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24 mars 2014 1 24 /03 /mars /2014 09:46
UN ETE A OSAGE COUNTY de JOHN WELLS

En famille, il arrive que l’on se soutienne, il arrive aussi que l’on se déchire à belles dents et avec une voracité d’où le cynisme n’est pas exclu. Suite à la disparition de leur père, un professeur, poète à ses heures, qui a choisi de se suicider à bord d’une barque au milieu d’un lac, les trois filles Weston se retrouvent, après plusieurs années de séparation, dans leur maison familiale. C’est là qu’elles sont à nouveau réunies avec la mère paranoïaque et lunatique qui les a élevées. A cette occasion, des secrets et des rancœurs trop longtemps gardés vont brusquement refaire surface…et avec quelle violence !

 

Ce huis-clos tragique et loufoque inspiré de la pièce de Tracy Letts n’est pas sans nous évoquer des œuvres comme Cris et chuchotements ou Sonate d’automne du cinéaste Ingmar Bergman et, plus récemment,  Carnage de Roman Polanski où les affrontements donnaient lieu à des scènes quasi tragiques. Chacun des personnages s’avançait cuirassé de haines et de faiblesses et se livrait à des dialogues d’une rare virulence et à des scènes de détresse, dès lors que le dévoilement mettait chacun d’eux en danger.

 

Ici, il s’agit principalement d’une mère et de ses trois filles confrontées en même temps à leur passé et à leur présent dans une ambiance de deuil qui exaspère les sentiments, ce, sur fond de frictions générationnelles. Car les parents ont eu un départ difficile, ont  obtenu ce qu’ils possèdent à la force du poignet, tandis que leurs filles, élevées dans la facilité, ont reçu nécessaire et superflu sans avoir à combattre. D’où les rancoeurs accumulées chez la mère et l’inconscience et la débonnaire insouciance des filles dont les seuls soucis sont ceux qu’elles se créent elles-mêmes. Cette comédie dramatique, fort bien orchestrée par John Wells, est un véritable règlement de compte accentué par l’amertume d’une mère droguée, en proie à un cancer de la langue, ce qui est un clin d’œil à ce que la langue peut avoir de pervers et de redoutable. Cette femme aigrie en veut également à une société qui s’autodétruit, à un monde où les adultes n’ont plus aucune conscience morale, où les enfants sont trop livrés à eux-mêmes et où chacun, ne pensant qu’à soi, s’isole dans son égocentrisme. A travers cette famille, c’est l’Amérique qui nous livre ses tourments, une société déstructurée qui se flagelle avec une sorte de complaisance paranoïaque et une efficacité redoutable, faisant de nous des témoins consentants, car les problèmes de l’Amérique ne sont-ils pas les nôtres ?

 

Ce lavage de linge sale est également un grand moment de théâtre, plus encore que de cinéma – c’est décidément à la mode que le théâtre s’invite à l’écran – mettant en scène un quatuor d’actrices magnifiques  avec en tête Meryl Streep, admirable dans un rôle où elle ose tout, face à une Julie Roberts étonnante, loin des comédies sentimentales qui ont fait sa réputation, sans oublier Juliette Lewis en jeune femme évaporée et Julianne Nicholson en femme sans caractère, fragile et désarmée. Ces actrices portent l’opus avec panache et leurs rivalités, l’ordonnance ou la dés-ordonnance de leurs natures font tout l’intérêt de ces duels successifs où personne ne finit par l’emporter, sinon la désillusion et le cynisme. Famille, je vous hais est sous-jacent tout au long de la projection, d’autant que le secours ne viendra que du dehors, la beauté silencieuse de la nature pour  Alexandra, l’aînée des filles, et les bras secourables de l’employée de maison indienne, soit l’étrangère, pour Violet, la mère. Pour les autres ce sera la fuite et sans doute l’oubli. Un film grinçant où tout s’oppose, même l’amour. Mais il y a les oiseaux en escadrille dans le lointain et la lumière qui filtre à travers les rideaux. Il arrive que l'on fasse sa vie avec ce qui vous manque.

 

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commentaires

M
Assez déçu par ce déballage malgré une parfaite interprétation. je n'ai pas trouvé le sujet motivant.Trop long et une fin sans consistance.
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T
Je viens d'aller voir ce film et j'ai bien aimé. Les actrices sont formidables et finalement cette pièce filmée ne manque pas de sel. Les règlements de compte ne sont pas dénués de tendresse malgré tout. Meryl Streep est sensationnelle. Je l'attendais pas vraiment dans un tel rôle, pas plus que Julia Roberts d'ailleurs.
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E
Je n'aime pas trop Julia Roberts qui a joué dans des films "faciles" pour lesquels sa denture a plus compté que son talent. Par contre, Juliet Lewis a toujours été excellente... je suis tentée par ce film!
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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