Il aura fallu dix ans et une énergie peu commune à John Wayne pour qu'il puisse porter à l'écran le projet qui lui tenait à coeur depuis longtemps : le siège de Fort Alamo, l'une des pages de gloire de l'histoire américaine, que ce patriote fervent avait le désir de réaliser. Dès 1950, il avait cherché à y intéresser Herbert J. Yates, le patron de Republic Pictures avec, pour interprète principal, l'acteur Johnny Weissmuller. Mais les hommes ne parvinrent pas à s'entendre et se séparèrent, Yates produisant pour sa part une version " bon marché " du scénario, réalisé en 1955 à moindres frais par Frank LLoyd et William Witney, avec pour titre français : "Quand le clairon sonnera". Quant à John Wayne, nullement découragé par cet échec, il continua à travailler avec obstination sur son projet, persuadé qu'il y avait place pour une reconstitution plus ambitieuse. Il prit alors la décision de s'investir financièrement dans "Alamo", se réservant le rôle secondaire, mais les Artistes Associés, avec lesquels il finit par passer contrat, exigèrent que ce soit lui et lui seul qui tienne le rôle le plus important, afin d'assurer la réussite commerciale de l'entreprise. C'est ainsi que Wayne devint le colonel David (Davy Crockett ). Pour lieu de tournage, il choisira Brackeville au Texas et pour parfaire cette fresque grandiose, louera 1500 chevaux et aura recours aux services d'un ex-sergent des Marines, vétéran des films de John Ford, Jack Pennick, de manière à instruire militairement les 4000 figurants. Il fit en sorte de disposer de tous les atouts nécessaires, ayant pour cette réalisation une détermination farouche, un enthousiasme qui ne l'était pas moins et une disponibilité de tous les instants.
" Avant même qu'un pied de pellicule ne soit impressionné - écrira Maurice Zolotow dans Shooting Star - plus de deux millions de dollars avaient été dépensés ". La nourriture de la véritable armée réunie par John Wayne coûtera à elle seule 250.000 dollars. L'acteur fut obligé d'hypothéquer ses biens personnels pour subvenir aux dépenses d'un tournage de plus en plus onéreux. Le coût total du film atteindra 12 millions de dollars pour 81 jours de travail. Plus passionné que jamais, Wayne déclarera : " C'est un sacré bon film, une vraie page d'histoire américaine, le genre de films dont les gens ont besoin, plus que jamais ". Mais le public, toujours versatile, ne suivra pas comme l'avait tant espéré l'acteur et ce dernier ne récupérera son coût de production que beaucoup plus tard, lorsque les droits seront achetés par la télévision.
Pourtant "Alamo" est une réussite. Et d'abord un coup de maître de la part de John Wayne qui endosse avec une incontestable aisance les rôles conjugués de producteur, réalisateur, metteur en scène et interprète et, ce, avec un brio et une compétence qui forcent l'admiration. Les séquences de bataille, dont les cascades avaient été mises au point par Cliff Lyons, sont admirablement ordonnées et possèdent une grandeur tragique. Il est difficile, par ailleurs, d'oublier la mort de Travis, tué d'une balle ; de même que celle de David Crockett qui, mortellement blessé, se fait exploser avec les réserves de poudre ; il y a là beaucoup d'héroïsme et de grandeur et une suite de combats réalistes qui prouvent l'ardeur et le courage de ces hommes qui, de part et d'autre, s'affronteront à la loyale.
1836, le Texas n'est alors qu'une province du Mexique et entend proclamer son indépendance. Mais à cette époque, l'armée texane, dirigée par le général Sam Houston ( Richard Boone ), n'est pas encore prête et celui-ci demande alors au colonel Travis ( Laurence Harvey ) de tenir coûte que coûte Fort Alamo, siège d'une ancienne mission, qui se présente comme une sorte de verrou sur la route où s'est engagé, avec une armée de 7000 hommes, le dictateur mexicain Santa Anna ( J. Carrol Naish ). Si bien que la défense s'organise et que 185 braves sont prêts à se sacrifier pour que le Texas se libère du joug mexicain. L'armée mexicaine investit la place, ne laissant partir que les femmes et les enfants, tandis que les défenseurs apprennent que les renforts, sur lesquels ils comptaient, ne viendront pas et qu'ils doivent dorénavant envisager le combat seuls, de façon à retarder, autant que faire se peut, l'avancée des Mexicains.
Voilà l'histoire édifiante que John Wayne voulait offrir à son pays et, en même temps qu'une leçon de courage, rendre hommage à ceux qui avaient donné leur vie pour que les hommes de leur pays puissent un jour y vivre libres. Il a fait en sorte que cette épopée soit, tout ensemble, une fresque spectaculaire et la description sensible et minutieuse d'un groupe d'hommes lié par un semblable idéal, que les événements condamneront à un destin tragique et glorieux. Depuis lors, ce film, d'une durée de 2h 47, s'est inscrit dans la lignée des grands classiques du western.
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