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9 décembre 2013 1 09 /12 /décembre /2013 10:39

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Thomas, un metteur en scène, se lamente dans un théâtre parisien vide. Sa journée passée à auditionner des comédiennes pour son adaptation de «La Vénus à la fourrure» a été un échec et l’a mis hors de lui. Désespéré par le niveau des aspirantes, il voit soudain débarquer Wanda, trempée par la pluie et en retard pour l'audition. Le metteur en scène est d'abord rebuté par l'arrogance et la vulgarité de la jeune femme et la jette dehors. Mais, celle-ci insiste, se déguise en Vanda, l’héroïne de la pièce qu’elle a visiblement lue, et plus l'audition avance, plus la jeune femme fait preuve de subtilité, parvenant régulièrement à surprendre Thomas, qui, peu à peu, se laisse séduire par la comédienne. Un étrange jeu va dès lors s'installer entre les deux artistes...

 

Voilà, le décor est planté, les personnages en place et ce huit-clos commence entre deux êtres que tout sépare et qui s'apprêtent à confronter leur vécu et leur fantasmé dans un climat tendu comme ceux qu'affectionne de plus en plus, au fil du temps, Roman Polanski, homme complexe et metteur en scène habile et provoquant. On retrouve, dès les premières images, son goût pour les travestissements, l'érotisation des situations, le burlesque et l'intellectualisme sulfureux et surtout l'enfermement de soi et des autres. Il semble bien que, mal remis de certains drames, le réalisateur polonais se plaise à gratter ses plaies et à se polariser sur les situations les plus extravagantes et surtout les plus confinées, dans une claustration  inquiétante. Je dois l'avouer, j'ai eu du mal à entrer dans ce film parce que la claustration n'est pas mon fort, que j'aime trop l'espace, l'air, la lumière pour prendre plaisir à une mise en abîme aussi castratrice, dans un décor composite fait de bric et de broc, car c'est de cela qu'il s'agit : deux personnages pris dans les rets du sado-masochisme qui se confrontent  pour mieux tenter de se détruire, grande scène des genres redistribués. 

 

Et qui est ce metteur en scène officiant dans le film ? Un homme visiblement insatisfait qui se cherche dans les textes des autres, comme dans celui-ci qu'il s'applique à adapter de Léopold von Sacher-Masoch et revisite sans en connaître vraiment les  tenants et les aboutissements, enclin à le modifier au cours de ce face à face avec une comédienne qui elle-même a besoin de s'affirmer, de donner un sens à sa vie et de dominée devenir dominante. Qui l'emportera ? Personne, au final,  sinon  Polanski qui nous propose un cheminement dans l'inconscient où chacun ne voit que ce qu'il veut bien voir... On sort de la projection dans un état de perplexité et de confusion tant on devine qu'il s'agit en tout premier lieu d'une introspection personnelle, où le metteur en scène nous livre ses sentiments les plus secrets en ce qui concerne ses rapports avec les femmes et tout d'abord avec la sienne. Car Emmanuelle Seigner est  ici au centre de l'écran : elle est la femme fatale qui éblouit et fait perdre pied, séduit et captive, inspire et désespère. Elle est magnifique de beauté et d'assurance, tellement forte face à un Mathieu Almaric qui est véritablement le double de Roman, émouvant à force d'être terrassé, constamment en position de faiblesse, victime de ses appréhensions, de son physique ingrat,  de ses propres leurres. Leur duo est déséquilibré dès le départ parce que l'on sent tout de suite que la femme est la plus forte, la plus acharnée à vivre,  à lutter, à survivre. Alors que son partenaire est déjà engagé sur la pente du déclin et que son intelligence est laminée par trop de  doutes. 

 


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Souligné par la musique aigre et parfois hurlante d'Alexandre Desplat, le film vaut surtout par la formidable interprétation du duo Seigner/Almaric, tous deux maîtrisant leur texte et leur jeu de façon  remarquable, elle s'imposant, lui se cherchant et s'interrogeant jusqu'à s'annihiler. Emmanuelle Seigner donne ici la mesure de son talent et surfe sur un vaste registre où elle passe de la femme vulgaire à l'intellectuelle inspirée et finaude, de la femme objet à la femme déesse, extase d'un homme aux prises avec ses démons les plus récurrents, ses rêves les plus improbables. Ce n'est certes pas un film que j'aime pour la raison que j'ai donnée un peu plus haut, mais qui éclaire de ses lueurs sauvages l'oeuvre complexe et ambiguë de Polanski. 

 

3-e-toiles

 

Pour consulter l'article que j'ai consacré à Roman Polanski, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

ROMAN POLANSKI OU UN CINEMA MARQUE PAR L'HOLOCAUSTE

 

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commentaires

A
Pour moi "Le pianiste" reste son plus beau film. Je n'ai pas pu aller au bout de "Carnage" tant j'ai trouvé les dialogues creux et d'une platitude désespérante. Le film est aussi mauvais que la pièce de Yasmina Reza.
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E
J'aime souvent Polanski, et avais notamment adoré Carnage... Je pense regarder ceci...
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D
Rebonjour Armelle, film intelligent et assez jubilatoire, c'est nettement plus réussi que Carnage. Bonne fin d'après-midi.
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A
"Un homme visiblement insatisfait qui se cherche dans les textes des autres", je retiendrai votre phrase chère Armelle. Totalement en accord avec votre critique. Le duo d'acteurs fonctionne<br /> magnifiquement. Le talent, l'amour sans doute aussi, de Polanski magnifie Emmuelle Seigner de la plus belle des façons.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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