Sur les affiches françaises de Lady Bird, on peut lire que le film est nommé à l’Oscar du meilleur réalisateur. C’est pourtant bien une femme qui a dirigé ce portrait d’ado sensible et rebelle, incarnée par Saoirse Ronan. Greta Gerwig, 34 ans, icône du jeune cinéma indépendant américain a, pour ses débuts derrière la caméra, rejoint d’emblée le club très fermé des rares femmes à accéder à une reconnaissance immédiate grâce à un film personnel, à la fois drôle, fantasque et touchant. Si Lady Bird a fait l’unanimité de la critique, il n’a rien glané aux Oscars 2018 mais qu’importe ! ce long métrage bien maîtrisé révèle une jeune metteur en scène qui sait traiter les sujets difficiles d’une caméra légère et néanmoins très sure. Mais également parce que Greta Gerwig symbolise, à elle seule, le combat des femmes pour s’imposer dans une industrie où elles étaient à peine 4% à diriger l’un des 100 plus gros succès au box-office l’an dernier. En janvier, son absence dans la liste des nommés au Golden Globe du meilleur réalisateur avait fait grincer des dents, tant cette toute jeune réalisatrice a déjà obtenu le plus difficile : l’adhésion du public et des médias.
Née comme son personnage à Sacramento, Greta Gerwig a écrit et réalisé un film très personnel et a su confier le rôle principal à une jeune actrice épatante Saoirse Ronan qui crève l’écran dès les premières répliques et prête à son personnage d’adolescente, en plein apprentissage de la vie et à cette croisée des chemins où se profile déjà son avenir, une incroyable aisance et un réalisme teinté d’une extrême sensibilité. Tout y est des nuances infinies de cette jeunesse en quête de soi, de cette adolescente à la croisée de multiples chemins, ceux de l’amitié, de l’amour, des études, des relations familiales, autant de choix palpitants et d’adieux anticipés. Christine, qui se fait appeler Lady Bird, est une jeune fille douée, intelligente et rebelle, un peu honteuse de sa famille qui tire le diable par la queue, de son père qui ne s’affirme pas assez et souffre constamment de dépression et d’une mère aimante, certes, mais qui, dans le souci de son éducation, ne cesse de lui rappeler des obligations désuètes et de lui seriner les sacrifices consentis pour son éducation. Car Lady Bird est ambitieuse et rêve d’accéder à l’une des universités de la côte Est qui serait fatalement plus prestigieuse que celles de la côte Ouest. En quelque sorte, l’adolescente ne rêve que d’ailleurs, si bien que ce désir, sans cesse réitéré, n’est ni plus ni moins qu’un reniement des origines. Mais les choses changeront bientôt car les lendemains qui déchantent se profilent et la jeune fille comprendra les valeurs de l’éducation parentale et celles de son collège catholique où se nouaient des amitiés si fortes, où l’on s’initiait au chant et au théâtre, où l’on vivait en quelque sorte en famille.
Greta Gerwig a le grand mérite de renouveler un thème maintes fois traité au cinéma comme au théâtre et de lui insuffler une fraîcheur et une tendresse qui en font tout le charme. A cela s’ajoute une belle dimension comique nourrie par un réel sens de l’observation, une véracité jamais lourde ou excessive, l’ensemble étant à la fois réaliste mais ciselé avec tact et finesse. Greta ne juge aucun de ses personnages, pas plus le curé maître de chant que la religieuse chargée de l'orientation professionnelle, elle leur laisse la bride sur le cou et plonge l’ensemble dans une atmosphère de bienveillance sans céder jamais au pathos ou au à un quelconque souci de moralisme. Ainsi confère-t-elle à son récit intelligence du cœur et intelligence de l’esprit. Pour un coup d’essai, un coup de maître.
Pour consulter la liste de la rubrique CINEMA AMERICAIN, cliquer ICI
commenter cet article …