Une bonne surprise que le premier long métrage d'une jeune cinéaste qui vient enrichir l'affiche très encourageante d'un cinéma féminin de qualité, prêt à assurer la relève des aînés, et que l'on décline de façon jubilatoire avec les noms de Pascale Ferran, Marjane Satrapi, Nadina Labaki et aujourd'hui Anne Le Ny. Un cinéma qui a cette fraîcheur, mais également cette audace des premières oeuvres, quand elles savent mêler force et tendresse, originalité et innovation et trouver un style, un ton, un souffle.
C'est le cas de Ceux qui restent, histoire d'un homme et d'une femme qui vont se rencontrer, se croiser, se parler, s'apprécier, alors qu'ils se rendent l'un et l'autre au chevet de leur conjoint atteint d'un cancer et en phase terminale ( on ne les verra d'ailleurs jamais ) dans les couloirs tellement neutres d'un hôpital, dans une cafétéria, un kiosque à journaux ou la voiture qu'ils partageront ensuite pour rentrer chez eux. Un film qui aborde un sujet difficile et le traite entre espérance et douleur, avec autant de pudeur que de justesse. Une page se tourne pour chacun d'eux, creusant un abîme au fond du coeur, tandis qu'un espoir se dessine non sans tâtonnements et atermoiements, grâce à des bribes de phrases échangées, à des regards qui s'évitent et se cherchent, à une pudique relation tissée dans le malheur. Oui, oseront-ils franchir le pas et s'avouer qu'ils se désirent et s'aiment, quand bien même leur conjoint meurt dans la chambre voisine ?
Cette valse hésitation fait le charme du film qui dose admirablement paroles et silences, scrupules et résolution, retenue et hardiesse dans un patchwork étonnant de sentiments. Et puis le metteur en scène a su utiliser au mieux les ressources de deux comédiens formidables : Emmanuelle Devos et Vincent Lindon qui sont Lorraine et Bertrand avec une finesse, une subtilité dont on ne peut que les remercier, tout en félicitant la réalisatrice d'avoir su si bien les diriger et tirer la quintessence de leurs personnages respectifs : lui qui n'est guère heureux à la maison auprès d'une belle-fille et d'une soeur qui ne lui passent rien ; elle, qui se débat au milieu de mille difficultés quotidiennes qu'elle ne sait pas gérer. Avec ce joli rôle de mari triste et dévoué, Vincent Lindon est bouleversant de naturel, alors qu'Emmanuelle Devos montre, à l'inverse, un aspect de sa personnalité plus vif et effronté que dans ses films précédents. Ensemble, ils trouvent leur place dans un drame discret, où la culpabilité apporte sa touche sombre et grave. Un film à voir d'urgence. Emotion garantie.
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