Si La main au collet (To Catch a Thief ) ne se classe pas parmi les films exceptionnels de Hitchcock, il bénéficie néanmoins de son savoir-faire, d'un scénario ciselé qui rend l'intrigue fort agréable à suivre et à regarder. Les ingrédients y sont : un décor magnifique, un suspense garanti et une interprétation brillantissime. Et puisque le plaisir est assuré, ne le boudons pas. Un cambrioleur dérobe des bijoux dans les palaces de la Côte d'Azur et les soupçons de la police se portent sur un certain John Robie qui a été un voleur célèbre avant la guerre, mais assure aujourd'hui que la page est dorénavant tournée sur son passé et qu'il n'a rien à voir avec les vols dont on prétend l'accuser à tort. C'est dans un hôtel, où il retrouve certains de ses anciens amis, qu'il rencontre une riche héritière américaine Frances. Elle est belle, charmante et le séduit. Elle lui fait admirer un soir un fabuleux collier qu'elle abhorre avec fierté et qui lui est curieusement volé un moment après. Troublé par cette coïncidence, Robie décide de mener sa propre enquête. A quelque temps de là, un bal est donné à l'hôtel Bertrani et, bien entendu, un vol a lieu. Robie, caché sur le toit, voit le voleur qui s'enfuit avec les bijoux. Et ce voleur est une voleuse : Danielle, fille de Foussard retrouvé noyé quelques jours plus tôt et qui avait provoqué un scandale le jour de l'enterrement en jetant le soupçon sur la personne de John Robie. Robie sera donc innocenté et pourra s'abandonner au tendre sentiment qu'il éprouve pour Frances. Sentiment, à l'évidence très partagé, puisque la jeune fille s'empresse de lui annoncer triomphante qu'elle compte venir s'installer chez lui avec sa mère. Dans ce film, Hitchcock s'est plu à mêler suspense et comédie, taillant sur mesure un rôle de mère sarcastique, folâtre et envahissante à Jessie Royce Landis qui s'impose avec une audace désarmante, non seulement à sa fille, mais, on le devine déjà, à son futur gendre. L'humour d'Hitchcock est toujours présent, humour très british qui, personnellement, me ravit. Si l'histoire n'est pas sérieuse, elle est divertissante et jouit d'une particularité : celle d'être construite comme les autres sur l'échange de culpabilité, mais a l'avantage de nous révéler que le méchant est une femme. Dans ce long métrage, l'autre mérite du metteur en scène est de renoncer à filmer la Côte d'Azur comme la plupart de ses prédécesseurs et d'ajouter ses cliché à ceux déjà si répandus. Il s'est gardé de cette faiblesse et a tenté de se débarrasser du technicolor bleu. Je déteste le bleu roi, avouait-il. Aussi a-t-il favorisé les scènes de nuit et usé d'un filtre vert pour obtenir un bleu foncé, bleu ardoise et bleu gris pour les diverses vues panoramiques qu'il nous offre de la Corniche. Ainsi parvient-il à nous présenter de ce littoral trop réputé une vision personnelle. C'est Brigitte Auber qui interprète le rôle de Danielle. Sachant John Robie de nouveau sur les lieux, elle s'empresse d'accomplir ses forfaits de façon à ce que les soupçons convergent vers lui. Dans un premier temps, c'est exactement ce qui arrive, jusqu'à ce que l'ancien escroc - plus malin qu'elle ne le croit - décide de se livrer à sa propre enquête, usant des ruses et stratagèmes qu'il connait mieux que personne.
Hitchcock avait fait la connaissance de l'actrice française par l'intermédiaire du cinéaste Julien Duvivier et l'avait choisie parce qu'elle avait un corps robuste, capable d'escalader les murs des villas ( il fallait qu'elle soit crédible ), mais il ignorait encore que Brigitte Auber pratiquait l'acrobatie pour son plaisir, entre deux tournages. Elle joue donc ce rôle de femme sans scrupule, audacieuse et équilibriste de manière convaincante. Pour celui de Frances, la belle américaine, Grace Kelly s'imposait. Hitchcock venait de tourner deux films avec elle et espérait en tourner beaucoup d'autres, ne pouvant imaginer alors que ce séjour sur la Riviera française serait pour le prince Rainier de Monaco l'occasion d'inviter la ravissante actrice à visiter sa Principauté. On connait les suites de ce premier rendez-vous... Hitchcock appréciait les femmes inaccessibles comme l'avaient été Greta Garbo, Ingrid Bergman, comme l'était Grace Kelly, pour la raison que chez elles le sexe était, disait-il, indirect.
" Quand j'aborde les questions de sexe à l'écran, je n'oublie pas que, là encore, le suspense commande tout. Si le sexe est trop criard et trop évident, il n'y a plus de suspense. A prime abord, beaucoup de réserve ; en définitive, du tempérament dans l'intimité. C'est pourquoi je crois que les femmes les plus intéressantes sexuellement parlant sont les femmes britanniques. Le sexe ne doit pas s'afficher comme il s'affiche trop souvent chez les latines. J'ai photographié Grace Kelly impassible, froide, et je la montre le plus souvent de profil, avec un air classique, très belle et très glaciale. Mais, quand elle circule dans les couloirs de l'hôtel et que Cary Grant l'accompagne jusqu'à la porte de sa chambre, qu'est-ce qu'elle fait ? Elle plonge directement sur ses lèvres. Cette théorie du sexe caché sous une pellicule de glace, c'est ce qui me plait... Mon travail avec Grace Kelly a consisté à lui donner des rôles de plus en plus intéressants à chaque film. Pour La main au collet, qui était une comédie un peu nostalgique, je sentais que je ne pouvais pas faire un happy-end sans réserves ; alors j'ai tourné cette scène autour de l'arbre lorsque Frances ( Grace Kelly ) rattrape John Robie (Cary Grant) par la manche. John Robie se laisse convaincre et épousera Frances, mais la belle-maman viendra vivre avec eux. Aussi, c'est presque une fin tragique."
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ALFRED HITCHCOCK - UNE FILMOGRAPHIE DE L'ANXIETE
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