Jean-Pierre Melville, né en 1917, réalisateur, scénariste, adaptateur, dialoguiste, interprète, producteur, décorateur, monteur, est un des très grands du cinéma français et international et compte à son actif plusieurs chefs-d'oeuvre indiscutables. Né à Paris le 20 octobre 1917 sous son nom de famille Grumbach, il est appelé sous les drapeaux son baccalauréat tout juste passé et connaitra les tourments de la guerre qui le marqueront à jamais et ne seront pas sans influencer certains de ses films comme "Le silence de la mer" et "L'armée des ombres". En 1942, il gagne Londres et prend le nom de Melville en hommage à l'auteur de Moby Dick et attendra son retour à Paris, en 1945, pour épouser enfin sa vocation de cinéaste et réaliser son premier court-métrage : "Vingt-quatre heures de la vie d'un clown". Son premier long métrage attendra 1947 et sera une adaptation fidèle du roman de Vercors "Le silence de la mer", réalisé avec un budget réduit mais une qualité de mise en scène toute en retenue, suscitant l'admiration de Jean Cocteau, séduit d'emblée par son style dépouillé et néanmoins lyrique. Il lui confiera l'adaptation des "Enfants terribles" et peu de temps après le cinéaste, soucieux de jouir d'une totale indépendance, s'empressera d'acquérir les studios Jenner où il tournera la plupart de ses films. Il lui arrivera également de passer derrière la caméra et d'apparaître dans certains opus tels l'"Orphée" de Jean Cocteau, "Deux hommes dans Manhattan", "A bout de souffle" de Godard ou "Landru" de Chabrol.
Mais c'est en tant que cinéaste qu'il va marquer les mémoires et être un modèle et un inspirateur pour la nouvelle vague de talents qui trépigne d'impatience dans l'attente d'enterrer au plus vite le cinéma de papa. D'un naturel indépendant, Melville a su très tôt s'affranchir des règles cinématographiques en vigueur pour inaugurer une forme nouvelle d'adaptation proche du cinéma américain. Avec "Bob le flambeur" en 1955 et "Deux hommes dans Manhattan" en 1958, il restitue à merveille l'ambiance du Montmartre des gangsters ou la nuit new-yorkaise à la façon d'un documentaire et au prix d'une froide stylisation qui sait s'attarder sur les détails et tourner le dos aux péripéties psychologiques. D'où ce fétichisme vestimentaire qu'il impose à Belmondo dans Le Doulos et à Delon dans "Le Samouraï". "Deux hommes dans Manhattan" n'est en définitive que l'échange permanent des figures du Bien et du Mal, thème récurrent chez Melville. Par ailleurs, "L'ainé des Ferchaux", tiré de Simenon dont l'univers l'attirait, et "L'Armée des ombres" traitent l'un et l'autre des faiblesses humaines, non sans misanthropie et avec l'ampleur tragique qui est la marque première du réalisateur. Créateur hors norme, le cinéaste se plait à filmer des odes sobrement lyriques et l'ambiguïté de personnages affrontés à la guerre ou au crime, se faisant un devoir de restituer des atmosphères lourdes de sens et d'ambivalence. Trois films sortent du lot de ces belles réalisations par leur force narrative, le contre-emploi d'un acteur - ce sera le cas avec Belmondo dans "Léon Morin prêtre" où Melville joue sur des poncifs vaguement bressonniens, prenant ses distances avec le récit de Béatrix Beck et recourant à la voix off - et du "Silence de la mer", d'après le roman de Vercors, situé sous l'occupation allemande et réalisé avec un budget minime et des techniques certes conventionnelles mais que le réalisateur charge d'une sobre intensité. Enfin le troisième chef-d'oeuvre est sans nul doute "Le Samouraï", le plus beau rôle d'Alain Delon avec celui que lui offrit Visconti dans "Rocco et ses frères", où le personnage est défini par ses gestes plutôt que par sa personnalité. Le scénario avait été écrit par Melville en 1963 et correspond si bien au personnage que rêvait d'interpréter Delon que l'entente se fera d'emblée. L'acteur sera prodigieux dans la peau de Jef Costello, plus proche du loup que de l'homme. Ce sabreur solitaire est hanté par la mort et entièrement requis par sa mission qu'il exécute sans faiblir avec la froideur implacable et le masque d'impassibilité que Delon saura lui prêter. "Le Samouraï" fixe définitivement une écriture singulière, celle d'un Melville inspiré qui a le goût des figures mythiques et le sens aigu de la tragédie à l'ancienne, dont l'oeuvre a quelque chose de fulgurant et d'hypnotique. Il mourra le 20 août 1973 à l'âge de 56 ans, quelques mois après l'échec cuisant de son dernier film "Un flic", qui l'avait beaucoup affecté.
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LE SAMOURAI de JEAN-PIERRE MELVILLE
LE SILENCE DE LA MER DE Jean-Pierre MELVILLE
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