Adieu ma concubine, le chef-d'oeuvre de Chen Kaige, date de 1992 et apparait comme un vibrant hommage à l'Opéra de Pékin. Grâce à ce film, Kaige présente au monde cet art typique de son pays, un art codifié où rien n'est laissé au hasard. Douzi et Shitou, qui se sont rencontrés enfants lors de leur rude apprentissage à l'école de l'Opéra, en sont les personnages principaux. Soutenue par des images majestueuses, leur histoire est fascinante et nous conte, à travers leurs deux destins, les bouleversements que la Chine subira au long d'un demi-siècle. Alors que, durant leur jeunesse, les amis vivaient au coeur d'une société qui prônait la discipline comme le seul moyen de surmonter les drames de l'existence et de s'en rendre maître, l'effort étant habituel, ils vont, par la suite, partager le sort de la population lors de la révolution culturelle et de l'émergence du communisme, qui se révèleront être la cause de leur propre déchéance et de celle de leur art. Cette évolution du système politique chinois est admirablement rendue, mieux que la relation ambiguë entre les personnages qui, parfois, est assez peu lisible et finit par le mariage de l'un et le suicide de l'autre qui ne peut surmonter sa douleur d'avoir été délaissé pour une femme.
Par ailleurs, l'apparition du nouvel ordre politique va entraîner l'inexorable disparition des vestiges de l'ancienne société et être la cause de débordements et de trahisons, ce que le cinéaste nous dépeint avec talent. Ce film fut évidemment censuré et interdit dans la Chine d'alors, avant que le succès international ne le rejoigne à Cannes, où il reçut la Palme d'or en 1993, ex-aequo avec une autre grand film dont je parlerai bientôt La leçon de piano de Jane Campion. Au final, une oeuvre magnifique où se mêlent, dans une mise en scène grandiose, réalité et fiction, peinture de la Chine à travers cinquante ans de son histoire et amours conflictuels entre deux hommes et une femme. Ce long métrage a également pour mérite d'allier le souffle de l'épopée à l'intimité d'un drame humain et sentimental.
Leslie Cheung, acteur emblématique du cinéma asiatique, mort en 2003 à l'âge de 46 ans, domine l'opus et se montre absolument remarquable. On ne peut oublier son visage grimé où se lisent successivement douceur, tendresse, confiance, détresse, résignation et désespoir. Bien que le rôle d'un travesti soit délicat à interpréter, l'acteur, chanteur et danseur, ne tombe jamais dans le piège d'en faire trop. Il joue sur la corde sensible de sa difficile identité avec finesse et intelligence, tandis que Gong Li maîtrise avec une merveilleuse féminité l'alternance de la séduction et de la révolte. Cette somptueuse réalisation doit autant à la qualité de la mise en scène qu'à celle de l' interprétation.
Pour lire l'article consacré à Gong Li, cliquer sur son titre : GONG LI - PORTRAIT
Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA ASIATIQUE, cliquer sur le lien ci-dessous :
LISTE DES FILMS DU CINEMA ASIATIQUE