Le 3 décembre 1933, aux Etats-Unis, la prohibition vit ses dernières heures. Noodles et ses amis d'enfance, des truands enrichis grâce à la contrebande d'alcool, doivent effectuer une dernière livraison. Pour les sauver d'eux-mêmes, Noodles a donné ses amis. Mais l'arrestation tourne à la boucherie et tous sont tués. Anéanti, Noodles s'installe dans une fumerie d'opium du quartier chinois et laisse les souvenirs remonter à la surface. Quarante ans plus tôt, dans le quartier de Lower East Side, peuplé d'émigrants et de crève-la-faim, ils formaient une bande de gamins débrouillards déjà prêts à affronter tous les dangers pour sortir de la misère. Lui était séduit par l'inaccessible Deborah. De menus larcins en coups de plus grande ampleur, la bande de compères s'était peu à peu introduite dans le milieu de la criminalité, tout en cultivant une profonde amitié. Mais avec le temps, ces amitiés vont être mises à rude épreuve et Noodles sera trahi par Max, celui avec lequel il avait passé, depuis l'adolescence, un pacte indéfectible.
Ainsi le film se déroule-t-il à New-York, à trois périodes différentes : les années 1920 dans un quartier juif populaire où nous assistons aux premiers faits d'arme de cette bande tumultueuse, à leurs premières amours et à la naissance de leur amitié, principalement entre Noodles et Max ; puis les années 30 qui correspondent à leur ascension criminelle dans l'Amérique de la prohibition ; enfin les années 60 où, après les années vécues en prison, Noodles revient sur les lieux de sa jeunesse, retrouve sa bande et se confronte à son passé. Cela grâce à un montage complexe et savamment dosé qui joue avec les fondus enchaînés, les lumières nocturnes, les brumes opaques et rend plus nostalgiques les réminiscences, par exemple un tableau ou une fenêtre qui sert subitement de prolongement à un événement ancien. C'est le cas lorsque Noodles, après avoir aperçu une photo de Deborah, son amour, la revoit enfant dansant dans un dépôt encombré d'objets hétéroclites. Lors de cette scène, l'une des plus belles du film, la jeune Jennifer Connelly fait preuve d'une grâce miraculeuse sur la musique tout aussi miraculeuse de Morricone.
Tout cela présenté avec un art accompli qui me rappelle Visconti dans un tout autre registre, mais avec le même souci du détail et le soin extrême porté à la reconstitution. Sergio Leone a alors 54 ans et, derrière lui, huit chefs-d'oeuvre. Celui-ci sera donc le dernier puisqu'il meurt prématurément six ans plus tard, alors qu'il travaillait à un projet ambitieux sur le siège de Léningrad. Ce film ultime fait figure de testament et il y a de cela dans sa composition en forme d'opéra crépusculaire ou de symphonie pathétique sur des vies irrémédiablement gâchées et sur la chute inéluctable des personnages, petits caïds qui ne respecteront même pas leur pacte d'amitié. On constate à quel point le réalisateur avait sur l'humanité une vision désenchantée. C'est d'ailleurs une oeuvre sur le désenchantement, celui de l'amitié d'abord et de l'amour ensuite, les femmes ayant un rôle peu glorieux dans cet opus consacré à la virilité. Elles ne sont là que comme objets sexuels ou victimes, victimes des hommes et d'elles-mêmes dans une perspective très sombre de la réalité amoureuse et de la féminité. On sait que, lors de sa sortie, le film a profondément heurté les ligues féministes de l'époque et on le comprend. Les scènes des deux viols sont pénibles et auraient pu être écourtées sans dommage.
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SERGIO LEONE OU LE CINEMA COMME OPERA BAROQUE
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