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19 mars 2008 3 19 /03 /mars /2008 18:29
LA FLECHE BRISEE de DELMER DAVES

              

La reprise du film  La flèche brisée est une heureuse initiative. Pour deux raisons : tout d'abord parce que c'est un beau film, ensuite parce qu'il vient à point nommé nous rappeler les valeurs de sagesse et de modération dont notre monde a le plus urgent besoin. Cette histoire pourrait évoquer et illustrer n'importe lequel des conflits qui sévissent actuellement sur notre planète. Voyez plutôt : En 1870, dans l'Arizona, la guerre fait rage entre Blancs et Indiens. Tom Jefford (James Stewart) apprend patiemment le chiricahua avant de partir en mission auprès du chef Cochise (Jeff Chandler), avec l'objectif  de lui soumettre des propositions de paix. Devenu son hôte, il s'éprend de la belle indienne Sonseeahray (Debra Paget) et l'épouse, selon les coutumes en vigueur chez les Apaches. De retour à Tucson, Tom fait part à la population des entretiens qu'il a eus avec Cochise et les assure que, désormais, les courriers seront autorisés à traverser son territoire. Peu après, Tom emmène avec lui le général Howard ( Basil Ruysdael ), nommé le Père-la-Bible, qui professe avec conviction que tous les hommes sont frères sans distinction de couleurs. De son côté, Cochise brise une flèche afin de sceller avec les Blancs un accord de paix durable. Mais Géronimo (Jay Silverheels), un rebelle, se refuse à pactiser et entend poursuivre le combat. Chez les Blancs, certains ne désarment pas davantage. Slade (Will Geer), un impénitent raciste, tend une embuscade à Cochise, au cours de laquelle Sonseeahray trouve la mort. Fou de douleur, Tom veut la venger et c'est alors que Cochise intervient en lui rappelant que pour un meurtre, on n'a pas le droit d'entraîner à nouveau deux peuples dans la guerre. Tom s'éloignera le coeur lourd mais riche de souvenirs.
 

             
C'est d'ailleurs une phrase du même style prononcée par Cochise " Peut-être un jour me tueras-tu. Peut-être un jour te tuerai-je. Mais nous ne nous mépriserons jamais - qui symbolise le mieux l'esprit avec lequel Delmer Daves a tourné son film. Celui-ci marque une date déterminante, comme le souhaitait son auteur, dans le renouvellement complet des données du genre. La flèche brisée est un western adulte, un western vrai - se plaisait-il à dire. La plus grande partie de l'action se déroule dans le camp de Cochise, le chef apache de la tribu des Chiricahuas. D'où le souci du metteur en scène de décrire avec le plus grand réalisme et le plus grand respect les moeurs indiennes. Jusqu'alors ces populations étaient volontiers caricaturées et considérées comme les ennemis à abattre, ceux qui empêchaient les Blancs de s'installer sur des terres qu'eux-mêmes ne savaient pas exploiter. Daves va changer la donne et sera le premier à montrer les Indiens comme des gens respectables et non plus comme des sauvages. A travers le personnage de Cochise, il nous propose la vision d'un indien qui a le sens de l'honneur, une dignité naturelle et les espoirs simples de tous les êtres humains. Si bien que ce long métrage jouera un rôle considérable dans la manière dont Hollywood envisagera à l'avenir sa représentation du peuple indien.
 

                
Ce film sera, avec La porte du diable d'Anthony Mann sorti la même année (1950), l'élément qui contribuera activement à poser avec justesse la question des rapports entre Blancs et Indiens et à réhabiliter ces derniers dans l'inconscient collectif. Delmer Daves se veut néanmoins plus optimiste qu'Anthony Mann, foncièrement désespéré, qui filme l'anéantissement et la mort de son héros comme le symbole d'une race condamnée de toute éternité à disparaître. Par ailleurs, il est remarquable que le réalisateur ait su renoncer à tout manichéisme, puisque l'on trouve dans les deux camps des âmes droites et honnêtes, d'autres fourbes et belliqueuses. En-dehors de Cochise et Tom Jefford qui rêvent de vivre dans un monde pacifié, il y a aussi Howard, ce général chrétien, qui démontre clairement que l'armée n'était pas composée que d'assoiffés de sang. La générosité du propos de Daves ne fait pas de doute et on ne peut qu'adhérer à son humanisme et à son intégrité morale qui lui permettent d'aborder avec autant de respect que de déférence le douloureux problème indien.

                


Ce film a su alterner les scènes d'affrontement et celles très délicates de l'amour qu'éprouvent l'un pour l'autre Tom et Sonseeahray. L'image des jeunes mariés partant le soir de leur nuit de noces sur des chevaux blancs est inoubliable. De même que le sont les relations entre Tom et Cochise. Le fait que Delmer Daves ait lui-même vécu au milieu des Indiens, appris leurs usages, leur manière de vivre et se soit initié à leur langue, procure à ce film son authenticité. C'est certainement l'un des grands souvenirs de James Stewart que d'être entré dans le noble personnage de Tom Jefford qu'il incarne admirablement, face à des acteurs de premier plan, comme Jeff Chandler, magnifique Cochise, sans oublier Debra Paget, belle et touchante Sonseeahray. Rappelons-nous, avant de conclure, du dernier conseil que Cochise adresse à son ami Tom. Il mériterait d'être entendu de toutes les nations, tant la voix porte loin et haut : - Ecoute mon frère. Il faut accepter que les militaires respectent la paix. Géronimo ne valait pas mieux que ces Blancs. Je porte le fardeau de leur traîtrise, porte celui de cette morte. Cochise est fidèle à son peuple. Personne ici ne rompra la paix, pas même toi - C'est sur ces paroles que s'achève un film qui compte parmi les plus sensibles et les plus remarquables de la filmographie westernienne . Aujourd'hui, comme hier, nous avons encore toutes les bonnes raisons de le méditer.

 

 

Pour lire les articles consacrés aux grands maîtres du western et à James Stewart, cliquer sur leurs titres : 
 

 JAMES STEWART - PORTRAIT

  

 Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, dont la plupart des westerns, cliquer sur le lien ci-dessous : 

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN

 

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commentaires

C
<br /> Ah Debra Paget ! Un souvenir ému de mon adolescence... Et que dire d'elle dans "Le tigre du bengale"...<br /> <br /> <br />
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D
Bonjour Armelle, merci pour ce billet sur la Flèche brisée que je viens de voir avec mon ami (en DVD). Je confirme que c'est un film sensible et touchant mais pas mièvre. Les indiens (pour une fois) ont le beau rôle. Dans le DVD, en guise de bonus, il y une interview de Bertrand Tavernier qui explique que Delmer Daves se sentait proche des Indiens, il avait passé quelques années à leur contact. Film à voir.
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  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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