à exprimer que la terreur, car l'horreur est en soi incommensurable. C'est même si inconcevable qu'il apparaît presque facile à Guido, le père, de laisser croire à l'enfant que cela est un jeu, car fuir le réalisme n'est pas trahir la réalité. L'artiste opère toujours une trahison quand il écrit ou filme. On pense à cette phrase de Keats : "quand une chose est belle, elle devient réelle". Alors, poursuit Bénigni, si mon film est réussi, et je l'espère, le camp que je dépeins devient vrai. Pour le personnage de Giosuè, j'ai choisi l'âge que l'écrivain Conrad définissait comme celui de la ligne d'ombre de l'enfance, l'âge où l'on comprend mais aussi celui on l'on peut croire qu'il s'agit d'un jeu. Et Giosuè a probablement tout compris.

       

Le film commence comme une comédie facétieuse, afin d'introduire un climat de conte de fées, où l'on voit un modeste serveur de restaurant employer toutes les ressources de son imagination pour conquérir la femme qu'il aime ( Nicoletta Braschi ) et l'enlever au nez et à la barbe de sa famille et de son fiancé, un fonctionnaire fasciste. De cette union va naître un enfant Giosuè que, cinq ans plus tard, deux policiers en civil vont enlever avec son père et envoyer dans un camp de concentration allemand. Dora, qui n'est pas juive, exigera de les accompagner. Mais elle est séparée de son mari et de son fils et le film devrait sombrer dans le pire cauchemar. Au contraire, le talent de conteur du père va  transformer cette réalité en rêve et persuader le petit garçon qu'il est au coeur d'un jeu gigantesque dont le trophée final, s'il suit bien les recommandations paternelles, sera un char d'assaut. Et, en effet, l'enfant aura son char d'assaut et retrouvera sa mère, mais le père sera tué alors qu'il tentait de rejoindre sa femme et lui criait son amour  à l'aide d'un haut-parleur du camp. Cette scène d'une beauté bouleversante introduit dans ce climat carcéral le sentiment le plus vif et le plus pur qui soit et, pour quelques instants, éclaire ces lieux sordides, d'une lumière surnaturelle, ce qui prouve que l'art peut être mieux que la vie et la réécrire en la transformant. Tout est dans le regard de l'artiste qui a en charge de rendre à cette inhumanité les couleurs de l'espérance. Mission accomplie par un Roberto Benigni inspiré, émouvant dans ce duo intemporel avec l'enfant où, grâce à son imagination, il réinvente un univers supportable, le fait exister et nous le donne à voir sans céder à des facilités narratives. Le cinéaste a réussi le pari difficile de transposer le rêve dans la réalité la plus abjecte. La qualité de son interprétation, qui oscille entre le grave et le loufoque, ainsi que celle admirable de l'enfant, et la poésie qui s'en dégage, y sont pour beaucoup. Cette fable est un chef-d'oeuvre qui prouve, si besoin était, que le cinéma italien a encore de beaux jours devant lui.
  

 

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LA VIE EST BELLE de ROBERTO BENIGNI
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commentaires

E
Benigni était un peu caricatural et excessif dans certains films, ils étaient drôles mais parfois agaçants. Dans ce film il a trouvé sa voix, juste, pleine d'amour, d'humour et de sens de la vie. C'est un des films qui m'a marquée, et pourtant au départ le sujet m'inquiétait. A tort...Il y a mis une autre dimension.
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A
Je me souviens qu'en sortant de la salle de projection avec ma fille, nous ne pouvions plus parler. Rarement un film m'a touchée à ce point. Si "L'incompris".
D
"Buongiorno Princepessa!" J'ai été séduite par ce film où l'humour et l'amour s'entremêlent, passant outre les poncifs pour nous servir une histoire neuve et criante de vérité, la vérité d'un père<br /> et d'un époux qui aime les siens jusqu'à en mourir. Je préfère ne pas évoquer les autre films de Benigni...
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A
Tout à fait d'accord avec vous Edmée et Alain. Je n'aime pas toujours Benigni qui sombre trop souvent dans l'outrance. Mais en dirigeant ce film et en le composant, il a vraiment été inspiré.<br /> Bouleversant. En sortant de la salle, je ne pouvais plus parler.
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A
Je me sens incapable de revoir ce film J'en garde un souvenir magnifique et douloureux en même temps. Mais il n'en reste pas moins que c'est un très grand film avec beaucoup d'amour et de<br /> sensibilité. En revanche chère Armelle je suis descendu pour voir quelques films et entres autres "Les Acacias". Je vous en parle car vous qui aimez la poésie, la beauté, les beaux et vrais<br /> sentiments je pense que ce film saurait vous combler. Pour ma part j'ai trouvé l'ensemble admirable. Et j'en suis ressorti bien et heureux ! Belle journée. À bientôt.
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E
Moi aussi j'ai naturellement adoré ce film... il est bouleversant, un vrai hymne à l'amour.<br /> <br /> J'ai découvert Benigni dans "Non ci resta più che piangere" avec le grand Troisi qui hélàs est mort bien trop tôt.
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T
Un Chef d'oeuuvre!alors au debut j'etais pas vraiment emballé par ce film...On est allé le voir avec le college(forcé malgré que je ne desirais pas y aller) mon premier film ou j'ai vu roberto!C'est le meilleur film du monde a mon gout(en fin de compte).<br /> "Pour avoir le char il te faut...1000points^^"quido
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S
C'est ma mère qui m'avait "forcé" à voir ce long-métrage à sa sortie (j'emploie ce terme car étant encore enfant à l'époque, je n'étais pas particulièrement attiré par ce genre de films), dans la mesure où il sonnait le renouveau du cinéma Italien (ce qui a réuni toute ma famille).<br /> Malgré ma volonté de contrer les adultes (!), j'avais fort apprécié "La vie est Belle" sans toutefois oser l'avouer !<br /> Par ailleurs, pour répondre à votre question, je pense que oui on peut rire de tout à partir du moment où cela est fait avec respect et tolérance, sans intention de blesser. Et Benigni n'a fait ici que donner une superbe leçon de tolérance justement...
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D
Filmoù quand je suis sortie, j'étais euphorique. C'était presque la première fois que cela m'arrivait. Beaucoup de gens de la critique ont dit que l'on ne pouvait pas montrer la Shoah. L'histoire est autre chose. C'est un film d'amour avant tout
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C
La force de l'amourVoilà un film dont je me rappellerai toute ma vie ! Le film le plus beau jamais réalisé sur l'amour, l'amour paternel et l'amour conjugal. N'y voyons surtout pas le nième fim sur la déportation ou les camps de concentration, d'ailleurs ce camp imaginé par le réalisateur n'en est pas vraiment un au sens réaliste du terme. Jamais un petit garçon n'aurait pu, dans la réalité, se cacher ou survivre dans les conditions que raconte le film. Mais celui-ci est un poème imaginaire, une ode à l'amour le plus abouti et la fin est admirable de poésie et de beauté radieuse. Certes, le père décède, il est "sacrifié" à l'amour des siens, mais le petit garçon survit, il aura ce que son père lui a promis, ce fameux char d'assaut dont la promesse l'a aidé à surmonter les conditions sordides de survie, et il retrouvera sa mère. Ce film vous fait rire et pleurer, au mileu de la pire inhumanité, il vous redonne confiance dans l'humanité.
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  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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