Printemps 1922. L'époque est propice au relâchement des mœurs, à l'essor du jazz et à l'enrichissement des contrebandiers d'alcool… Apprenti écrivain, Nick Carraway quitte la région du Middle-West pour s'installer à New York. Voulant sa part du rêve américain, il vit désormais entouré d'un mystérieux millionnaire, Jay Gatsby, qui s'étourdit en fêtes mondaines en compagnie de sa cousine Daisy et de son mari volage, Tom Buchanan, issu de sang noble. C'est ainsi que Nick se retrouve au cœur du monde fascinant des milliardaires, de leurs illusions, de leurs amours et de leurs mensonges. Témoin privilégié de son temps, il se met à écrire une histoire où se mêlent des amours impossibles, des rêves d'absolu et des tragédies ravageuses et, chemin faisant, nous tend un miroir où se reflètent notre époque moderne et ses combats.
Voilà une nouvelle variante du chef-d'oeuvre de Fitzgerald qui dispense le chaud et le froid, vous fait passer, surtout lors de la première demi-heure, de l'agacement à la complicité lorsque enfin vous quittez les excès d'une époque mouvementée et de scènes d'un goût douteux pour entrer dans le mystère qui, tout entier, reste celui du personnage de Gatsby et qu'on l'aperçoit seul, au bout d'une jetée, regardant clignoter une petite lumière verte. Oui, nous sommes bien dans le roman de Francis Scott Fitzgerald revisité par un metteur en scène qui a pour les effets spéciaux, les décors, les costumes, les couleurs, la main lourde, mais ne manque ni d'intelligence, ni de sensibilité malgré sa propension à l'outrance. Peut-être cette outrance est-elle la bienvenue ici, si l'on considère que cette version de Gatsby n'appartient à aucune époque précise, peut-être même davantage à la nôtre qu'à celle des années folles...C'est ce qui, en quelque sorte, en fait l'intérêt et l'originalité, tant les facteurs de décadence sont proches : goût démesuré du plaisir, course irrépressible vers l'abîme, attrait pour l'argent et le luxe tapageur et déclin des valeurs essentielles. Installé à Long Island, Gatsby a fait construire un château baroque et démesuré - celui du film est particulièrement kitch - où il donne des fêtes fastueuses pour les gens chics et moins chics qui se pressent à venir boire ses cocktails, à danser sur ses pelouses et à plonger dans sa piscine. Mais lui n'a qu'une obsession : retrouver Daisy, son amour de jeunesse, dont la maison se trouve juste en face de la sienne, de l'autre côté du lac.
Il est certain que les excès de décorum nuisent au personnage de Gatsby dont la fêlure secrète avait été si subtilement évoquée par l'écrivain et qui est ici absente, gâchée par une surcharge d'images et un style qui dispense plus de poudre aux yeux que de vérités. Mais, l'interprétation de Leonardo DiCaprio parvient à donner au héros sa stature et sa mélancolie et à faire basculer l'histoire dans la réalité du récit littéraire. Il y a même de très belles scènes dont celle de la visite de Daisy dans la demeure de son soupirant qui est probablement la plus réussie du film. Dans l'ensemble les acteurs s'en tirent bien : Nick Carraway est interprété par un Tobey Maguire assez effacé mais crédible, Daisy par Carey Mulligan, charmante, mais loin de valoir la délicieuse Mia Farrow dans la plus classique version de Jack Clayton, et Tom Buchanan par Joël Edgerton qui s'en tire plutôt bien. N'en reste pas moins que le film repose essentiellement sur les épaules de Leonardo DiCaprio dont la sensibilité à fleur de peau, de lèvre, de sourire et de regard fait merveille. Il est moins évanescent que Robert Redford, solide et fragile en même temps, et je pense que sa prestation aurait touché Scott Fitzgerald tant elle est intériorisée. DiCaprio s'affirme une fois de plus comme l'un des grands du cinéma international, un acteur qui peut tout jouer.
Bien qu'elle pêche par manque de concision, de rigueur et de goût, cette version ne peut laisser personne indifférent. Ses défauts sont à la hauteur de ses qualités et imposent un style baroque d'une incontestable liberté de ton, d'audace et de fantaisie. Pour cela, il est intéressant de le voir, de même que pour DiCaprio bouleversant dans ce personnage partagé entre le meilleur et le pire et dont le rêve fracassé nous touche toujours autant.
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