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Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.

4 MINUTES de CHRIS KRAUS OU LA NOUVELLE VAGUE ALLEMANDE

4 MINUTES de CHRIS KRAUS OU LA NOUVELLE VAGUE ALLEMANDE

     
Y a-t-il quelque chose de nouveau dans le 7e Art ? Oui, le cinéma allemand qui revient en force et, s'il poursuit sur sa lancée, s'apprête à ressusciter en 2010 le cinéma des années 20 où il brillait de mille feux aux frontons des salles de spectacle. C'est, en effet, une véritable renaissance qui s'amorce avec des films de la qualité de Good Bye, Lenin !  (2003), La Chute  (2004), La vie des autres  (2007) et, plus récemment encore, de  Libre arbitre  de Matthias Glasner et  De l'autre côté  de Fatih Akin. Sorti il y a une quinzaine de jours,  4 minutes  de  Chris Kraus  nous offre une oeuvre d'une authenticité et d'une profondeur à mi- chemin entre le film d'auteur et la mainstream*, cela malgré un budget poids plume et sur un sujet redoutable à envisager si on ne veut pas sombrer dans le pathos, ce que le cinéaste a su éviter avec maîtrise. Jusqu'à ces tout dernières années, le cinéma teuton ne représentait que 9% des films habituellement projetés en Allemagne ( la plus grande part revenant au cinéma américain ); il est actuellement en hausse continue et atteint le chiffre de 30%. Les salles sont à nouveau fréquentées par un public qui se passionne pour son 7e Art national et a repris confiance à la suite des succès de "Good Bye, Lenin !" et  "La vie des autres", ce dernier ayant remporté aux Etats-Unis l'Oscar du meilleur film étranger. "4 minutes" est déjà distribué dans 30 pays et recueille des critiques favorables ; ce, pour diverses raisons : d'abord l'intérêt du sujet et la qualité recherchée et assez sophistiquée de la mise en scène ; ensuite pour le jeu extraordinaire des actrices principales, duo percutant qui force l'admiration, ainsi que pour la musique dans laquelle le film baigne et qui n'est autre que son élément constitutif.



D'autre part, signe supplémentaire d'optimisme pour les Allemands, les studios de Babelsberg, créés en 1911 et qui furent le lieu de tournage légendaire du "Metropolis" de Fritz Lang et de Nosferatu de Murnau, plus récemment du "Pianiste" de Polanski et du "Stalingrad"  de J. Jacques Annaud, ont repris du service, après s'être dévoyés sous le nazisme et endormis sous le communisme, et voient affluer des metteurs en scène du monde entier qui se plaisent à tourner dans la banlieue de Berlin. Si bien qu'en cette décennie, ce n'est pas seulement quelques réalisateurs qui émergent mais un véritable vent de renouveau qui souffle, surtout depuis la réunification et la détermination du peuple allemand à affronter lucidement les fantômes de son passé. Dans ce domaine, le triomphe de "Mon Führer" de Dani Levy ( en France le 12 mars prochain ) est révélateur et donne l'occasion au décapant sens du comique juif allemand, qui avait été neutralisé par la Seconde Guerre mondiale, de réapparaître.


                 

Mais revenons à "4 minutes" qui ne donne pas précisément dans le registre comique, tant s'en faut, mais se présente comme un tête à tête implacable et révélateur entre un professeur de piano octogénaire, plutôt acariâtre, qui dispense ses cours dans une prison pour femmes et une détenue suicidaire et surdouée. Depuis un demi-siècle, cette enseignante est restée attachée à cette prison, car sa vie de soliste s'est arrêtée en 1945 sur un secret non avoué. Losqu'elle fait la connaissance de Jenny, une jeune femme violente et incontrôlable, âgée d'une vingtaine d'années, qui possède un don pianistique hors du commun, elle reprend goût à transmettre et souhaite la préparer au concours d'entrée au Conservatoire, malgré le peu d'enthousiasme de la jeune délinquante. Peu à peu, au rythme de Mozart, de Beethoven, de Schumann, de Schubert, les deux femmes vont finir par s'apprivoiser et accepter de regarder leur passé respectif lourd de silence et de refoulement. Chris Kraus a réalisé là une oeuvre magnifique malgré quelques maladresse, que l'on oublie vite, tant la dramaturgie est puissante et les thèmes abordés nombreux : réalité contemporaine, fantômes du nazisme, fable sociale, troubles de la jeunesse, homosexualité, fidélité et trahison ; oui, le cinéaste ne craint pas de les traiter avec courage, même s'ils plombent un peu le narratif, reproche que l'on peut lui adresser, en effet. Quant à la distribution, elle est excellente, mais il faut s'attarder sur le jeu prodigieux de Hannah Herzsprung et Monica Bleibtreu qui nous font assister à un face à face d'une suffocante intensité. Le réalisateur a d'ailleurs noté à ce propos :

 " Ce film est un duel. Je l'ai voulu comme un western moderne, qui joue sur les contrastes entre la tristesse de la claustration et la liberté absolue née de la musique. (...) Mes parents désespéraient de faire de moi un petit Mozart ! J'ai pris des cours de violon, de flûte, de piano, sans succès. Puis j'ai fait un rejet de la musique. Le personnage de Frau Krüger est sans doute une construction inconsciente née de ces frustrations enfantines ".

 

Frustation ou pas, Chris Kraus a su orchestrer un film que l'on ne peut oublier, qui donne à réfléchir et à entendre, et dont les partitions sont superbement interprétées, car dirigées de main de maître, jusqu'aux quatre dernières minutes où la musique ne se contente pas d'apaiser, mais se révèle capable de faire sortir de sa léthargie une société somnolente.


* auteur sorti des sentiers battus

 

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D
Comme Ffred, bravo à cet excellent article. Je suis heureuse que le film vous ait plu. En tout cas, on ne l'oublie pas de sitôt. Les deux actrices sont exceptionnelles et puis écouter jouer du piano comme cela, j'espère que cela va donner envie à de nouvelles vocations. En tout cas merci!. Encore une chose, demain, sort les Faussaires, c'est aussi un bon film à voir.
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F
Bravo pour ce très bel article. Comme toi j'ai été emballé. Un film d'une puissance émotionnelle exceptionnelle. C'est Jeanne Moreau qui devait jouer le rôle de la vieille femme mais ça n'a pu aboutir. Je pense que cela aurait été un grand moment aussi. L'actrice choisie est tout de même époustouflante. Je suis bien d'accord avec toi aussi, en face de ça en France actuellement c'est Enfin veuve et Astérix qui cartonnent...sans commentaire...
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