Décidément le cinéma français nous surprend chaque jour agréablement avec des films très différents et une même réussite dans la façon de traiter leurs sujets dont certains pourraient être casse-gueule si les metteurs en scène ne savaient les aborder avec inventivité et le ton qu’il faut pour nous séduire et nous surprendre. Le dernier opus des frères Foenkinos dont j’avais apprécié «La délicatesse» ne déroge pas à ce souci de décrire un personnage complexe avec la finesse et la subtilité nécessaires pour éviter de tomber dans le piège de la caricature et de l’outrance. Avec celui-ci, les frères Foekinos s’attaquent à un sujet difficile, la jalousie, celle d’une femme qui approche de la cinquantaine et dont la ravissante fille de 18 ans devient subitement une rivale. Que faire, comment s’aimer encore lorsque l’on sent que les êtres et les choses vous quittent peu à peu, que l’on n’est plus le centre d’attraction dans sa profession et son milieu familial, quand le goût de soi se délite et vous fait perdre peu à peu le goût des autres ?
La difficulté de cette étude psychologique, soit la perte progressive de contrôle d’une femme en proie à ses propres démons, était de maintenir le ton juste, de décrire cette personnalité complexe sans alourdir le trait, sans céder à des excès qui confineraient le personnage dans le ghetto des lieux communs et c’est là que les metteurs en scène conduisent leur démonstration avec subtilité grâce à des dialogues, certes cruels, mais justes. En effet Nathalie, professeur de lettres, ressent comme une agression le bonheur des autres, de son mari qui l’a quittée pour une autre, de sa fille qui est amoureuse et réussit dans l’art difficile de la danse, de son amie la plus proche qui file le parfait amour depuis vingt ans avec le même homme, de sa collègue de travail qui lui vole un moment la vedette ; oui, Nathalie perd pied, saisie par le démon d’une jalousie aveugle, d’un ressentiment permanent qui altère son comportement et son jugement. L’aigu et le grave sont les tons employés par les réalisateurs mais sans surcharge et, grâce à une interprétation parfaitement maîtrisée, nous suivons cette femme dont les turpitudes nous sont proposées sous une forme nuancée sans laquelle cette despote autodestructrice risquait de nous rester étrangère.
La qualité de l’interprétation est le second atout de ce film bien conduit et raconté à hauteur humaine et, en premier lieu, celle de Karine Viard qui donne une densité touchante à ce personnage qu’elle nourrit grâce à une palette émotionnelle dense et variée, tantôt méchante et agressive, tantôt hagarde et perdue, toujours juste face à une Anne Dorval qui forme avec elle un duo d’amies au bord de la crise de nerf mais d’une belle intensité et à la ravissante Dara Tombroff, ancienne danseuse de l’Opéra de Bordeaux, qui imprime au film sa touche d’élégance et de grâce.
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