Max (Jean-Pierre Bacri) est traiteur depuis trente ans. Des fêtes, il en a organisé des centaines, il est même tenté de céder la place. Aujourd’hui, un mariage dans un château du XVIIe siècle, commandé clé en main par le futur époux Pierre, est au programme avec, pour exigence suprême au cahier des charges, qu’il soit sobre, chic et élégant. Comme d’habitude, Max a tout coordonné, il a recruté sa brigade de serveurs, cuisiniers, plongeurs, conseillé un photographe, réservé l’orchestre, arrangé la décoration florale, fait en sorte que tous les ingrédients soient réunis pour que cette fête comble les jeunes mariés ... Mais la loi des séries va s’inviter et chambouler cette organisation mise en orbite avec une précision d’horloger. Des préparatifs aux derniers vibratos de l’orchestre, nous vivons les coulisses de la soirée à travers le regard de ceux qui travaillent et devront compter sur leur unique qualité commune : le sens de la fête.
C’est en 2011 que le film « Intouchables », proposé par le duo de réalisateurs français formé par Olivier Nakache et Éric Toledano, était venu balayer la morosité ambiante et apporter des couleurs au paysage cinématographique d’alors, et il y a quelque chance que leur nouvel opus soit assez bien accueilli par un public qui se désole que le cinéma français ne nous propose pas davantage de comédies réjouissantes en mesure d’égayer un peu cette morosité persistante. Il semble que « Le sens de la fête » soit bien parti pour satisfaire ce souhait car, hier après-midi, la salle, où je me trouvais, était comble et les applaudissements fournis alors que s’effaçait la dernière image.
Le bien-fondé de ce long-métrage consiste à s’intéresser à l’envers du décor d’une fête mondaine et familiale en suivant les personnes pour qui une journée si spéciale pour les uns est un jour de travail ordinaire pour les autres. Cela, en déployant une justesse d’observation et un sens du burlesque qui font mouche à chaque image et à chaque réplique d’un dialogue particulièrement affûté. Si bien que ce scénario, bien ficelé, accouche d’une comédie d’une justesse d’observation assez remarquable. Et le film séduit d’autant plus que Nakache et Toledano résistent à la tentation de la surenchère, qu’il n’y a pas dans les portraits qu’ils nous offrent de la société, de méchanceté gratuite, mais une accumulation mécanique de catastrophes vraiment désopilantes qui mettent en valeur des personnages judicieusement croqués. Au cœur d’une distribution brillante, Jean-Pierre Bacri, dans son habituel registre sarcastique, distille avec une parfaite neutralité d’apparence des répliques plus savoureuses les unes que les autres, portant cet opus à une hauteur comique plutôt réussie, composant un cocktail hautement épicé. A ses côtés, les acteurs donnent le meilleur d’eux-mêmes avec naturel, ainsi Gilles Lellouche épatant en animateur, Eye Haïdara en assistante irascible, Alban Ivanov en extra incompétent ou Jean-Paul Rouve en photographe tire-au-flanc. La musique composée par Avishai Cohen est la touche supplémentaire qui donne le rythme à cette brigade de serveurs évoluant en costumes d’époque entre les cuisines et les salons. Il faut également souligner combien est habile le mixage des milieux entre les employés et les invités, évocation de ces mondes parallèles sans lourdeur et sans acrimonie. Une fête qui se joue sur plusieurs claviers avec humour et doigté. Laissez vous tenter.
Pour consulter la liste des articles de la rubrique CINEMA FRANCAIS, cliquer ICI