Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 décembre 2006 6 02 /12 /décembre /2006 14:45
L'AVVENTURA DE MICHELANGELO ANTONIONI

                

Antonioni, né à Ferrare le 27 septembre 1912, s'orienta d'abord vers l'économie et écrivit des critiques de pièces de théâtre et de films avant de s'inscrire à l'école de cinéma Centro Sperimentale. Une fois son diplôme en poche, il débute sa carrière en rédigeant des scénarios pour Rossellini et Fellini, puis fit ses premiers pas dans le métier en 1942 en signant des documentaires et des courts métrages. "Chronique d'un amour", son premier long métrage date de 1950 et sera suivi par "Les vaincus", "La dame sans camélias", "Femmes entre elles" et "Le cri", tous construits sous forme de chroniques sociales et psychologiques. En 1960, Antonioni présente à Cannes "L'avventura" et provoque aussitôt  une lever de boucliers et de nombreuses controverses, mais reçoit néanmoins, pour sa contribution à la recherche d'un nouveau langage cinématographique, le prix spécial du jury. Sans aucun doute possible, il est le plus cérébral des metteurs en scène de l'époque. Il oppose à leurs images subjectives, souvenirs d'enfance, rêves, fantasme, des images objectives et dépouillées de tout sentimentalisme, à la façon d'un constat qui ne laisse subsister, entre ses éléments, personnages et objets, que des rapports de mesure et de distance. En affirmant sa conception d'un cinéma de la durée, il invente un art cinématographique proche de la littérature. Comme tous les grands créateurs, il s'était vite éloigné de l'engagement politique du néoréalisme pour faire cavalier seul et imposer sa vision personnelle du 7e Art. Il tentera toujours, et particulièrement dans L'avventura, de tirer les conséquences d'une expérience décisive passée,  quand tout a été dit, quand la scène majeure semble terminée  - confiera-t-il  lors d'un entretien avec Les cahiers du cinéma.

 

Le scénario de "L'avventura" est construit sur le vide, l'absence, soit la disparition prématurée et définitive d'un des personnages principaux. Cette démarche esthétique permet de scruter, sans l'intermédiaire de dialogues, les affects et névroses des héroïnes, la faiblesse sensuelle et morale du personnage masculin et de démontrer l'impossibilité ontologique de la plupart des couples à parvenir à se comprendre, sous l'effet d'une désertification de l'affectif. "L'avventura" occupe dans l'oeuvre d'Antonioni la même place que "La dolce vita" dans celle de Fellini. C'est tout ensemble un film d'intronisation et de rupture, une tentative partagée d'explorer des territoires encore inconnus du cinéma et, ce, au risque d'y perdre leur début de notoriété. Bien que très mal accueilli par la critique, c'est "l'avventura" qui fera entrer Antonioni dans la cour des grands. Cet opus nous raconte l'histoire d'un couple - Sandro et Anna - qui, pour tenter de sauver son idylle, participe à une croisière qui le mène vers la Sicile et les îles Eoliennes. A bord se trouve également une amie d'Anna, Claudia, qui reproche à Sandro son comportement, puis le soupçonne d'être le responsable de la soudaine disparition de sa fiancée, survenue peu après une violente dispute. Les recherches commencent mais resteront vaines. Finalement Claudia et Sandro se revoient et deviennent amants, le souvenir d'Anna s'étant estompé peu à peu dans leur mémoire. Mais leur aventure sera de courte durée car, bientôt, Sandro rencontre une autre femme.

 

Cette errance des amants dans les paysages désolés et abrupts de Lisca Bianca ou parmi les architectures baroques de l'île de Noto demeure un des repères essentiels pour une géologie du cinéma italien. Jean-Claude Perrin dans un numéro des Etudes cinématographiques, écrit à propos de "L'avventura" les phrases suivantes : " Le film est une révolte contre la fuite des choses, un cri plein de fureur contenue, brûlant et glacé, qui caricature et symbolise notre condition humaine instable et précaire. La stylisation accentue les traits d'images surréelles mêlant la soif d'amour à son anéantissement. L'atmosphère angoissante qui baigne les êtres est le reflet d'un désert métaphysique qu'aucun cinéaste ne nous avait traduit avec une telle démesure". Interrogé à son tour sur l'idée de base qui avait fondé son film, Antonioni répondit ceci : " Nous vivons aujourd'hui dans une période d'extrême instabilité, tant politique, morale, sociale que physique. Le monde est instable autour de nous et en nous. Je fais un film sur l'instabilité des sentiments, sur leur mystère. Les personnages se trouvent sur une île, dans une situation plutôt dramatique : une jeune fille a disparu. On se met à sa recherche. L'homme qui l'aime devrait être préoccupé, anxieux, soucieux. Et, au début, il l'est effectivement. Mais lentement ses sentiments vont en s'affaiblissant car ils reposent sur le sable."



Conduit à terme après un tournage difficile pour de multiples raisons, ce long métrage est en raccourci l'emblème du travail antonionien : alternance de films agréables et de films amers, de légers et de douloureux. "L'avventura" est un film désenchanté puisqu'il nous retrace l'agonie des sentiments, le détachement progressif de ce qui, un moment, avait compté plus que tout. Le cinéaste sait nous dire la fin des choses dans un langage dépouillé de tout effet, froid et lucide et dans un environnement approprié de paysages emplis d'une solitude en parfait accord avec celle des personnages. Pas de luxuriance, mais cette âpreté de l'image, cette coïncidence entre le décor et l'état d'esprit des protagonistes. Une sorte de duo muet entre la nature et l'homme, rendus l'un et l'autre à leur dénuement originel. 
Monica Vitti promène dans ces îles sauvages sa beauté glacée et son élégance. Elle fut durant plusieurs films l'égérie d'Antonioni, l'interprète idéale de femme névrosée qui hantait son univers. Ce film apportera d'ailleurs à l'actrice la consécration. Les autres acteurs : Gabriele Ferzetti dans le rôle de Sandro et Léa Massari dans celui d'Anna sont excellents, imperturbables, lisses, ayant rompus, semble-t-il, toute attache sentimentale et prenant le large avec une confondante indifférence.


Pour lire l'article consacré au cinéaste, cliquer sur son titre :   

 

MICHELANGELO ANTONIONI OU UN CINEMA SUR L'INCOMMUNICABILITE

 

Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA EUROPEEN, cliquer sur le lien ci-dessous :  

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN

 

RETOUR A LA PAGE D'ACCUEIL

 
 

L'AVVENTURA DE MICHELANGELO ANTONIONI
Partager cet article
Repost0

commentaires

D
EUWvuucLauto insurance online 8311 home insurance =]]
Répondre
S
Ce que j'aime dans "L'Avventura", c'est effectivement comme vous le dites cette vision très personnelle du cinéma qui nous est présentée par son auteur, sans influences marquées, seulement une compilation de la personnalité (consciente ou non) du cinéaste.<br /> A ce titre l'on peut considérer l'intrigue comme celle d'un anti-polar : le personnage qui disparaît au début (je ne me souviens plus de son prénom dans le film) n'est qu'un prétexte pour instaurer un climat qui s'éloigne progressivement de cette disparition pour finalement totalement s'en moquer.<br /> Caractéristique du style Antonionien : prendre des éléments déjà utilisés par le passé pour mieux les détourner et s'en tenir , à chaque fois, à une réalisation strictement personnelle, parfois même à la limite de l'égocentrisme.
Répondre

Présentation

  • : LA PLUME ET L'IMAGE
  • : Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
  • Contact

Profil

  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.

Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

"Innover, c'est aller de l'avant sans abandonner le passé."

 

Stanley Kubrick

 

 

ET SI VOUS PREFEREZ L'EVASION PAR LES MOTS, LA LITTERATURE ET LES VOYAGES, RENDEZ-VOUS SUR MON AUTRE BLOG :  INTERLIGNE

 

poesie-est-lendroit-silence-michel-camus-L-1 

 

Les derniers films vus et critiqués : 
 
  yves-saint-laurent-le-film-de-jalil-lespert (1) PHILOMENA UK POSTER STEVE COOGAN JUDI DENCH (1) un-max-boublil-pret-a-tout-dans-la-comedie-romantique-de-ni

Mes coups de coeur    

 

4-e-toiles


affiche-I-Wish-225x300

   

 

The-Artist-MIchel-Hazanavicius

 

Million Dollar Baby French front 

 

5-etoiles

 

critique-la-grande-illusion-renoir4

 

claudiaotguepard 

 

affiche-pouses-et-concubines 

 

 

MES FESTIVALS

 


12e-festival-film-asiatique-deauville-L-1

 

 13e-FFA-20111

 

deauville-copie-1 


15-festival-du-film-asiatique-de-deauville

 

 

Recherche