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3 mai 2008 6 03 /05 /mai /2008 09:45
LES FRAISES SAUVAGES d'INGMAR BERGMAN

                   
Pourvoyeur d'images de génie, Ingmar Bergman tient aujourd'hui, dans l'univers cinématographique, une des tout première place. La force de son oeuvre, ses réflexions graves mais d'une portée universelle, son originalité, son style, qui est celui d'un créateur à part entière, son écriture si personnelle ont fait de chacun de ses films un événement justifié. Aussi comment entrer dans cette vaste filmographie sans être désorienté ? Il me semble que "Les fraises sauvages" peuvent être une introduction valable à un cinéma dense et difficile qui se nourrit d'humanité, mais qui a souvent intimidé le néophyte. Bergman est le chantre de la solitude et ce long métrage aborde le sujet à travers le personnage d'un vieil homme qui vient de recevoir une distinction honorifique, couronnant sa carrière de médecin. A la suite d'un rêve, il bouscule ses plans et décide de se rendre en voiture à Lund avec sa belle-fille, ce qui lui permettra de revoir des lieux chargés d'évocations et de souvenirs. Ce sera également l'occasion de revivre certains d'entre eux et de faire le bilan de sa longue existence. Mais, heureusement, des personnes rencontrées vont l'aider à se réconcilier avec un passé chargé d'échecs sentimentaux et d'éclairer ses vieux jours d'une lueur de tendresse. En effet, une fois arrivé à Lund pour y recevoir sa récompense, le professeur Isaak Borg, ébranlé dans ses convictions, prend la résolution de tenter d'agir de façon à entretenir désormais des rapports moins formels avec son entourage. Un arrêt à la maison de son enfance le replonge au coeur de son passé, à la différence qu'il devient le témoin de scènes auxquelles il n'avait pas assisté à l'époque. C'est ainsi qu'il revoit sa fiancée d'alors, Sara, en train de se laisser séduire par son propre frère et qu'il la surprend plus tard se lamentant de ce que sa cour, érudite et compassée, l'avait contrainte à aller chercher ailleurs un peu plus de volupté. Se révèlent à lui l'étendue de son incompréhension à son égard et sa coupable négligence. Sa remise en cause, si elle est tardive, n'en est pas moins sincère. Si bien qu'au lieu d'une lente marche funèbre, "Les fraises sauvages" s'ouvre sur une allégorie qui n'est pas seulement pour le héros une sorte de politesse du désespoir, mais tend à conclure que l'existence se poursuit sous un éclairage autre, que le rêve est aussi une forme de vie, une vie transposée en une perspective conciliante, où la fiancée de jadis se remet en route avec vous vers un horizon apaisé. L'auteur parvient avec virtuosité à doser rêve et réalité sans jamais leur attribuer de frontières trop précises, cela en une orchestration d'une poignante beauté. On sait également que Bergman était très musicien et qu'il se dégage de ses films une musicalité étrange qui m'a toujours frappée. Dans "Les fraises sauvages", on voit Sara jeune suspendre le temps à l'aide d'un prélude, lent et nostalgique, du clavier bien tempéré. Bergman a toujours privilégié deux types dans le répertoire musical : celui des spiritualistes comme Bach et Mozart et celui des romantiques avec Chopin, Schumann, Schubert et Bruckner. Il a consacré un film à l'opéra de Mozart : "La flûte enchantée" qui est une réussite.
 


Par ailleurs, "Les fraises sauvages", comme l'ensemble de l'oeuvre bergmanienne, bénéficie d'une grande rigueur esthétique, rendue peut-être plus captivante que le film a été tourné en noir et blanc, de même qu'il jouit d'une interprétation hors pair - il n'est pas besoin de souligner que le réalisateur était un formidable et très exigeant directeur d'acteurs - avec une Ingrid Thulin et une Bibi Andersen merveilleuses et un Victor Sjöström d'un puritanisme et d'une misanthropie douloureuses qui n'étaient pas éloignés de ceux de son metteur en scène. Restent les souvenirs et la nostalgie d'un passé heureux que celui-ci sait si bien traiter avec l'austérité grandiose qui le caractérise. Si bien que ce film majeur porte à son sommet une inspiration jamais démentie par la poésie : la nature ne fait qu'un avec le vertige des sens et des souvenirs qui s'empare de cet homme sans repères temporels. Chacun, au final, trouvera ce qu'il cherche, car ici rien n'est imposé. Il y est moins question de la mort, des échecs ou des désillusions que de la continuation possible de la vie alors même qu'elle arrive à son terme. Ne nous y trompons pas, Bergman s'est profondément mis en scène dans cet opus pour la raison suivante : à l'âge de 15 ans, il avait assisté à la projection de "La charrette fantôme", le grand film réalisé par Victor Sjöström, dont il reconnut, par la suite, l'immense influence. Trente ans plus tard, en réalisant "Les fraises sauvages", Bergman, voulant interroger la figure de son père, fit appel, tout naturellement, au grand cinéaste pour l'interpréter. Mais il finit par se rendre compte que ce qu'il cherchait derrière la figure paternelle était son propre passé, sa propre enfance. De cette quête, de cet examen sans complaisance de lui-même, est né ce film lumineux, où la convocation des souvenirs et des rêves mêlés à la réalité produit une atmosphère inoubliable. " La vérité, c'est que je vis sans cesse dans mon enfance. Dans "Les fraises sauvages",  je me meus sans effort et assez naturellement entre des plans différents temps-espace, rêve-réalité - a  confié à un journaliste le cinéaste suédois. C'est probablement cette recherche du temps perdu qui a marqué d'un sceau inaltérable cette oeuvre prodigieuse.

 

Pour lire l'article consacré à Bergman, cliquer sur son titre :   

 
INGMAR BERGMAN OU UN CINEMA METAPHYSIQUE



Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA EUROPEEN, dont Le 7e sceau, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN

 

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LES FRAISES SAUVAGES d'INGMAR BERGMAN
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commentaires

V
1957..j avais 20 ans.. c'était une epoque exceptionnelle pour les amoureux du cinéma..j'en étais.. et la découverte dee bergman a travers sommarleck,le septiemme sceau ou lla fraises sauvages a été un eblouissement absolu.Il y vait la forme/mise en scenes,photo,eclairages ,et le fond/les themes eternels:l'amour(impossible)la mort,le temps qui passe,l'impossibilité de recommencer ce que l'on rat<br /> rate,des iamges et de plans déchirants et inoubliables devant quoi on ne peut que se taire et pleurer...<br /> 'de treistesse,de joie,d'admiration...de tant de choses encore=.....Bergman,un des ples grands parmi les plus grands
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A
Tout à fait de votre avis, Vincent, un grand parmi les grands. Pour moi la découverte du 7e Sceau avait été un choc.
B
<br /> Une oeuvre magistral mise en scène avec brio par un metteur en scène qui a su marqué le cinéma d'une empreinte si grosse qu'il est vraiment impossible de ne pas la voir. Du très grand cinéma!!<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Je viens juste de commander l'édition Critérion de La charette fantôme de Sjöström, ce grand réalisateur un peu oublié, dont il est très difficile aujourd'hui de voir des films. Très peu sont<br /> accessibles en DVD, malheureusement... Outre La chartte fantôme, il existe Terje Vigen (1917), Ingeborg Holm (1913), The outlaw and his wife (1918), Larmes de clown (1924). Je ne crois même pas que<br /> Le vent soit disponible...<br /> <br /> <br />
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N
<br /> j'en ai vu un extrait récemment, à l'occasion de mon cours sur woody allen - grand admirateur bergmanien - tout comme votre billet, cet extrait m'a donné envie de voir le film<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Ce film est une merveille.Je viens juste de le présenter à l'Institut Universitaire Tous Ages de ma ville.D'une richesse absolue.Je l'ai chroniqué déjà mais il y a mille choses à dire des Fraises<br /> sauvages.<br /> <br /> <br />
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L
J'apprécie cette facilité qu'ont certaines personnes de pouvoir mettre des mots sur des images,sur des situations, mais encore sur des mots ; donner des mots qui expliquent, qui donnent sens et surtout qui aident les gens à aller plus loin dans leur pensée, leurs sentiments et leur compréhension. J'ai recours à "vous" (les expliquants) pour films et livres. Aujourd'hui je l'écris. Merci.
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W
Je l'ai vu ce film, il y a assai longtemps, mais je m'en rappel. J'ai toujours bien aimé les film de Bergman.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

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