Nous sommes en Chine du Nord dans les années 20 : Songlian (Gong Li), âgée de 19 ans, devient la quatrième épouse du riche maître Chen Zaoquian (Ma Jingwu) à la suite de la mort de son père. Elle va dorénavant vivre cloîtrée auprès des trois autres épouses qu'elle ne verra que lors des repas pris en commun. La première épouse Yuru (Jin Shuyuan), qui a dépassé l'âge de plaire, ne lui cause aucun souci. Mais il n'en est pas de même des deux autres avec lesquelles elle se heurte, parce que celles-ci, dévorées de jalousie, s'emploient, autant que faire se peut, à comploter les intrigues les plus fallacieuses ; la seconde épouse Zhuoyun (Caoo Quifen) se révélant véritablement machiavélique sous des dehors aimables. C'est elle qui provoquera indirectement la mort de Yan'er, la servante-concubine, puis de Meishan, la troisième épouse, ex-chanteuse d'opéra, qu'elle accuse d'adultère avec le docteur Gao. L'époux bafoué la fera exécuter par ses serviteurs dans la chambre des tortures et la vie reprendra son cours comme si de rien n'était. Sauf pour Songlian qui, horrifiée par cet abominable assassinat, sombre dans la folie. C'est alors qu'une cinquième épouse vient enrichir la maison de ce maître qui jouit du droit de vie et de mort sur ses femmes.
Après "Le Sorgho rouge" et "Ju Du", "Epouses et concubines" est le troisième volet que Zhang Yimou a consacré à la condition féminine dans la Chine d'avant-guerre, époque où l'épouse était totalement soumise à l'autorité maritale et ne pouvait s'affranchir que par la mort ou la folie. Bien qu'il soit constamment question des hommes, ceux-ci n'apparaissent que furtivement dans le film, mais l'autorité dont ils bénéficient et qu'ils exercent sur leurs épouses captives, se révèle obsédante. Dans cet univers quasi carcéral, ce huis-clos oppressant, gouverné par des rites millénaires, le seul élément de vie est constitué par l'éclairage des lanternes rouges qui signale la visite du seigneur dans l'appartement de l'épouse qu'il est venu honorer pour quelques heures et qui doit se plier à ses exigences. Comme dans ses films précédents, Yimou fait appel à la même interprète féminine, Gong Li, avec laquelle il vivait alors. Remarquable Songlian, elle ne peut se résigner à n'être qu'un objet sexuel. "Epouses et concubines" se distingue comme un film d'une rare beauté esthétique avec des plans et des lumières raffinés à l'extrême, des images flamboyantes où l'unité de lieu est respectée et qui constitue par sa qualité, la rigueur de sa narration, un véritable joyau du 7e Art. N'oublions pas que ce long métrage contribua grandement à l'essor du cinéma asiatique, peu connu alors en France et même en Europe, et qu'il est une réflexion sur l'insoutenable condition féminine dans bien des pays encore. Yimou est de ceux qui ont donné à l'art cinématographique de leur pays ses lettres de noblesse. Un film que l'on revoit avec la même émotion parce qu'il semble défier le temps.
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