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16 juillet 2011 6 16 /07 /juillet /2011 10:28
Avec Catherine Deneuve

Avec Catherine Deneuve

Avec Jeanne Moreau

Avec Jeanne Moreau


Luis Bunuel  est né le 22 février 1900, avec le siècle, à Calanda, petite ville de l'Aragon réputée pour son obscurantisme religieux. Aîné d'une famille aisée de sept enfants, il dut subir les durs principes d'une éducation rigoureuse, chez lui et chez les Jésuites auprès desquels il fit ses études secondaires, éducation qui, à l'évidence, ne convenait pas à sa nature rebelle. A dix-sept ans, il commence des études supérieures et obtient un diplôme de philosophie. Il fait alors deux rencontres qui le marquent profondément (et on le comprend) : celles de Dali le peintre et de Garcia Lorca le poète, qui exerceront une forte influence sur ses premières oeuvres cinématographiques. Grâce à l'aide financière de sa mère, il peut, à 28 ans, tourner son premier film, secondé par Dali : "Un chien andalou". Ces débuts prometteurs vont de suite lui mériter l'estime des intellectuels et le succès auprès du public. En 1930, la projection de  "L'âge d'or"  provoque un scandale tel, que le film est retiré du circuit et frappé d'un interdit qui ne sera levé qu'en 1981. Peu après éclate la guerre civile d'Espagne, au cours de laquelle Bunuel ne s'engagera que moralement, en participant à un documentaire pro-républicain  "Madrid 36",  puis il part pour les Etats-Unis où il va s'employer à démontrer aux Américains le danger des films de propagande nazi. Mais son anticléricalisme et son marxisme lui valent des ennuis et des pressions qui vont le contraindre à s'exiler au Mexique. Là, il  reprend sa carrière de cinéaste et réalise  Los Olvidados  en 1950,  "Archibald de la Cruz" en 1955,  "La mort en ce jardin"  en 1956 et  "Nazarin"  en1958, longs métrages qui font référence à Sade, la religion et la bourgeoisie qu'il pourfend de son ironie implacable. De retour en Europe, il se consacre à un long métrage qui compte parmi ses chefs-d'oeuvre "Viridiana".  Avec ce film, il obtient en 1961 la palme d'or du Festival de Cannes, mais n'échappe pas aux remous politiques, diplomatiques et religieux qu'il suscite. Franco qui, dans un premier temps, avait autorisé son tournage et accepté son exploitation, finit par l'interdire dans la très catholique Espagne. Suivront d'autres réalisations, toujours provocantes : "L'ange exterminateur" en 1962,  "Le journal d'une femme de chambre"  en 1964, "Simon du désert" en 1964,   "Belle de jour"  en 1966,  "Tristana"  en 1969. Avec  "Le charme discret de la bourgeoisie",   il obtient l'Oscar du meilleur film étranger et met un terme à sa prodigieuse carrière en 1977 avec "Cet obscur objet du désir".  Il meurt à Mexico le 29 juillet 1983. Le meilleur du cinéma de Bunuel se situe à l'intersection du monde du besoin, symbolisé par la nourriture et le sexe qui sont le lot quotidien de l'existence, opposé à la mise en scène réglée par les conventions bourgeoises et la religion. Le cinéaste s'est plu à montrer  combien la civilisation et les bonnes moeurs ne sont jamais qu'un vernis fragile et que l'homme se rapproche de l'animal à maints égards. Un animal de raison souvent déraisonnable. "Au fond - disait-il - j'ai toujours choisi l'homme contre les hommes".

 

"Viridiana"  est, parmi les nombreux  films de Luis Bunuel, sans doute l'un des plus forts et des plus aboutis. Il est certain que l'on ne sort pas de cette projection indemne. Ce film coup de poing nous interpelle au plus profond de nos doutes et de nos convictions. Iconoclaste, on comprend qu'il ait soulevé la controverse. Bunuel s'y livre, une fois de plus, à l'un de ses règlements de compte envers les siens et les Jésuites qui le formèrent, selon une règle dont il considère qu'elle l'a opprimé au point de gâcher son enfance et son adolescence. Il y aborde également les thèmes qui lui sont chers : l'inceste, l'hypocrisie de l'église, la bêtise et la suffisance de la bourgeoisie, la bestialité du peuple. Tout y passe avec une insolence, une audace à couper le souffle. On prend conscience de l'impact que l'art cinématographique peut avoir lorsqu'il est exercé par un homme de génie. Cela dépasse de beaucoup les résonances de l'écrit. La Cène où le Christ et ses apôtres sont remplacés par des mendiants est l'un des sommets de la provocation. De même que les passages où l'auteur se plait à détruire les objets de l'iconographie religieuse. Dans ce film, comme dans la plupart des précédents et des suivants, il n'hésite pas à décrire avec délectation la puissance étouffante du milieu social, monde originaire qui figure la permanence de l'asservissement auquel aucun d'entre nous n'échappera, milieux si semblables à des systèmes cosmiques indépendants, qu'ils ne peuvent être perméables les uns aux autres et que, s'ils évoluent, ce ne peut être qu'à l'état d'ébauches déjà condamnées. Chez lui, comme chez le marquis de Sade, le bien conduit au mal, son envers, si bien que les tentatives de charité et de bonté sont vaines et n'aboutissent qu'à produire des monstres ou des zombies. Jugeons-en par l'expérience de Viridiana et résumons son histoire pour la mieux comprendre : Viridiana, juste avant sa prise de voile et ses voeux définitifs, rend visite à son protecteur et vieil oncle, Don Jaime, sur les conseils et les encouragements de la Mère supérieure du couvent. Celui-ci vit seul depuis la mort de son épouse survenue la nuit de leurs noces. Or il s'avère que Viridiana ressemble étrangement à cette femme. Troublé par la beauté de sa nièce, Don Jaime n'a plus qu'une idée : la garder auprès de lui. Avec la complicité de sa servante Ramona, il lui fait absorber un somnifère et tente d'abuser d'elle pendant son sommeil. Le lendemain, épouvantée à l'idée qu'il l'a possédée, comme il le lui laisse croire, elle s'enfuit. Mais sur le chemin du retour, apprend qu'il s'est donné la mort. Elle revient alors au domaine - dont elle est l'héritière avec l'un de ses cousins - et décide de renoncer à la vie monastique pour se consacrer aux pauvres. Un soir de fête, les malheureux, qu'elle a recueillis, se livrent à une sorte de bacchanale, se saoulent, pillent la demeure et essaient même de violer leur bienfaitrice. En cherchant à améliorer la condition d'existence de ces pauvres gens, Viridiana n'est parvenue qu'à exacerber davantage leurs pulsions animales. Pulsions de mort et d'anéantissement qui habitent l'homme depuis la nuit des temps. Rien ne vaut rien. Le pessimisme de Bunuel ne lui permet pas d'envisager une quelconque rédemption, même pas une espérance. Puisque, selon lui, l'univers est livré inexorablement au néant. Les scènes carnavalesques et les simulacres n'ont pour but que d'aggraver ce qu'il y a de dérisoire dans tout effort qui tendrait à envisager un possible salut. Dans cette perspective, la perversion se révèle être un dérivatif. L'homme y devient un prédateur et l'assouvissement des riches n'a d'égal que l'inassouvissement des pauvres. Bunuel, s'il admet la valeur symbolique de la religion et des arts, lui reproche de ne proposer aux hommes qu'un idéalisme fallacieux, une vision magnifiée et forcément trompeuse d'eux-mêmes ; le destin humain lui apparaissant comme voué à jamais à sa perte. D'où son ironie grinçante qui n'est pas le désespoir, mais un détachement volontaire et passablement hautain des choses. Le cinéaste entend nous confronter avec  le réel, sans céder à la complaisance. Il est certain qu'un tel film, sorte de  " contre-bible " laisse longtemps dans l'esprit son amer désenchantement.

 

Pour lire les articles consacrés à Jeanne Moreau, Catherine Deneuve et aux Réalisateurs, cliquer leurs titres :

 
JEANNE MOREAU    

CATHERINE DENEUVE - PORTRAIT    

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LUIS BUNUEL OU LE DETACHEMENT VOLONTAIRE
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commentaires

C
J'ai découvert, presque par hasard, votre "blog" en parcourant les critiques du film Viridiana qui, pour excellent et bouleversant qu'il soit, s'acharne à ne jamais être diffusé sur les canaux traditionnels. Ce simple message pour vous féliciter et vous remercier pour la haute tenue de votre blog. Il se détache très nettement de la moyenne et, si j'en juge par les oeuvres que vous commentez avec brio, il démontre que vous avez un goût sûr pour ce noble art et que vous savez le faire partager ! <br /> Christophe
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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