Longtemps ignoré sur la carte du cinéma asiatique au détriment de la Chine et du Japon, le cinéma coréen n'en affiche pas moins une insolente santé économique et offre des films de qualité et un cinéma grand public qui n'a rien à envier au 7e Art européen ou hollywoodien. A la fin du XXe siècle, depuis le succès de L'île (1999) de Kim Ki-duk d'une troublante cruauté érotique et celui du Chant de la fidèle Chunhyang (2000) du vétéran Im Kwon-taek, adapté d'un pansori, un intérêt significatif pour le cinéma coréen n'a plus cessé de se manifester de la part d'un public séduit et demandeur. Aujourd'hui, la Corée du Sud est le seul pays asiatique doté d'une cinématographie nationale forte, puisque les films coréens font plus de 50% des entrées et dépassent au box-office les blockbusters hollywoodiens. Dans un pays très dépendant des Etats-Unis sur le plan économique, cette résistance a quelque chose d'exceptionnel. Plusieurs facteurs expliquent cela. Tout d'abord et principalement une loi d'encadrement, celle des quotas, qui oblige les exploitants à montrer des films coréens 146 jours par an. Depuis quelques années, la profession, très unie, se bat contre la pression américaine qui, au nom du libre-échange, veut l' abolir. Ensuite, une jeune génération de cinéastes d'une trentaine d'années, ayant étudié aux Etats-Unis, est apparue au milieu des années 1990, avec pour modèle les films de gangsters japonais et le néo-polar hong-kongais à la manière John Woo. D'autre part, le savoir-faire des effets spéciaux et des nouvelles techniques de cette génération "Matrix" ne suffisant pas, les films populaires ou de guerre, mettant en scène les drames de la Corée, ont vu le jour. Des films comme Silmido, récit d'une unité d'élite chargée d'infiltrer les services secrets du Nord, ont fait de la Corée du Sud un territoire de fiction idéal et une entité à part entière. La fiction coréenne à l'américaine a trouvé ainsi une façon de s'adresser à son public et de le toucher dans ses blessures secrètes.
Pourtant, le cinéma coréen revient de loin. De l'occupation japonaise jusqu'en 1945, de la guerre civile ensuite au début des années 1950, et de la dictature militaire de 1960 à 70, époque où on tourne des mélodrames confucéens au sentimentalisme vertueux (L'invité de la chambre d'hôte ou Ma mère de Shin Sang-ok - 1961) ou de grandes fresques historiques en couleur. Le lent retour vers la démocratie à partir de 1986, après la répression de la révolte étudiante dans le sang, verra éclore de façon discrète une nouvelle vague adepte d'un certain réalisme social représenté par les films de Jang Sun-woo (Lovers in Woomuk-Baemi, 1989) et de Park Kwang-su (Chilsu et Mansu, 1988 et La République noire, 1990). Aujourd'hui, autour du chef de file Im Kwon-taek, auteur de près de 100 films et de fresques historiques somptueuses qui interrogent la place de l'art et de l'artiste dans la société, une nouvelle génération de cinéastes a émergé, à l'écart d'un cinéma industriel de qualité. Outre Kim Ki-duk et Lee Chang-dong ( voir l'article que je lui ai consacré en cliquant ICI ) dont Peppermint Candy en 2000 constitue un rigoureux portrait de la Corée depuis la dictature militaire jusqu'à la crise économique de 1997, c'est également Hong Sang-soo, en l'espace de quelques opus (Le pouvoir de la province de Kangwoon, 1998 et "La vierge mise à nu par ses prétendants", 2000), qui est parvenu à charmer les spectateurs par ses récits déroutants, chroniques d'une vie sentimentale et sexuelle noyée dans l'alcool. A Deauville, durant plusieurs années, la Corée a été très présente lors du Festival du Cinéma Asiatique et n'a eu aucune peine à persuader l'assistance de sa puissance évocatrice et de son inventivité.
Sources : Laurent Delmas et Jean-Claude Lamy
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