Dans une société en quête d'elle-même, ayant traversé une succession de régimes totalitaires, une autothérapie semblait nécessaire, cette dernière s'exprimant par une vision humaniste de la société elle-même au travers d'intrigues qui prennent volontiers une tournure poétique. Mais pour réaliser des intrigues aux résonances critiques et politiques, il est prudent que les auteurs, soucieux de détourner la censure, utilisent des métaphores et puisent leur inspiration dans une culture millénaire et des réalités modernes qui, ensemble, concourent à conférer à cet art un caractère spécifique chargé d'incidences sociales, esthétiques, morales et religieuses. Néanmoins, le cinéma postrévolutionnaire des années 1980 mettra un certain temps à prendre la mesure des bouleversements qui ont profondément marqué la population et les images anciennes vont souvent être rejetées et remplacées par des enjeux majeurs, ceux d'un monde en proie à une guerre imposée par le voisin irakien. Aussi le cinéma de cette décade a-t-il à charge de louer l'héroïsme et le dévouement des Iraniens sur les champs de bataille, sacralisant la mort et honorant les martyrs. Les cinéastes les plus représentatifs ne sont autres que Mortezâ Avini et Hâtamikiyâ. Mais c'est Kiârostami qui apportera au 7e Art iranien son plein épanouissement dans les années 1990 avec des oeuvres originales comme Où est la maison de mon ami ? et sera le premier réalisateur à s'imposer dans les festivals internationaux grâce à des codes esthétiques et éthiques personnels, que salueront une presse unanime et les critiques les plus exigeants, affirmant que nous sommes là en présence "d'un cinéma véridique, et par là-même indispensable". Il ne faut pas oublier que l'Iran a été la Perse et qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que le 7e Art de ce grand pays soit le réceptacle dynamique de toutes les expressions artistiques qui ont imprégné sa culture et sa civilisation dans le domaine de la littérature, de la peinture (la miniature persane) et de la musique. Un autre cinéaste apparaît alors dans le sillage de Kiârostami, dont l'art frappe par l'alliance si réussie de la beauté, de la poésie et du chagrin, c'est Majid Majidi qui évoque avec talent la vie simple et bouleversante des gens ordinaires filmés dans la splendeur de paysages champêtres. "Les enfants du ciel", réalisé en 1997 sera nominé à l'Oscar du meilleur film étranger à Hollywood en 1998, ce qui prouve, si besoin est, les pas de géants effectués par le cinéma iranien. Ces années 90 seront particulièrement riches en événements de tous ordres : d'abord la création d'un espace réservé aux femmes cinéastes comme Pourân Derakhshandeh qui filme avec délicatesse "Le petit oiseau du bonheur", et de Rakhshân Bani-E'temâd, autre figure féminine qui s'interroge sur l'origine des inégalités entre hommes et femmes. Son second film "Foulard bleu" (1993) raconte l'histoire d'amour impossible entre un patron et son ouvrière. L'autre événement marquant de l'époque est l'avènement d'un cinéma comique avec des réalisateurs qui ont noms Mohammad Hossein Latifi et Iraj Tahmâseb.
En ce début de XXIe siècle, le cinéma iranien n'a rien perdu de sa créativité et s'illustre par une plus grande variété de choix esthétiques. De nouvelles signatures émergent telle que celle de Bahman Ghobâdi, Caméra d'or du Festival de Cannes en 2000 avec "Un temps pour l'ivresse des chevaux", film qui conjugue à la fois la puissance du scénario et des images et l'impact d'une musique très attractive composée par le maître Alizâdeh. Aujourd'hui de très jeunes cinéastes assurent la relève et contribuent à l'enrichissement d'un cinéma national soucieux d'aborder des thèmes de portée universelle. Seule la technique reste à la traîne mais l'élan, la passion sont bien présents, cela grâce à des hommes comme Mir Karimi qui se place d'ores et déjà à côté des grands du cinéma iranien : Kiârostami, Milhrju'i et autres. Dans ce cinéma en pleine évolution, l'exigence esthétique s'allie à la critique de la société pour composer un tableau qui n'est dénué ni de contradictions, ni de complexité.
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ABBAS KIAROSTAMI OU LE LABYRINTHE des SOURCES
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