Première femme directrice de la publication d’un grand journal américain, le Washington Post, Katharine Graham (Meryl Streep) s’associe à son rédacteur en chef Ben Bradlee (Tom Hanks) pour dévoiler un scandale d’État monumental et combler son retard par rapport au New York Times qui mène ses propres investigations. Ces révélations concernent les manœuvres de quatre présidents américains, sur une trentaine d’années, destinées à étouffer des affaires très sensibles … Au péril de leur carrière et de leur liberté, Katharine et Ben vont devoir surmonter tout ce qui les sépare pour révéler au grand jour des secrets longtemps enfouis…
Le nouveau film de Steven Spielberg, après celui sur Churchill « Les heures sombres » de Joe Wright, tombe lui aussi à point nommé pour nous rappeler les vraies valeurs, celles de l’engagement moral et de la détermination face au découragement et au mensonge, un film qui revient sur une vérité historique qui, pendant trois décennies, a conduit un pays à mener une guerre inutile et sanglante en Indochine. Cet opus nous remet en phase avec un épisode méconnu de l’histoire américaine où le premier amendement, garant de la liberté d’expression, notamment celle de la presse, était attaqué par une administration Nixon qui avait tout à perdre des révélations du New York Times sur l’ingérence américaine au Vietnam. Un dossier confidentiel qui confirmait que la guerre en Asie était considérée comme vouée à l’échec par les dirigeants américains depuis ses premiers jours, mais perpétuée néanmoins de façon irrationnelle, et ô combien meurtrière, pour les jeunes soldats.
Le New York Times, qui est en possession du dossier, sera muselé pendant quelques jours pour des raisons judiciaires, alors le moment est venu pour le Washington Post de prendre la relève et d’assumer le risque encouru par la publication de ces documents interdits. Se pose également la question du prix du scoop : tomber à son tour sous la pression judiciaire sans avoir la solidité financière du Times, mettre au chômage des dizaines d’employés, détruire l’accomplissement d’une famille et se retrouver en prison pour ses convictions ? Les interrogations de Katharine Graham sont d’autant plus légitimes que tout se passe quelques jours après l’entrée en Bourse du journal qui se doit de présenter des garanties à ses investisseurs.
Spielberg, bien inspiré, met en scène la carrière de cette femme Katharine Graham, fille et veuve des précédents dirigeants, prise soudain dans l’étau entre le copinage avec les politiques, les décisions déontologiques et l’avenir de sa société, choix cornélien où elle prouve sa détermination et son courage en bravant un aéropage d’hommes qui souhaiterait qu’elle se retire. Pour affronter le plus grand combat de sa vie, elle doit s’interroger sur ses raisons personnelles, ses engagements et l’avenir de ce journal familial. Question primordiale : pour qui l’exécutif gouverne-t-il ? Lui-même ou le peuple, et pour qui les médias travaillent-ils ? Pour flatter et satisfaire les amis ou informer les citoyens des limites du système ? Et quelle est l’urgence : publier afin de sauver l’honneur et réhabiliter la vérité ou se taire et laisser perdurer le mensonge d’état ? Le personnage joué par Meryl Streep est celui de l’héroïne de ce bras de fer contre le pouvoir de la Maison Blanche à une époque – celle des années 60/70 - où la société patriarcale l’attend davantage comme épouse, mère et femme au foyer qu’à la tête d’une telle insubordination qui vient rappeler aux hommes politiques leur devoir de vérité face à leur peuple.
Ce film tombe au bon moment pour deux raisons : primo, il rend compte du devoir de vérité d’une presse indépendante et courageuse ; secundo, il se glisse dans l’actuel débat féministe sur les inégalités de traitement faites aux femmes, les humiliations quotidiennes qu’elles subissent en affirmant leurs convictions, leur intelligence et leur perspicacité, y compris dans les décisions historiques de la nation. Les armes de Spielberg, afin de laver les femmes des affronts socio-culturels qu’elles subissent, est d’avoir recours à une actrice formidable Meryl Streep, qui confère à son personnage une force liée à une grâce merveilleuse et de la placer au cœur de ce combat d’idées tellement masculin qu’elle apparaît comme l’incontournable déesse de la sagesse et de la vérité. Un rôle idéal pour cette actrice rompue à toutes les disciplines du 7e Art. Face à elle tous les acteurs sont justes et convaincants et le film prend au final une ampleur wagnérienne en nous rappelant les mérites du bon droit et de la lucidité. Mais on sait aussi que ces vertus ont été vite oubliées et que la presse a suivi l’Amérique lors de sa première ingérence en Irak et en bien d’autres encore … hélas ! Quant aux médias français, n’en parlons pas, chouchoutés par des présidents sans scrupules et des directeurs de presse sans honneur, ils ont trop souvent falsifié la vérité.
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