Existe-t-il des baisers sans conséquences pourrait être le titre de ce film d' Emmanuel Mouret révélé par la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, auteur de Laissons Lucie faire, Vénus et Fleur et Changement d'adresse et qui, à travers cette oeuvre pleine de charme, nous propose une série d'interrogations avec une élégance et une fluidité qui ne sont pas sans évoquer le style d'un autre grand metteur en scène, dont il se recommande d'ailleurs : Eric Rohmer. Cela commence à Nantes par une rencontre entre Emilie (Julie Gayet) et Gabriel (Michaël Cohen) qui passent une soirée ensemble, se plaisent et aimeraient tant se quitter sur un baiser, mais... y renoncent pour des raisons qui leur sont personnelles, persuadés, qu'on le veuille ou non, qu'un baiser vous engage. A partir de là, l'histoire peut commencer. Ce baiser, qu'ils se sont interdit, où les mènera-t-il, car il n'est pas sans conséquence non plus de l'avoir désiré ? Nous sommes à n'en pas douter dans une comédie qui n'est pas en adéquation totale avec notre société actuelle, comédie décalée, pleine d'un charme désuet, délicate et en demi-teinte qui évoque volontiers On ne badine pas avec l'amour, d'autant que cette variation bien tempérée sur les sentiments amoureux est servie par des dialogues élégants, concoctés par un cinéaste de la parole et du beau langage. Alors un film à contre-courant ? Sans doute, mais en nous proposant une réflexion sur le conflit passion et raison, parole et acte, vertu et plaisir, Emmanuel Mouret n'oublie pas de renouveler le thème et d'y apporter la contradiction en imbriquant un sujet dans un autre et en donnant vie et actualité à un second récit qui vient s'enchâsser subtilement dans le premier et nous raconte les amours de Judith (l'excellente Virginie Ledoyen) et de Nicolas interprété par Emmanuel Mouret, lui-même, avec autant de cocasserie et de maladresse que de charme et d'artifice. Cette stratégie en miroir prolonge et amplifie le propos et les dilemmes et situations qui s'y rapportent, donnant lieu à un surprenant épilogue que je me garderai bien de vous révéler.
Ainsi s'établit une métaphore très plaisante dans un style qui mêle habilement finesse et drôlerie, burlesque et romantisme, et où l'art prend toute sa place comme pour mieux nous convaincre que les exaltations de la chair peuvent aussi s'ériger en jeux de l'esprit. Admirablement servi par des acteurs qui se déclinent entre pragmatisme, ingénuité et machiavélisme, ce long métrage, parfaitement maîtrisé, nous offre un spectacle enchanteur, un met délicat mais pimenté, qui est l'une des plus grandes réussites de l'année. Marivaudage sensible et subtil, il se clôt par l'un des plus beaux baisers du cinéma. A ne pas manquer.
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