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12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 10:28

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Film ambitieux et envoûtant qui révèle les ombres et les replis ténébreux de l'histoire américaine, le dernier Eastwood est l'histoire de J. Edgar Hoover, le patron et fondateur du FBI, que l'on voit dès la première scène dictant ses mémoires à un jeune et séduisant agent, de façon à ce que celles-ci apparaissent à la postérité sous les apparences les plus flatteuses. De l'enlèvement du bébé de Charles Lindbergh aux "raids Palmer", de l'arrestation du célèbre criminel John Dillinger à la panique rouge qui saisit des Etats-Unis au lendemain de la révolution bolchevique, c'est un demi siècle que le cinéaste passe en revue par l'intermédiaire de cet homme que l'on verra, au fil de l'action,  coincé entre conventions sociales et désirs personnels. Avec l'aide de son scénariste Dustin Lance Black, Eastwood construit en déconstruisant un mythe, celui d'une Amérique virile, sûre d'elle et puissante qui se veut à tout jamais invulnérable, grâce à l'initiateur du plus gigantesque fichier d'empreintes digitales au monde, cet Edgar Hoover qui s'est donné pour but de faire entrer la police dans l'ère de l'expertise médico-légale et scientifique. Mais cet homme redoutable et redouté, qui parvint à édifier à lui seul un empire du renseignement inégalé, n'en est pas moins affligé de tares et de faiblesses intimes, vivant jusqu'à un âge avancé auprès de sa mère possessive qui l'incitera à vaincre son bégaiement et à gravir, marche après marche, les échelons de la bureaucratie fédérale, instituant un nouveau style, de nouvelles méthodes assez peu orthodoxes et usant de tous les coups tordus pour parvenir à ses fins. C'est aussi à cause de cette mère (Judi Dench) qu'il fera en sorte de cacher son homosexualité, envisageant même des mariages de convenance et s'affichant volontiers en présence de femmes célèbres, mais ne vivant pas moins durant quarante ans auprès de son associé-amant Clyde Tolson (Armie Hammer), qu'il traitait selon les circonstances plus ou moins bien ou mal, et qui lui restera fidèle, comme sa secrétaire Hélène Gandy ( la délicieuse Naomi Watts ),  jusqu'à la mort.

 

Ainsi ce bouledogue mégalo, orgueilleux et obsessionnel, le plus souvent mal embouché, aura-t-il ses fidèles pour la simple raison qu'il savait remarquablement alterner terreur et humanité, dureté et tendresse, se composant un personnage hors norme, celui du grand flic, tantôt héros national, tantôt salaud vindicatif. Diplômé en droit de l'université George Washington, l'implacable justicier traversera trois guerres et opérera sous huit présidents, sachant se maintenir en place, malgré les aléas rencontrés, surtout sous la présidence de John Kennedy, parce qu'il avait su accumuler  des informations personnelles sur chacun d'eux, principalement sur leurs vies sexuelles, ce qui était un comble lorsque l'on sait aujourd'hui les complexités de la sienne. Il tenait sous le coude les documents concernant les penchants lesbiens de Madame Roosevelt et les frasques des frères Kennedy. Mais c'est ainsi !  Cet homme était un manipulateur de génie, un être trouble et troublant que Eastwood nous présente selon un narratif concis, fait de flash-back habilement distribués entre les périodes les plus significatives de sa vie. Plus encore qu'un film sur le pouvoir, le cinéaste a souhaité mettre en relief un être en proie à ses contradictions ; d'une part, un orgueil monstrueux qui le poussait à agir de façon à ce qu'il soit le gardien le plus féroce du conformisme blanc américain ; d'autre part, une faiblesse de nature qui en faisait la victime de ses pulsions et de ses hantises. Son souci maniaque d'empiler dans des placards des tonnes de dossiers compromettants sur les hommes politiques de son temps ne servait-il pas, en définitive, à dissimuler ses secrets et ses compromissions ? Car Hoover était un marginal qui, pour échapper à ses démons, s'était forgé une stature surdimensionnée, celle du gardien des valeurs sacrées de son pays.

 

Ce biopic, trente-deuxième long métrage de Clint Eastwood, est sans nul doute un grand film de par l'ampleur de la fresque proposée, mais également pour l'interprétation saisissante que Leonardo DiCaprio fait de cet Edgar Hoover qu'il incarne de l'âge de 20 ans à celui de 77 ans de manière magistrale. Film après film, cet acteur prouve sa faculté à entrer dans la peau de personnages aussi forts que caricaturaux ( avec l'aide de maquilleurs expérimentés évidemment ) et à leur donner une épaisseur humaine impressionnante. Il est indéniable que sans lui l'opus n'aurait pas eu cette puissance de conviction. Bien entendu un tel film ne pourra jamais satisfaire les amoureux de l'histoire, parce qu'il ne fera jamais que la survoler, ne nous livrant que des épisodes successifs et aspirant à trop embrasser pour ne pas risquer de mal étreindre.

 

Pour lire l'article consacré à Clint Eastwood, cliquer sur son titre :

 

CLINT EASTWOOD - PORTRAIT

 

Et pour consulter la liste des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN

 

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J.EDGAR de CLINT EASTWOOD
J.EDGAR de CLINT EASTWOOD
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commentaires

E
Aaaaaaaaaaaaaaah! Je sais donc ce que je regarderai ce soir! Merci Armelle....
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D
Bonsoir Armelle, pas encore vu ce film sur un homme qui méritait bien ce genre de "biopic". D'ailleurs, je trouve étonnant qu'un film n'ait pas été fait plus tôt sur ce sujet. J'avais beaucoup<br /> apprécié La malédiction d'Edgar de Marc Dugain. Bonne soirée.
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S
Hoover reste l'hommes le plus influent des USA pendant près d'un demi-siècle et Eastwood omets toutes les zones d'ombre pour s'attarder sur l'homosexualité ?! Mouais... Bof... Déçu malgré les<br /> qualités formelles... 2/4
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B
Le film est vraiment très bon.<br /> <br /> C’est difficille de faire un film biographique surtout lorsqu’il y a peu de documents sur J.Edgar.<br /> <br /> L’homoséxualité est décrite en filligramme au travers de la relation entre Edgar et Colson. Eastwood a transcrit une intensité emotionnelle qui atteind son apogée dans le décès d’Edgar sachant que<br /> celui ci n’a jamais put vraiment s’engager sentimentalement.<br /> <br /> Il y a deux choses de marquante dans le film :<br /> <br /> 1 - L’incestualité de la mère et l’abus qu’elle a opérée sur J. Edgar.<br /> <br /> 2 - Une ode à l’homosexualité masculine en la stylisant positivement.<br /> <br /> Clint Eastwood nous décrit le Hoover coté jardin et le montre écorché vif par la vie. Un homme qui contraste avec l’enculé" comme dit Nixon. Un humain finalement.
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Y
* J'ai vu le film qui est excellent. C'est bien interprété et bien mis en scéne. Eastwood est un Républicain et il exprime à la fois l'admiration pour un personnage qui a été une grande figure<br /> américaine (créateur d'une police moderne, entre autres), et aussi d'une certaine répulsion (envers certaines méthodes ; envers un racisme daté).<br /> <br /> Ceci dit ce dont je rêve serait une adaptatation cinématographique d'American Tabloid de Elroy qui parle aussi d''Hoover ; si le film de Eastwood correspond à une vision de "droite" ; la vision<br /> Elroy (au demeurant homme de droite...) offre une vision sinon "de gauche", du moins "complotiste" au sens où Hoover est présenté comme l'instigateur des meurtres de Kennedy et King. Hormis ces<br /> aspects "complotistes" le livre d'Elroy présente un foisonnement et une mise en perspective de l'histoire des USA extraordinaire. Entre autres le trafic de drogues Asie-USA initié par les services<br /> secrets US pour financer leurs coups tordus. Ce trafic étant lui même porté par le mouvement Hippie anti guerre du Vietnam de ces années là...
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S
Bonjour Armelle Barguillet<br /> <br /> Il y a actuellement plusieurs metteurs en scène américains que j’apprécie particulièrement, et parmi eux figurent Ron Howard (Apollo 13, mais aussi A Beautiful Mind, magnifique film qui retrace la<br /> vie de John Nash...), James Cameron et Clint Eastwood. Ils fournissent toujours un travail remarquable, dont on aime ou pas le résultat, mais la qualité est là. J’ai bien envie d’aller voir ce<br /> J.Edgar, le sujet est intéressant et j’apprécie également Di Caprio.<br /> Je crois que les films retraçant la vie d’un personnage historique ne peuvent pas satisfaire pleinement les historiens, tout comme il est parfois difficile de ne pas être déçu par un film adapté<br /> d’un roman qu’on a aimé. Il faut les voir pour la qualité de leur réalisation et le jeu des acteurs. Ces films historiques peuvent également encourager à se documenter davantage sur les sujets<br /> qu’ils traitent, et l’on accroît donc ses connaissances.
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A
Bonjour Alain,<br /> Je suis tout à fait d'accord avec vous que Eastwood s'est trop focalisé sur la vie sentimentale de Edgar, qui est d'ailleurs de peu d'intérêt, et qu'il aurait dû rendre plus lisible la<br /> participation de Hoover à certains des faits marquants du FBI. Le film n'est pas parfait, loin de là, mais c'est tout de même du bel ouvrage. Et l'interprétation est sensationnelle.
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A
Bonjour Armelle, j’espère que vous allez bien. Je suis également allé voir le film de Clint Eastwood. Tout en étant moins convaincu que vous je reconnais malgré tout avoir passé un bon moment. Je<br /> regrette que le scénario se soit trop attaché à la vie privée de cet homme. Au travers de ce que j’avais lu dans deux biographies, il y avait de quoi donner un rythme soutenu en démontrant<br /> l’ensemble de ses activités, et les liens qu’il nouait pour arriver à ses seules fins. Mais tout cela est du cinéma et le principal reste le bon moment passé. A bientôt. Cordialement. Alain
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A
Il est vrai Thérèse que le personnage n'a rien de séduisant, mais l'interprétation de DiCaprio est stupéfiante et le film est bien fait. Mais on ne sort pas de la salle ému, c'est certain.
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T
C'est curieux je n'ai pas tellement envie de le voir. Je crains que ce ne soit un peu long, plus de deux hueres, et puis le personnage principal est peu sympathique.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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