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7 avril 2010 3 07 /04 /avril /2010 08:30
LES DIMANCHES de VILLE d'AVRAY de SERGE BOURGUIGNON

      

Pierre, ancien pilote d'avion, amnésique à la suite d'un accident en Indochine, est pris en charge par Madeleine, une infirmière célibataire qui lui témoigne beaucoup d'affection. En accompagnant celle-ci à la gare, il rencontre Françoise, une fillette de douze ans, qui a perdu sa mère et que son père a placée dans une institution religieuse. Pierre, frappé par le désarroi de l'enfant et l'attitude méchante de son géniteur, la suit et bientôt se fera passer pour le père absent, afin de lui rendre visite chaque dimanche. Entre Pierre et Françoise va naître et s'épanouir une affection pure et sincère qui, bientôt, sera à l'origine d'une rumeur et provoquera un scandale dans la ville. Cet attachement est d'autant plus fort que le pilote croit avoir tué une petite fille lors d'un raid et que ce sentiment ne cesse de le hanter. Françoise représente l'innocence qu'il craint d'avoir tuée un jour, en même temps qu'elle lui restitue son esprit d'enfance que la guerre a mutilé.



Les dimanches de Ville d'Avray, oeuvre bouleversante, décrit avec une étonnante justesse et sensibilité l'attachement que cette petite fille, sans père et sans mère, ressent pour cet homme, lui-même sans enfant. Leur duo est une merveille de tendresse et de délicatesse, l'acteur Hardy Krüger et la jeune actrice Patricia Gozzi étant tous deux formidables de spontanéité et de justesse. A sa sortie en 1962, il ne reçut qu'un accueil très mitigé de la part du public français, alors qu'il reste au Japon et aux Etats-Unis un film référence. Il fut d'ailleurs couronné de l'Oscar du meilleur film étranger à Hollywood en 1963. Inclassable, il ne relève ni de l'académisme des réalisateurs des années 50, ni du style caméra à l'épaule de la Nouvelle Vague. En définitive, ce film est une comète isolée, quelque chose à part qui honore toutefois et grandement notre 7e Art national.


 

Traitant d'un sujet, qui pourrait vite sombrer dans la sensiblerie ou le scabreux,  Serge Bourguignon  évite  les pièges et nous donne à voir un film d'une poésie et d'une émotion qui ne faiblissent pas. Visionné il y a des années de cela, je n'ai pu l'oublier. Il compte parmi les longs métrages qui ont marqué ma mémoire, tant il se tisse d'évocations délicates, se déploie en une symphonie de regards, tant chaque séquence résonne de la façon la plus vraie et la plus sincère. Je ne dirai jamais assez de bien de l'interprétation étonnante de la petite Patricia Gozzi qui ferait fondre le coeur le plus endurci. Elle me rappelle le jeune acteur qui donnait la réplique à Charlie Chaplin dans " Le kid ". Elle est de cette trempe et compose avec  Hardy Krüger  un inoubliable face à face. Elle joue de tous ses atouts pour gagner la complicité de cet étranger qui représente à la fois le père qu'elle n'a pas eu et l'amant qu'elle imagine déjà séduire dans sa tête d'enfant mûrie trop tôt. Il est certain qu'elle se place souvent dans des situations qui lui confèrent d'emblée un rôle valorisant. D'ailleurs, l'étranger ne la traite-t-il pas comme une petite déesse dont il ne peut plus se passer et ne la nomme-t-il pas Cybèle ? Dans celui plus effacé de Madeleine,  Nicole Courcel  est parfaite et ravissante de surcroît. Je ne dévoilerai pas la fin qui n'est nullement celle d'un conte de fée. A l'heure où les scandales pédophiles éclatent de tous côtés, il est bon de voir ce film qui offre une vision des choses particulière et montre que l'amour le plus pur peut exister entre un homme et un enfant, que le coeur d'un homme, mutilé par la guerre, est en mesure de retrouver goût à la vie grâce à la tendresse d'une petite fille, oubliée des siens. Ce film est repris en salles cette semaine. Ce duo très attachant vous touchera sans aucun doute. Et, cerise sur le gâteau, il y a la belle musique de Maurice Jarre.
 

 

Mais osons nous poser la question : comment réagirions-nous aujourd'hui, confrontés que nous sommes à des drames où des enfants deviennent les victimes d'adultes déséquilibrés, si nous surprenions dans les bois de Ville d'Avray et autour de son étang ce duo insolite (ainsi que le fait, sur la photo ci-dessous, le passant avec sa bicyclette) ?  Le cas de ce film pose un problème d'autant plus difficile à élucider que rien de sexuel ne vient entacher la relation affective qui unit le pilote de guerre et la fillette orpheline, mais n'est-il pas légitime que des personnes s'émeuvent de voir un inconnu embrasser, câliner, caresser une petite fille et aller jusqu'à se faire  passer pour son père ? Comment accuser la société d'alors de s'être émue de voir chaque dimanche un homme errer seul en compagnie d'une jeune pensionnaire ? C'est toute l'ambivalence, l'ambiguïté de cette oeuvre si réussie de nous proposer une interrogation d'une telle acuité et complexité qu'elle nous laisse sans réponse, affaiblit nos arguments et vise à confondre notre sensibilité. N'est-ce pas parce qu'il nous assigne devant notre propre conscience que ce film  est incontournable ?

 

Pour prendre connaissance de la liste complète des articles consacrés au CINEMA FRANCAIS, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA FRANCAIS

 

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LES DIMANCHES de VILLE d'AVRAY de SERGE BOURGUIGNON
LES DIMANCHES de VILLE d'AVRAY de SERGE BOURGUIGNON
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commentaires

A
Absolument d'accord avec toi Gérard. Ce film était courageux et n'aurait pas pu, je crois, être tourné de nos jours où l'on aurait accusé Bourguignon d'être trop laxiste ou dangereusement naïf.<br /> Oui, tout jugement mérite réflexion et à trop vouloir le bien, on se méprend souvent sur le juste. Merci de ton intéressant commentaire.
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G
Ce film est pour moi l'un des plus complexes à analyser et l'un des plus tendres qu'il m'a été donné de voir. Ton article cerne fort bien la situation et mérite un débat notamment sur la morale et<br /> la conclusion de cette oeuvre dont le but est certainement d'interpeller le public sur une situation pour le moins ambiguë vis à vis de la société concernant la liaison entre un homme traumatisé et<br /> une petite fille abandonnée. Déjà, il faut placer ce sujet dans le contexte de l'époque de sa création où notre société était très radicale dans sa manière d'appréhender certains comportements qui<br /> pouvaient lui paraître étranges ou dérangeants pour la morale. Cela a d'ailleurs peut-être contribué au succès mitigé de ce film en France. La conclusion que je tire de ce drame, c'est que le<br /> jugement que l'on se fait parfois sur des attitudes ou des évènements susceptibles de choquer d'un premier abord, sans en connaître le fondement, peuvent être nuisibles s' ils sont portés de<br /> manière hâtive et (ou) au nom d'une idée préconçue. C'est le cas dans ce film où de "braves gens" un peu franchouillards, sûrs de leur fait, vont contribuer grandement à détruire une liaison pure,<br /> sincère et réparatrice avec en plus l'intervention d'une police bornée intervenant sans la moindre retenue et réflexion. Nous sommes là en plein dans l'erreur judiciaire qui entraîne une exécution<br /> comme cela se faisait beaucoup à l'époque. On ne peut donc accuser quiconque et intervenir sans connaître toutes les données sous peine de courir le risque d'être un "Dupont la Joie" . Serge<br /> Bourguignon a provoqué un choc avec ce sujet courageux, malheureusement ce réalisateur si prometteur n'a pas persisté dans la voie des chefs-d'oeuvre et sa carrière fut assez éphémère tout comme<br /> comme celle de Patricia Gozzi dont l'interprétation est admirable... Dommage !
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E
(Je ne retrouve pas mon commentaire écrit la semaine passée ...aussi peut-être vais-je me répéter ! )<br /> Le dvd existe depuis 2009 : " Sonntage mit Sybill" ou "l'Uomo senza passato"<br /> J'avais été très touchée par ce film il y a une cinquante d'années et je le cherchais depuis longtemps ... <br /> Aujourd'hui, le film est toujours aussi émouvant, mais nous remue aussi par toutes les questions auxquelles il nous confronte. Je souscris entièrement à votre commentaire, Madame. vous l'avez si bien analysé !
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L
J'ai trop envie ce film. Comment le voir sachant qu'il n'existe pas en DVD ???<br /> Félicitations pour votre blog. Trop bien.<br /> Merci de nous ravir cinématographiquement.<br /> Bon week-end.
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  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.

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La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
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