Réalisateur, producteur, scénariste, interprète, cascadeur, rédacteur des inter titres, Howard Hawks, né en 1896, est à coup sûr un homme pressé, que tout intéresse. Alors même qu'il est pilote de chasse, puis de course, il s'introduit dans le milieu du 7e Art en acceptant un emploi d'accessoiriste dans les studios de la Famous Players Lasky, avant de revenir à Hollywood en 1922 et de se consacrer à l'écriture de scénarios pour la Paramount. Henri Langlois notera à son propos que ce qui frappe chez lui, c'est à quel point son cinéma devance son temps. "Son oeuvre, dans son esprit comme dans sa physionomie, est née de l'Amérique contemporaine et se découvre être celle avec laquelle celle-ci puisse le mieux s'identifier et totalement coïncider avec la modernité, dans notre admiration comme dans notre critique". Un de ses premiers films comme auteur à part entière sera Seuls les anges ont des ailes en 1939. Hawks y relate l'histoire de l'aviation civile avec d'autant plus de réalisme et d'authenticité qu'il fût pilote lui-même. Chaque personnage - précisera-t-il - est inspiré par des faits vécus. Celui de Jean Arthur et ses rapports avec Cary Grant sont authentiques. Dans un souci semblable, et au-travers d'une réalisation étonnamment dépouillée, Sergent York, réalisé en 1941, s'attache à explorer un personnage taciturne et méditatif campé par Gary Cooper. Le cinéaste dirige son acteur de manière à dévoiler la part la plus secrète et la plus intime de ce héros. Suivant cette ligne directrice, qui donne à son oeuvre son unité et sa profondeur, Hawks aborde tous les genres car tous le passionne : le film noir avec "Le port de l'angoisse" (1944) adapté d'une oeuvre de Hemingway, ou "Le grand sommeil" (1946) qui met en scène le couple mythique d'alors : Bacall/Bogart. Le western ne sera pas oublié et donnera des films d'une qualité exceptionnelle comme "La rivière rouge" (1948), "La captive aux yeux clairs" (1952), "Rio Bravo" (1959) et même "Hatari" (1962), sorte de "western africain" tourné au Kenya. Enfin la comédie tiendra dans la production si varié de son réalisateur une place non négligeable et des opus savoureux dont "Allez coucher ailleurs" (1949), "Chéri, je me sens rajeunir" (1952) ou le célébrissime "Les hommes préfèrent les blondes" avec Marilyn Monroe (1953). Il ira jusqu'à s'aventurer dans le peplum avec "La terre des pharaons" adapté de Faulkner et dans la science-fiction avec l'étrange "Chose d'un autre monde".
Dès 1926, où il réalise un premier classique "Coeurs d'or" avec une inoubliable Louise Brooks, puis son premier parlant "La patrouille de l'aube" (1930) dans lequel il place ses souvenirs comme pilote de la Première guerre, enfin en 1932 avec "Scarface" inspiré des crimes du gangster Al Capone, Hawks frappe le public et la critique par la nervosité de sa mise en scène et son étonnante modernité. Il innove avec un style qui ne cessera plus d'être maintes fois imité, comme cette façon de typer un personnage par un détail ou un tic. Malgré la violence déjà inhérente à ses scénarios, il s'attache à rendre l'action plus saisissante par les innombrables détails dont il émaille ses récits, ainsi une mitraillette, une arme nouvelle à laquelle il donne une dimension terrifiante. Sa forte personnalité ne manquera pas de le mettre, en diverses circonstances, en porte-à-faux avec les producteurs, aussi cherchera-t-il très vite à faire cavalier seul et à se libérer de leur emprise en produisant lui-même, tout simplement. Ainsi devient-il "un auteur de films" en un temps où cette situation est encore rare et impose-t-il sa qualité d'écriture en collaborant fréquemment avec William Faulkner, se démarquant par la même occasion des carcans classiques imposés par les productions de l'époque. Sobre, usant le moins possible des effets de montage ou d'une surcharge de plans, il donne sa préférence aux conflits intérieurs, jouant de l'espace d'où il tire sa force et la noblesse de ses images qui ne manquent ni de grandeur, ni de majesté, et convoque-t-il fréquemment la nature dans sa beauté afin d'ajouter à son narratif la magie poétique. Hawks le déclarait sans vergogne : "Le film moyen parle beaucoup trop. Vous devez bâtir vos scènes, bien les planter, puis laisser le spectateur faire un peu de travail pour qu'il se sente concerné. Tout script qui se lit avec aisance n'est pas bon. (...) Vous devez écrire ce que le personnage pourrait penser : il motive votre histoire. C'est parce qu'un personnage croit à quelque chose qu'une situation se produit, non parce que, sur le papier, vous décidez qu'elle doit se produire." Ses films se suivront et s'enchaîneront selon des mises en scène toujours plus inventives comme dans "Train de luxe" (1934), opus qui repose déjà sur le rythme et la vivacité des dialogues et dont la seconde partie se déroule entièrement dans un train. Le cinéaste s'impose, par ailleurs, comme directeur d'acteurs, révélant à ses débuts une jeune inconnue Carole Lombard ou dirigeant nombre de grandes vedettes de l'univers hollywoodien, comme le sont Gary Cooper, Joan Cawford "Après nous le déluge", Edward G. Robinson "Ville sans loi", James Cagney "Brumes", ou encore le couple Katharine Hepburn/Cary Grant dans "L'impossible Monsieur Bébé". Ainsi se construit une oeuvre qui figure parmi les plus grandes de l'âge d'or du cinéma américain, impressionnante par sa qualité, son originalité, et plus encore par sa formidable modernité.
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LA RIVIERE ROUGE de HOWARD HAWKS
L'IMPOSSIBLE MONSIEUR BEBE de HOWARD HAWKS
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