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20 octobre 2017 5 20 /10 /octobre /2017 09:26
DANIELLE DARRIEUX

                  

Elle était la grâce et la féminité même, avec une voix de violoncelle. Elle a honoré le cinéma français par son talent (110 films à son actif), son charme, son espièglerie et son élégance. Elle était de ces rares actrices qui peuvent tout jouer avec le même naturel. Elle était née un premier mai, le jour du muguet, et elle s'est éteinte comme une petite bougie à cent ans et demi au coeur d'un automne qui sait nuancer et harmoniser les couleurs. Une vie d'exception pour une femme d'exception. Alors qu'elle étudiait le violoncelle au conservatoire, Danielle Darrieux, née en 1917, est remarquée et retenue pour tenir le rôle principal dans  "Le Bal" de Wilhelm Thiele. Elle a 14 ans et n'a encore suivi aucun cours d'art dramatique. Qu'à cela ne tienne ! Sa fraîcheur, sa beauté, sa spontanéité en font la plus délicieuse ingénue et on parle d'elle comme d'une révélation, si bien qu'elle tourne successivement  "La crise est finie" et "Dédé" (1934) de Guissart,  "L'or dans la rue" (1934) de Kurt Bernhardt et  "Quelle drôle de gosse" (1935) de Léo Joannon et, qu'âgée de seulement 18 ans, elle n'a pas moins de quinze films à son actif.



En 1935, Anatole Litvak lui offre un premier rôle dramatique, celui de la tendre et fragile baronne Vetsera dans "Mayerling" au côté de Charles Boyer, où elle va se révéler une vraie comédienne capable non seulement de séduire mais d'émouvoir et, sans forcer son jeu, de traduire des sentiments complexes et douloureux. Au début de l'Occupation, elle remporte un triomphe avec "Premier Rendez-vous" (1941) d'Henri Decoin qu'elle a épousé. Suivront quelques films sans grand intérêt, avant qu'elle ne renoue avec des personnages plus consistants et trouve un second souffle avec "Occupe-toi d'Amélie "(1949) de Claude Autant-Lara ou "La Ronde" de Max Ophuls. Ophuls, qui a découvert en elle son interprète idéale - il dira à son propos " Regardez ce tendre mouvement de l'épaule et ce sourire qui ne sourit pas mais qui pleure. Ou qui fait pleurer " -  lui confie le rôle principal dans  "Madame de" où elle est inoubliable dans le personnage d'une femme coquette prise au piège d'un grand amour. Affectueusement surnommée D.D., un critique de l'époque écrira  : " Elle a incarné comme Gabin, autant que lui et de façon légère, l'insouciance des années 1930 et la gravité des années 1950".

 

A propos d'Ophüls, on parle de la trilogie qui réunit les trois films les plus importants :" La ronde", "Le plaisir" et "Madame de". L'actrice y donnera la pleine mesure de son talent et surprendra son public en lui révélant des ressources insoupçonnées : ainsi sera-t-elle tour à tour une bourgeoise, une fille publique et une aristocrate avec la même aisance. Dans "La Ronde", elle incarne avec délicatesse et humour Emma Breitkopf, femme mariée, victime d'une panne de son jeune amant (Daniel Gélin), avant de se retrouver auprès de son mari (Fernand Gravey) dans la chambre conjugale aux lits jumeaux. Elle est ensuite la Madame Rosa du "Plaisir", une des pensionnaires de la maison Tellier qui recouvre un peu de sa dignité  devant les excuses que lui adresse le menuisier de la campagne normande (Jean Gabin) et, pour finir, sera l'interprète insurpassable d'une femme saisie d'une violente passion, oiseau qui se croyait volage et se découvre captif, dans "Madame de"... L'actrice légère, apparemment lisse, pouvait devenir une admirable tragédienne. Le génie d'Ophüls eut, entre autre mérite, celui de tirer d'elle les sons d'un stradivarius.



A partir de ces années 50, elle sera considérée comme l'une des meilleures actrices françaises avec Michèle Morgan et Micheline Presle, sensible, touchante, parfaite dans des rôles aussi divers que celui de Madame de Rénal dans "Le Rouge et le Noir" de Autant-Lara, dans "La Maison Bonnadieu" de Carlo Rim ( 1952) ou "Pot-Bouille" de Duvivier (1957). Elle prêtera également ses traits et son talent à des personnages comme la "Lady Chatterley" de Max Allégret (1955), la Montespan de "L'affaire des poisons" d'Henri Decoin et, également, à des femmes contrastées comme Agnès Sorel, favorite de Charles VII ou Marie-Octobre, une résistante de la dernière guerre. Tant et si bien que la Nouvelle Vague n'hésitera pas à faire appel à une actrice aussi accomplie et qu'elle tournera avec Chabrol dans "Landru" (1962), avec Jacques Demy dans "Les demoiselles de Rochefort" (1967) - où elle sera la seule à ne pas être doublée sur le plan musical - ainsi que dans "Une chambre en ville" (1982), avec Dominique Delouche dans "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" (1968) et "Divine" (1975), avec Philippe de Broca dans "Le Cavaleur" (1978) et avec Téchiné dans "Le lieu du crime" (1985) ; ces cinéastes contemporains n'ayant pas hésité à lui confier des rôles de femme mûre ou même d'adorable grand-mère. Au théâtre, sa carrière n'en est pas moins brillante. Ses plus grands succès seront : "Les jeux dangereux" en 1937, "La robe mauve de Valentine" en 1963 et "Harold et Maud" en 1995.           

 

En 2005, à 88 ans, elle tourne  "Nouvelle Chance" d'Anne Fontaine. Un record pour une actrice qui a débuté sa carrière à 14 ans et n'a pas moins d'une centaine de films à son palmarès. Cette longévité, elle la doit à une incroyable jeunesse de caractère, d'autant qu'elle n'a pas dit son dernier mot et qu'elle a encore joué devant la caméra de Pascal Thomas  dans "L'heure zéro" en 2007 et dans "Pièce montée" de Denys Granier-Deferre en 2010.  Ainsi a-t-elle tout interprété sans éprouver la moindre lassitude et conservé, malgré les épreuves et les chagrins, une formidable joie de vivre. Ce qui a fait dire à son metteur en scène Anne Fontaine : J'ai été complètement charmée par sa personnalité, son énergie, le mélange de joie, de gaieté et de mélancolie totalement surmontée. Danielle est entièrement tournée vers l'avenir, elle a un rapport unique avec le temps.                                 

 

Cette grande actrice s'est vu couronnée par le prix de la meilleure interprétation féminine à Berlin en 2002 pour "Huit femmes" de François Ozon, d'un César d'honneur à Paris en 1985 et d'un Molière d'honneur en 1993. Toujours débordante d'activité alors qu'elle avait passé le cap des 90 ans, elle avouait : " J'ai du mal à me voir vieillir. Du coup, je regarde mes anciens films. Mes deux petits liftings sont ridicules à côté de ceux qu'on voit aujourd'hui ! Le secret, c'est d'aimer la vie, de se poser des questions et de ne pas avoir d'oeillères. La comédie, c'est la vie. La seule chose qui m'emmerde, c'est de devoir mourir ". Mais le 7e Art ne l'a-t-il pas depuis longtemps immortalisée ?

 

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DANIELLE DARRIEUX
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commentaires

A
Bonjour à vous deux chère Armelle. <br /> Un bel hommage pour cette grande actrice. Je viens de revoir Madame de ...<br /> Le film est une parfaite réussite. Elle y excelle. <br /> Très bon week-end. À bientôt.
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A
Merci de votre visite Alain. Comme elles sont devenues plus rares à cause de vos obligations, je les apprécie davantage.
D
Bonsoir Armelle, merci pour cet hommage à une actrice qui disait adorer la vie qui lui a bien rendu. Bonne soirée.
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E
Distinguée, jolie, talentueuse, gaie... tout pour plaire. Pétillante et éternellement jeune. Quelle bouffée de fraicheur...
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H
Vous avez fait deux erreurs dns votre texte. Le César d'honneur n'a assurément pas été décené à DD à Cannes mais à Paris et, surtout, elle ne joue pas la Marquise de Montespan dans ' Si Versailles m'était conté ' de Guitry. Elle ne figure pas dans le film où le rôle de la Montespan est tenu par Claudette Colbert. Darrieux joue la Montespan dans ' L'Affaire des poisons ' d'Henri Decoin. Bien à vous, <br /> HJS
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A
Merci Henry-Jean, je m'empresse de corriger ces deux erreurs.

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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

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La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

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