En l'espace d'une dizaine d'années, George Clooney a orienté sa carrière d'une façon inattendue et déroutante au regard du cinéphile landa pour qui il représentait la séduction à l'état pur. Mais le favori de ses dames avait d'autres ambitions et a su métamorphoser son image d'acteur de charme pour aborder des sujets plus audacieux et plus conformes à ses aspirations. Avec son dernier film Michael Clayton présenté en avant-première à Deauville en septembre, il s'est lancé, avec son complice Tony Gilroy, scénariste de la saga Jason Bourne, dans un thriller psychologique sur les pratiques et l'absence d'éthique de certaines firmes américaines. De cette collaboration étroite est née un film sombre et pessimiste qui confirme le don de Clooney d'élargir le champ de ses interprétations et celui de Gilroy de se situer dans le panel des meilleurs scénaristes-réalisateurs actuels d'Hollywood. Le film fonctionne sur le mode classique du thriller mais ici l'idée d'une possible rédemption s'annule devant l'ampleur et la puissance des forces en présence : celles scandaleuses d'un noyau d'hommes sans scrupules prêts à tout pour étendre en permanence, et à n'importe quel prix, leur influence. Face à eux, un avocat chargé d'un dossier douteux et qui se voit dans l'obligation de faire un choix entre ses responsabilités professionnelles et sa morale personnelle et, ce, au risque de sa vie, puisqu'il entend dénoncer les agissements coupables d'une multinationale agro-chimique qui, pour s'enrichir, est disposée à faire des millions de victimes.
Mais contrairement à d'autres thrillers, Michael Clayton nous montre à quel point les hommes ne sont jamais que des pions, des marionnettes, broyés par une machine corporatiste terriblement efficace. Pas une lueur d'espoir ne se profile à l'horizon d'un film ténébreux à souhait. D'autant que le metteur en scène a choisi volontairement de tourner à New-York, sa ville natale, parce qu'aucun lieu ne lui semblait mieux approprié pour dépeindre un monde colossal et écrasant gouverné par le profit et l'argent et dont la présence des gratte-ciel rend l'ambiance encore plus étouffante. L'exercice est réussi grâce à une mise en scène bien ficelée, une parfaite interprétation et un suspense maîtrisé qui nous tient en haleine, même s'il arrive que des flash-back trop systématiques nous fassent parfois perdre le fil de l'action. Il est certain que ce n'est pas le film qu'il faut aller voir si l'on a du vague à l'âme, car le monde brossé par la caméra de Gilroy est affligeant et que Clooney, lui-même, nous y apparaît ébranlé, fragilisé par l'ampleur d'une tâche qu'il sait perdue d'avance. D'où un sentiment de frustration et de défaite qui ne peut manquer d'étreindre le spectateur. Mais, n'importe, malgré sa silhouette fatiguée, ses soucis personnels sur lesquels le film s'attarde un peu trop longuement, Clooney nous campe un personnage sympathique et courageux, un Don Quichotte des temps modernes, oscillant entre foi et désespoir et qui a jeté dans la balance tout le poids de sa sincérité. Et puis voir des requins s'entre-tuer a quelque chose d'excitant qui rappelle les films du Pollack des années 70. D'ailleurs Pollack est présent dans la distribution, endossant un rôle de parfait salaud de façon très convaincante. Un film à voir, ne serait-ce que parce qu'il serait dommage de bouder une oeuvre de cette qualité.
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