Voici la seconde adaptation de ce roman de Daphné du Maurier après celle de Henry Koster en 1972 dont les acteurs principaux étaient alors Olivia de Havilland et Richard Burton, thème proche de celui de « Rebecca », lui aussi porté à l’écran, et où surgissent dans la trame littéraire les ambiguïtés des relations humaines et les mystères inhérents à leur nature.
Dans l’Angleterre du XIXe siècle, le jeune Philip apprend qu’il est le seul héritier de l’immense fortune que lui lègue son cousin Ambroise qui l’a élevé comme son fils après le décès de sa mère. Bientôt majeur, le jeune homme ne parvient pourtant pas à se réjouir de cette nouvelle. Il se souvient des nombreuses lettres que lui écrivait, depuis l’Italie où il vivait désormais, Ambroise, et dans lesquelles ce dernier lui confiait avoir des doutes sur le comportement de son épouse Rachel. Ambroise a-t-il été assassiné par appât du gain ? Dans ce thriller psychologique, tout est affaire de personnages mais aussi de lieux qui ne sont pas sans ressembler à ceux des « Hauts de Hurlevent », la mer proche et les falaises abruptes, voire même la maison d’Ambroise confortable et cependant froide, sombre et inquiétante, véritable témoin des secrets qui se cachent entre ses murs. Rachel, veuve une seconde fois, accepte de venir vivre en Angleterre dans le manoir de son mari défunt auprès de Philip qui s’éprend d’elle, malgré les inquiétudes que cette femme, complexe et séduisante, ne cesse d’alimenter à son insu. L’actrice Rachel Weisz, par la grâce de ses mouvements et la maîtrise de ses émotions, rend magnifiquement bien l’attitude énigmatique de son personnage, ses élans et ses retenues, sa froideur soudaine et ses abandons subits. Rachel semble être l’exact opposé de Philip, jeune, fougueux, plein de vie, qui manque de sagesse et de discernement et se laisse submerger par ses émotions. Rachel, plus âgée, l’observe comme elle le ferait d’un être immature qui prend ses désirs pour des réalités, alors qu’elle entend contrôler chacun de ses gestes et de ses sentiments. Est-elle cette veuve noire prête à dévorer le mâle après l’accouplement, femme tueuse que seul l’argent intéresse puisqu’il assure la réussite sociale ? L’énigme est posée et le film, comme le roman, tisse sa toile autour de cette figure féminine troublante et impénétrable, tenant le spectateur en haleine jusqu’à la fin.
Grâce à une mise en scène soignée et d’une grande élégance, servie par des paysages grandioses, la dramaturgie et les personnages de l’histoire sont merveilleusement mis en valeur et Roger Michell nous offre un opus de grande qualité, fidèle au roman qu’il exalte par sa mise en scène subtile et son interprétation sobre. Une réussite.
Pour consulter la liste des articles de la rubrique CINEMA EUROPEEN, cliquer ICI
commenter cet article …