Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
Par Armelle BARGUILLET
Unique, exceptionnel : la vision, dans un noir et blanc sublime, des rues et des places de Rome désertes un 15 août des années 60 sous un cagnard d'enfer ! Rien que pour cela le film vaudrait déjà le détour.
Bruno Cortona (Gassman), hâbleur, bavard, enjôleur, rôde dans sa décapotable dont l'insupportable klaxon signe à lui seul le macho de la première heure, à la recherche de cigarettes et d'un téléphone. Ce type-là ne supporte ni le silence ni la solitude. Coup de bol, son contraire est en train de réviser ses examens de droit administratif, Roberto Mariani (Trintignant), timide, silencieux, incapable de rien refuser à qui sait s'imposer, va se laisser subjuguer, à contre coeur d'abord, partagé constamment entre fascination et répulsion, par ce trublion détraqué, et se retrouver à bord de la Lancia Aurélia (symbole à elle toute seule de l'Italie du miracle économique ) pour une drôle de virée entre mecs, au gré des rencontres et des pulsions de Cortona, tandis qu'on devine peu à peu les fêlures de ce fort en gueule terriblement séduisant mais fragile sous ses airs de matamore. Alors que l'on pouvait craindre des personnages caricaturaux et une comédie un peu lourde, le talent opère et on se laisse, à notre tour, happer par l'émotion qui perce sous une drôlerie matinée de tragédie et de détresse humaine. Les femmes (son ex-épouse, sa fille) sont magnifiques, pleines d'indulgence envers ce frimeur dont elles n'ignorent aucune faille.
Ce sera, en quelque sorte, un voyage initiatique pour Mariani, qui va peu à peu se laisser emporter par la vitalité animale de Cortona, jusqu'à parvenir à une sorte de pulsion libératrice où il s'exprime enfin et qui coïncidera avec le point final qui est, hélas ! dramatique, la folie jubilatoire ayant ses limites.
Entre inquiétude et tendresse, la vision de la société est d'une richesse extraordinaire, et les personnages à eux seuls expriment l'évolution de l'Italie au moment même où elle sort de son rêve de prospérité. Néanmoins, malgré le talent de son réalisateur Dino Risi, la virtuosité de sa caméra qui imprime au film une dynamique irrésistible, Le Fanfaron ne serait pas ce qu'il est sans le jeu de deux acteurs en tous points remarquables : tout d'abord Vittorio Gassman étincelant de verve, d'insolence en crâneur impudent, en bravache insupportable, en flambeur et beau gosse mal élevé et incontrôlable, face à un Jean-Louis Trintignant inhibé, maladroit, coincé, qui ne cesse de se répéter intérieurement qu'il a à faire à un fou, sans parvenir à se libérer de l'importun. Le duo qu'ils forment est d'une gaieté bruyante et le rythme ne se relâche pas un instant, nous conduisant immanquablement à une conclusion tragique. Tout cela mené de main de maître dans une folle embardée et une dérision de chaque instant. Un petit chef-d'oeuvre à voir ou revoir tant il sonne juste.
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