Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
" La souffrance ne se comprend pas, elle se ressent. elle est affaire de sensation, non d'intellect, de coeur, non d'esprit ". Abbas Kiarostami
C'est au milieu des années 1980, et malgré la défiance du pouvoir islamique, que le cinéma iranien s'est révélé au monde entier grâce au réalisateur Abbas Kiarostami. Avec l'arrivée de Khomeyni en 1979, la Révolution avait fait table rase du 7e Art considéré comme objet de nuisance, aussi les salles avaient-elles été fermées ou détruites et la production mise sous scellés, malgré l'engouement du peuple iranien pour ce moyen d'expression. C'est donc en secret et sous le manteau que, désormais, les cinéastes iraniens allaient travailler, mais on sait combien l'interdit, et la frustration qu'il génère, favorise la créativité. Quand on se souvient que l'Iran d'aujourd'hui fût la Perse de jadis, on saisit mieux l'intérêt de ce peuple pour l'art en général et l'impact de l'image en particulier, capable de ressusciter des pages de l'histoire et de ré-actualiser une culture et une civilisation. Le cinéma de Kiarostami repose sur l'alliage unique de l'exigence réaliste du monde et de l'enchevêtrement complexe d'un récit initié par les déambulations des personnages. L'important de ce voyage dans le temps n'est pas d'atteindre un quelconque but ou d'affirmer un quelconque postulat, mais de le parcourir et surtout de remonter aux sources sans lesquelles le présent n'a pas de sens. A l'époque du Shah, dans les années 1950, existait un cinéma populaire et commercial sur le modèle du cinéma indien qui plaisait à tout le monde sans apporter aucun message, avant que les jeunes cinéastes, apparus dans le sillage de Kiarostami, ne renouent avec un réalisme social critique. Pour contourner la censure, des réalisateurs comme Dariush Mehrjui avec Le cycle (1974), Kamal Tabrizi avec Le Lézard (2004), Mohsen Makhmalbaf avec Le cycliste (1989) se sont intéressés au monde rural traditionnel, aux minorités exploitées, parfois même à la prostitution, et on devine aisément la ruse, le courage et la détermination qu'il leur a fallu pour mener à bien leurs entreprises. Close-up, sans doute le chef-d'oeuvre d'Abbas Kiarostami, montre à quel point la condition des femmes, les inégalités entre riches et pauvres ont engendré de frustrations et de misères que la Révolution islamique n'a aucunement résolues. Ainsi l'exigence artistique alliée à la critique de toute une société sont-elles les composantes du meilleur cinéma iranien et un témoignage engagé contre le totalitarisme des Ayatollahs
Dans "Le goût de la cerise" de Abbas Kiarostami, cette figure majeure du nouveau cinéma iranien, un homme sillonne les routes à la recherche d'une personne qui l'aidera à accomplir son suicide. Mais, à chaque fois l'accomplissement n'aboutit pas, tandis que le cheminement se révèle formateur. Il y a en permanence dans les films de Kiarostami des guides passeurs et des dédales à parcourir, itinéraire en forme d'un labyrinthe initiatique. Par chance, cette oeuvre magnifique obtint la Palme d'or à Cannes en 1997, mettant à l'abri l'auteur d'un toujours possible attentat. Ce qui n'empêche nullement ses films de subir la censure et d'être parfois interdits de projection dans son pays. Ce cinéma d'exception a heureusement fait école et inspiré une philosophie en action qui replace l'homme face à l'immensité de l'univers et réhabilite la sagesse orientale millénaire. C'est ce rôle de premier de cordée et de visionnaire qu'a su endosser ce cinéaste poète bouleversé par la beauté du monde et cruellement blessé par la perspective de sa propre finitude et des constantes tergiversations de la nature humaine.
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