Une célèbre présentatrice de « late show », en fin de carrière, est contrainte d’embaucher une femme d’origine indienne, Molly, au sein de son équipe d’auteurs. Ces deux femmes que tout oppose, leur culture et leur génération, vont faire des étincelles et revitaliser l’émission qui ne cesse de perdre de l’audience depuis plusieurs années. Manque d’inspiration, manque de discernement, la brillante présentatrice de ce talk show journalier, Katherine Neuwbury, ne cesse de passer à côté de l’essentiel, le sens de l’humain. C’est justement ce sens de l’humain que la fraîche jeune femme va lui apporter, contribuant ainsi à sauver sa carrière.
Car, on ne peut pas faire pire comme égocentrisme que cette présentatrice vedette interprétée avec humour et brio par une Emma Thompson au top de sa séduction et de son talent. Elle crève tout simplement l’écran par son naturel et son élégance, bien que son personnage n’ait rien de sympathique avec son moi surdimensionné et son mépris à l’égard de ses collaborateurs qu’elle met à la porte du jour au lendemain et désigne par un numéro, ce qui prouve son mépris d’autrui. Mais qu’à cela ne tienne, le personnage éclate de vitalité et nous ouvre une page inattendue sur les coulisses de la télévision américaine dans le bas de gamme le plus consternant.
Ainsi Late Night est-il un formidable pamphlet contre l’univers cruel du petit écran. La réalisatrice connaît bien le milieu. Elle a acquis la légitimité pour raconter les coups bas et la terrible discrimination qui règne entre les collaborateurs quand il s’agit de produire des séries. La jeune Molly, pourtant sans expérience, parvient par le plus grand des hasards à entrer dans cet univers réservé à une élite, de préférence blanche et influente. Le fait que Nisha Ganatra ait choisi une femme pour incarner ce rôle de patronne de télévision, est particulièrement judicieux. Le film peut ainsi dénoncer la discrimination sexuelle et raciale qui règne dans ce monde feutré, cruel et réservé à quelques favoris new-yorkais. Mais Late Night n’est pas qu’un film politique. On rit. On est même ému par le destin de ces deux femmes à l’opposé l’une de l’autre mais fatalement complémentaires, Katherine et Molly. Le récit fonctionne bien et les comédiens s’immergent avec naturel dans cette histoire haute en couleur, menée d’une caméra vive et implacable sur les dérives d’un monde sans idéal, au ras d’une réalité sans espérance. C’est sans doute la vitalité de la mise en scène et les remarquables interprétations d’Emma Thomson et de la jeune et talentueuse Mindy Kaling qui procurent à ce film ce dynamisme et cette intrusion colorée dans un monde qui vit en permanence sur un volcan. Late Night est une agréable bonne surprise car l’opus est judicieusement construit. Bien sûr, il ne s’agit pas du chef-d’œuvre de l’année. Pour autant, le film a d’indéniables qualités : il plonge dans la réalité d’aujourd’hui sans la dénaturer mais sans l’avantager ou la magnifier. C’est donc son réalisme vigoureux qui fait mouche et séduit le public.
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