"Gone, Baby, Gone" comme "Mystic River" de Clint Eastwood est une adaptation d'un roman de Dennis Lehane. Il y a donc des points de convergence entre ces deux films : la ville de Boston, les disparitions d'enfants, la pédophilie. Mais la comparaison s'arrête là. Le film de Ben Affleck, présenté le 5 septembre lors du Festival du film américain de Deauville en première mondiale, ne possède pas les mêmes qualités que celui d'Eastwood : mal construit, confus, il n'en finit pas de finir et se perd dans les méandres d'un récit lent et embrouillé qui ne parvient pas à émouvoir, alors même qu'il traite d'un sujet aussi sensible. Ce premier long métrage d'un acteur tenté par la mise en scène - mais n'est pas metteur en scène qui veut - a manqué en partie sa cible. Peut-être parce que le projet était trop ambitieux et qu'il aurait été préférable, pour un coup d'essai, de choisir un scénario plus simple, moins complexe à traiter.
L'histoire se résume ainsi : une petite fille de 5 ans vient de disparaître dans un quartier chaud de Boston où sévissent drogue, violence et pédophilie, un milieu où misère, racisme, désoeuvrement ouvrent en permanence les vannes à tous les débordements. Le décor est planté et il est sinistre. La police a été alertée depuis trois jours mais aucune piste ne semble devoir aboutir. C'est alors que la tante de l'enfant contacte un jeune homme qui fait office, à l'occasion, de détective privé, afin qu'il cherche une nouvelle issue, non seulement parce qu'il a grandi dans ce quartier, mais parce qu'il connait beaucoup de monde et pourra agir avec davantage de discrétion. Il sera d'ailleurs le seul à passer outre aux apparences simplistes de la situation. Tout au long du thriller, on le verra se positionner face aux questions morales qui se posent à lui, se livrant à une réflexion personnelle qui me semble être l'atout majeur du film. Celui-ci s'ouvre d'ailleurs sur les paroles qu'il prononce, donnant ainsi le ton et le sens de l'oeuvre : J'ai demandé au prêtre de ma paroisse comment comprendre les injustices de la vie. Il m'a répondu : vous êtes des agneaux parmi des loups. Alors pour résister, soyez rusés comme des renards et innocents comme des colombes.
Cependant, lorsqu'il découvre auprès d'un pédophile notoire un enfant mort, cet homme, non violent d'habitude, va, sous le choc, abattre le responsable d'une balle dans la tête. Les sentiments ne sont pas forcément de bons conseillers... Avait-il le droit de faire justice lui-même ? Cette question brûlante honore le film ...d'autant que le jeune homme éprouve des remords. Il n'avait pas à jouer le justicier seul. Par la suite, un autre problème se posera à lui après que l'on ait retrouvé la petite fille. Doit-on la rendre à sa mère infantile et délinquante ou la laisser à ses kidnappeurs qui l'élèveront avec attention et amour ? Malheureusement, la conclusion qui clôt le film reste trop évasive à mon goût. C'est à ce moment là qu'il aurait pu décoller et ouvrir un débat de qualité ou, du moins, mieux analyser le drame intime du personnage.
Il est certain que Patrick Kenzie, ce jeune détective, aime les gens et qu'il est empli de compassion à leur égard. N'est-ce pas la raison qui l'incite à défendre les droits de la mère à garder sa petite fille, bien qu'il la sache indigne de ce rôle et dans l'incapacité d'assumer ses responsabilités ? D'ailleurs l'enfant a été enlevée alors que celle-ci était en train de sniffer de la drogue dans un misérable bar. Dans un premier temps, il semble même que l'enfant n'ait servi que de monnaie d'échange pour se procurer le stupéfiant... Je ne dévoilerai pas les divers rebondissements d'une intrigue longue à se conclure mais qui a toutefois le mérite de rendre avec réalisme l'ambiance de ce quartier ouvrier de Boston. Le devons-nous au choix de Ben Affleck d'avoir recruté ses figurants parmi les habitants ? Peut-être ! Mais si le réalisme est au rendez-vous, la lisibilité de l'intrigue reste son point faible. On ne parvient pas à entrer pleinement dans cette action brouillonne et dans cette oeuvre insuffisamment charpentée et rigoureuse. Par contre, il faut reconnaître au jeune acteur Casey Affleck, le frère du réalisateur, d'avoir insufflé à son personnage une vraie chaleur humaine et posé sur ces âmes perdues un regard bienveillant. Il illumine la pellicule de sa présence et nul doute que s'ouvre devant lui une brillante carrière.
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