Susan Vance, jeune femme riche et frivole fait la connaissance fortuite de David Huxley, un paléontologue qui courtise le millionnaire qui l'aidera peut-être à reconstituer le squelette d'un brontosaure. Elle tombe sous le charme de David et lui fait croire qu'elle court un danger ; elle doit en effet ramener à sa tante un « adorable » léopard du doux nom de Baby. Lorsque David s'aperçoit que la tante n'est autre que le mécène convoité, le film se transforme en une folle course-poursuite.
"L'impossible Monsieur Bébé" ( 1938 ) est probablement l'une des comédies les plus loufoques de l'époque, une «screwball comedy», littéralement «comédie de cinglés». En effet, si le ressort comique du film repose d'abord sur l'opposition entre deux univers, celui de la recherche pour David et celui du luxe pour Susan, il n'en reste pas moins que tous les personnages sont hors-norme, y compris les animaux ! Susan court après un léopard, David après la clavicule d'un brontosaure et tous deux après le chien de la tante qui a enterré l'os tant attendu ! Hawks n'est pas juge de ses personnages, il n'impose pas de morale sociale, chacun apporte à l'autre la douce folie qu'il espérait sans se l'avouer. David était sur le point de se marier avec sa secrétaire qui n'y voyait qu'une «union professionnelle», soit le devenir des dinosaures, et Susan était enfermée dans sa prison dorée.
Une fois arrivés dans la maison de la tante, les quiproquos s'enchaînent à vive allure. Howard Hawks n'hésitait d'ailleurs pas à réécrire certaines scènes au cours d'un tournage. David est devenu M. Bonos (forcément !), afin de ne pas éveiller les soupçons et se présente comme un chasseur de fauves. Comment alors oublier la scène où, intimidé par le léopard, il ressort de la salle de bains en déshabillé féminin ? Et celle où le major de la maison, véritable chasseur, s'étonne, quant à lui, d'entendre les rugissements d'un léopard en plein Connecticut, le pauvre Baby s'étant volatilisé. On se demande, d'ailleurs, comment l'équipe de tournage est parvenue à faire de ce fauve un adorable animal de compagnie ?
Outre son rythme infernal et ses dialogues savoureux, "L'impossible Monsieur Bébé " impose également le personnage féminin comme le meneur de l'intrigue. Si Susan demeure maladroite, elle est avant tout intelligente et volontaire, elle parvient à embarquer David dans son périple et le séduit. Katharine Hepburn est l'incarnation idéale de la femme émancipée, élégante et drôle. Elle montre toute la richesse de son jeu, elle qui, deux ans auparavant, jouait déjà avec Cary Grant le rôle d'une femme se faisant passer pour un homme dans "Sylvia Scarlett" de Georges Cukor. Un parallèle qui permet d'apprécier la prouesse du duo Hepburn/Grant. Dans "L'impossible Monsieur Bébé", Hepburn domine un Cary Grant dépassé par les événements ; dans "Sylvia Scarlett", Hepburn se faisait lâchement manipuler par un Cary Grant escroc à la petite semaine. Tous deux se révèlent des acteurs très complets, pouvant tout aussi bien susciter le rire que l'émotion et à l'aise dans les personnages les plus contrastés. La scène où Katharine Hepburn se fait passer pour une gourgandine pour tromper le shérif, qui l'a coffrée ainsi que son cher David, prouve son don infaillible d'ubiquité et son talent d'actrice. Elle est inénarrable.
Enfin, "L'impossible Monsieur Bébé" doit sa magie à un cinéaste unique, Howard Hawks. Celui-ci a réalisé au moins un chef-d'oeuvre dans chaque genre : la comédie "Chérie, je me sens rajeunir", "Les hommes préfèrent les blondes" ; le film noir "Le grand sommeil", "Le port de l'angoisse" ; et le western "Rio Bravo". Qui dit mieux ? Son oeuvre a été saluée comme celle d'un précurseur qui sut devancer son temps et s'identifier pleinement à l'Amérique contemporaine qu'il peindra d'un trait ferme et sans complaisance. Dès 1932, son cinéma s'inspire des crimes d'Al Capone et surprend par la nervosité de sa mise en scène. Les films suivants enchaînent des sujets divers et des scénarii inventifs qui frappent par leur rythme et la vivacité des dialogues. En même temps, Hawks s'impose comme un remarquable directeur d'acteurs, révélant la jeune Carole Lombard et dirigeant nombre de vedettes de l'époque comme Gary Cooper, Joan Crawford, Edward G. Robinson et, dans "L'impossible monsieur bébé", le couple Katharine Hepburn/ Cary Crant. Sobre, usant de peu d'effets de montage, ce cinéaste brillant placera toujours sa caméra à hauteur d'homme. Mais il saura contrecarrer sa sobriété par les plans majestueux d'une nature sauvage et la force intérieure de ses personnages peu enclins aux compromis, axant son objectif sur l'importance des conflits intérieurs. Avec cette comédie, il nous montre également que l'humour ne lui était pas étranger, bien au contraire, et combien étincelante est sa virtuosité à enchaîner des scènes rocambolesques sans sombrer jamais dans le ridicule ou dans le vulgaire.
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