"Barry Lyndon" de Stanley Kubrick est un film d'une rare richesse visuelle. Chaque scène, chaque image sont dignes d'un grand maître de la peinture, tant au niveau des costumes (somptueux), des décors (qui le sont tout autant) et de l'exceptionnel travail sur les couleurs et la lumière. L'emploi de torches et de bougies crée très souvent des halos irréels qui contribuent grandement à la magie qu'il exerce. Cela a été possible grâce à l'évolution de la technique et, en particulier, de l'optique, ainsi que du traitement de la pellicule en laboratoire. Il n'en reste pas moins que le travail du chef opérateur John Alcott a fait date et fut récompensé par l'un des quatre Oscars qui couronna cette oeuvre. Enfin la musique est très présente. Pour cela, l'auteur a fait appel à Bach, Haendel, Mozart, Schubert, Vivaldi et l'ensemble contribue harmonieusement au ravissement de l'oreille. Par conséquent un long métrage qui enchante par son extrême beauté esthétique et se révèle être une adaptation exemplaire du roman de Thackeray, auquel Kubrick s'est montré fidèle comme il l'avait été avec "Lolita" de Nabokov ou "Orange mécanique" de Burgess.
Film à part néanmoins dans sa production cinématographique, car sans portée morale, psychologique ou politique, mais probablement son chef-d'oeuvre ( le monument du genre historique ) par sa perfection rigoureuse dans la restitution de l'atmosphère de l'époque ( on pense à Gainsborough et à Constable ) et le plus touchant et humain dans le déroulement de son intrigue et le portrait psychologique des principaux protagonistes. D'autant plus humain que ce récit d'apprentissage est digne des plus grandes oeuvres littéraires ( comment ne pas évoquer Stendhal !) et synthèse idéale entre toutes les formes de l'art. Y contribuent, en partenariat, le cinéma par son mouvement, la peinture par ses plans sophistiqués, la musique qui berce et emporte - grand merci à Schubert plus spécialement - auxquels s'ajoute une construction dramatique qui ne sombre jamais dans le pathos et se nourrit des résonances émises par la complexité humaine des divers personnages.
L'Irlande dépeinte est celle du XVIIIe siècle. Ambitieux et naïf, le jeune Barry est bien décidé à s'élever dans l'échelle sociale mais, épris de sa cousine Nora, qui en préfère un autre, il provoque son rival en duel, si bien que sa victoire signe son exil et que, d'aventure en aventure, il se retrouve enrôlé dans l'armée britannique. Déserteur, il est rattrapé par les Prussiens et contraint d'espionner un compatriote irlandais : le chevalier Baribari. Les deux hommes s'enfuient et, pour survivre, s'adonnent au jeu, en trichant bien entendu, et en provoquant les mauvais payeurs en duel. Cynique et corrompu, Barry parvient cependant à séduire une jeune veuve très belle qu'il épouse, la comtesse Lyndon, avec laquelle il aura un fils et qui lui assurera, non seulement une position sociale enviable, mais la jouissance d'une immense fortune. Mais le rustre irlandais ne saura garder ni l'une, ni les autres. Il trompera sa femme et s'attirera la haine de son beau-fils qui le provoquera en duel. La déchéance suivra : il verra mourir son fils Bryan, sombrera dans l'alcoolisme avant de perdre une jambe et d'être banni d'Angleterre. Ryan O'Neal prête toute sa fougue au personnage d'un naïf ambitieux devenu, au contact du monde et des hommes, un débauché brutal et paillard, tandis que Marisa Berenson traverse le film de son élégante fragilité. L'un des sommets du 7e Art de par une magnificence rarement égalée.
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STANLEY KUBRICK OU LE REGARD CAMERA
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