Les vacances ne sont pas faites pour s’amuser. Tout le monde le sait, sauf Monsieur Hulot qui, pipe en l’air et silhouette chaloupée, prend la vie comme elle vient, bouleversant scandaleusement, au volant de sa pétaradante voiture, la quiétude estivale des vacanciers qui s’installent avec leurs habitudes citadines dans cette station balnéaire de la côte atlantique. Hulot va, dès lors, promener dans l’ennui balnéaire le plaisir émerveillé de ses découvertes successives. D’un seul coup, l’ennui vole en éclats, tandis que les châteaux de sable s’ouvrent sur la belle au bois dormant et qu’aux cris des enfants, la petite plage prend en permanence les couleurs d’un jour de fête. Mais voilà septembre. Monsieur Hulot, inconscient du climat facétieux qu’il a suscité durant cet entracte estival, rentre. Et où rentre-t-il ? Dans les nuages sans doute, dont il n’était, d’ailleurs, jamais sorti. Si bien que les enfants du pays, après qu’il ait disparu, interrogeront le ciel pendant longtemps. Fort du succès remporté par « Jour de fête », Jacques Tati , dans les années 1952, crée le personnage de Monsieur Hulot, autre silhouette dégingandée mais, cette fois, sans moustache, personnage qui pourrait être le cousin citadin du facteur François, figure qui deviendra familière avec son pantalon de toile blanche, son chapeau cabossé, ses chaussettes rayées et ses chaussures de tennis auxquelles s'ajoutera assez fréquemment une pipe. Monsieur Hulot est entré dans le paysage cinéphile à bord de sa voiture et n'en sortira plus. Dans ce second film Les Vacances de monsieur Hulot (1953), on partage avec cet ami extravagant deux semaines de vacances sur une plage bretonne proche de Saint-Nazaire. Pendant plus d'une heure, nous allons le voir semer le trouble parmi la clientèle de l’hôtel, où il séjourne, par ses maladresses, ses fantaisies et ses manières d'hurluberlu. Une suite de gags qui provoque le rire du public. Tati a su saisir le rituel des vacanciers et les attitudes estivales de la classe moyenne à l'heure où notre société entre dans l'ère de la consommation de masse. De cette observation aiguë va naître une poésie du quotidien profondément intelligente, servie par une grande liberté d'écriture qui préfigure déjà ce que sera, quelques années plus tard, la Nouvelle Vague, soucieuse de filmer en temps réel et sur le vif le monde contemporain. Hulot, l'innocent, l'optimiste, le fantaisiste, l'incorrigible gaffeur affirme son individualité à l'égard d'une société dont le conformisme est décapé sans méchanceté par des situations burlesques inénarrables.
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