A sa libération, Gino Strabliggi, un ancien truand, est chaperonné par l’éducateur Cazeneuve, inspecteur à la retraite, qui l’aide à se réinsérer. Malheureusement un autre policier cherche à le faire trébucher. Ecrit et réalisé par José Giovanni, un ancien taulard reconverti dans l’écriture de romans policiers et dans la réalisation de longs métrages de 1967 à 2001, cet opus est sans doute sa réalisation la plus spectaculaire par la tension constante qui l’accompagne et par trois acteurs d’exception que sont Jean Gabin, Michel Bouquet et Alain Delon qui donnent chair et vie à cette tentative de réinsertion d’un jeune truand qui aspire à reconstruire sa vie après ses années passées derrière les barreaux. Fort de son expérience personnelle, José Giovanni livre avec ce superbe scénario un réquisitoire contre la peine de mort, doublé d’une pertinente réflexion sur la justice. Ainsi, José Giovanni échappe-t-il à de nombreux écueils dans ce vibrant plaidoyer pour une justice plus humaine. Le personnage d’Alain Delon n’est en aucun cas un enfant de chœur, il est bien coupable du crime dont on l’accuse, les membres de l’administration judiciaire ne sont pas tous de froids fonctionnaires et la population entière n’est pas assoiffée de sang au point de souhaiter la mort des criminels. Certes, on peut sans doute reprocher au réalisateur d’avoir un peu forcé le trait par rapport au rôle du commissaire joué par Michel Bouquet, ce policier zélé qui utilise effectivement des méthodes qui évoquent de manière un peu trop évidentes celles des miliciens de Vichy, ce qui décrédibilise forcément ses actes. Et il faut reconnaître que l’acteur confère à son personnage une inhumanité glaciale.
Pour autant, si le film se laisse parfois gagner par le souci de faire vibrer notre corde sensible (notamment grâce à l'émouvant thème musical de Philippe Sarde, ou encore à la mort plutôt inutile de la première femme de l’ex-taulard incarné par Delon), il reste toujours grave et sincère. On y sent notamment la puissance d’indignation d’un cinéaste qui dénonce une situation scandaleuse qu’il connait bien et analyse avec intelligence. Il s’est appuyé pour cela sur le savoir-faire de trois générations de comédiens talentueux. Vétéran de l’équipe, Jean Gabin, surnommé affectueusement « le vieux », du haut de ses 70 ans, compose une figure d’éducateur progressiste digne et nuancée. Il est ici d’une sobriété exemplaire. Autre style, Alain Delon est parfaitement à l’aise dans cet emploi du truand qui aspire à retrouver sa dignité. Enfin, une jeune génération vient faire souffler un vent frais sur ce casting avec la présence revigorante de Bernard Giraudeau, Gérard Depardieu, Victor Lanoux ou encore la jolie Mimsy Farmer.
Succès mérité lors de sa sortie en salles (avec plus de 2 457 900 entrées en France), Deux hommes dans la ville (1973) peut donc être considéré comme le meilleur film de son auteur, tout en restant aujourd’hui encore d’une actualité brûlante. N’oublions pas que si la peine de mort a bien été abolie en 1981, les conditions de détention en France sont régulièrement la cible des associations des droits de l’homme, à cause de l'insalubrité et de la surcharge de nombreux établissements pénitenciers. Un film qui touche sa cible d'autant plus que le héros malheureux a su conserver son humanité.
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