À plus de 80 ans, Earl Stone est aux abois. Il est non seulement fauché et seul, mais son entreprise d’horticulture risque d’être saisie. Il accepte alors un boulot qui – en apparence – ne lui demande que de faire le chauffeur. Sauf que, sans le savoir, il s’est engagé à être passeur de drogue pour un cartel mexicain. Extrêmement performant, il transporte des cargaisons de plus en plus importantes. Ce qui pousse les chefs du cartel, toujours méfiants, à lui imposer un "supérieur" chargé de le surveiller. Mais ils ne sont pas les seuls à s’intéresser à lui : l’agent de la DEA Colin Bates est plus qu’intrigué par cette nouvelle "mule". Entre la police, les hommes de main du cartel et les fantômes du passé menaçant de le rattraper, Earl est désormais lancé dans une vertigineuse course contre la montre...
Ce scénario est signé Nick Schenk, déjà à l’œuvre dans « Gran Torino », et cela se ressent car il est bien ficelé, bien rythmé, et ne laisse aucun détail au hasard, assurant à l'opus une grande unité, celle de l'existence d’un homme à la fin de son parcours, affecté par l’éloignement de sa famille dont il n’a pas su être assez proche, tout particulièrement sa fille, qui sort d’une fête de famille lorsqu’il y entre, et dont Clint a chargé sa propre fille d’assumer le rôle. Mais c’est probablement la thématique du temps qui passe, de la vieillesse désormais bien présente, de la fragilité de la vie, qui touche le spectateur et donne à ce film, peut-être l’ultime de Eastwood, sa tonalité testamentaire, sa tendresse voilée et son humour toujours bien présent.
Et ce qui séduit également dans « La Mule » est le style si reconnaissable du réalisateur, ce mélange subtil de dérision et d’émotion, cette sensibilité à fleur d’image qui frappait tellement dans « Sur la route de Madison » ou dans « Million Dollar Baby », et la solitude qui étreint chacun de nous dans les moments décisifs de nos vies. Ainsi retrouve-t-on, dans chacun de ses opus, cette gravité devant les faits et ce souci de précision face aux détails infimes qui ont charge de l’illustrer. Il y a là un bel équilibre entre action, tension, drame et humour. De même, que me semble remarquable, la manière dont l’acteur-réalisateur sait être présent dans une suite de situations diverses, tout en assurant une unité de sensibilité qui est toujours admirablement dosée. Avec « La Mule », Clint signe l’une de ses œuvres les plus accomplies et termine sa carrière devant et derrière la caméra sur un film et un rôle puissants, sans jamais être pesants. Sachant saisir l'instant, il implique ses personnages dans une réalité vigoureuse et nous propose une vision élargie de l’existence. Enfin, il tend vers une véritable rédemption et, en horticulteur qu’il a été, s'attache à poursuivre la culture des simples beautés de la vie, faisant vibrer ainsi la touche la plus sensible des spectateurs. Film témoignage mais probablement film testament.
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