En 1750, Espagne et Portugal se disputent les colonies de l'Amérique du Sud. Aussi les Jésuites, parmi eux le Père Julian qui vient d'être mis à mort et crucifié, puis le Père Gabriel, ont-ils implanté des missions afin d'y répandre la foi parmi les Indiens et protéger les populations de la brutalité des colons et des razzias des preneurs d'esclaves. Expérience sociale, que l'on peut qualifier, faute de terme approprié, de communisme théocratique. Elle fascina les penseurs de l'époque, les Montesquieu, Voltaire et Diderot qui n'hésitèrent pas à louer l'impulsion égalitaire qui la sous-tendait.
Dans ce monde dur et sans pitié, l'un des mercenaires, Mendoza, ne craint pas de tuer son frère, Felipe, par jalousie amoureuse. Par la suite, accablé de remords et prêt à renoncer à la vie, il accepte de suivre le père Gabriel dans sa mission auprès des Guaranis, dans un lieu sauvage proche des impressionnantes chute d'Iguaça. Ce missionnaire évangéliste est porteur de la dimension humaine la plus respectable qui soit, puisqu'elle prône la paix, la compréhension, le partage et le respect. Mais son projet de recréer avec les Indiens Guaranis une sorte de paradis spirituel et matériel, où l'amour serait la clef de voûte, va se heurter aux rivalités qu'entretiennent les Espagnols et les Portugais au sujet de l'attribution des terres. Dépêché sur les lieux, l'émissaire du Saint-Siège va intimer aux Jésuites l'ordre de fermer les missions dont celle de San Carlos qu'est en train de bâtir le père Gabriel. L'attaque des Espagnols est désormais inévitable et va s'effectuer avec une violence rare, n'épargnant que les enfants que l'on verra lentement s'enfoncer dans la jungle.
Ce film magnifique, tourné dans les paysages grandioses du Brésil et du Paraguay par Roland Joffé, bénéficie d'une interprétation très intériorisée de la part de Jeremy Irons et Robert de Niro, tous deux magnifiques d'intensité et de ferveur, l'un dans le rôle du prêtre qui décide de résister par la prière et du repenti qui préfère recourir à l'épée pour sauver de l'anéantissement leur petite communauté. Raison pour laquelle ce long métrage ne peut pas être classé parmi les films anticléricaux, car s'il stigmatise les déviations d'une église en pleine mutation, manipulée par les empires coloniaux et ne disposant que d'un pouvoir restreint sur les événements en cours, il est un plaidoyer envers la foi qui permet à l'homme, quel qu'il soit et où qu'il se trouve, de dépasser ses propres limites.
Réflexion émouvante sur la légitime violence, l'altérité, la rédemption, ce long métrage est également un poème dédié à l'innocence des tribus indiennes qui furent implacablement décimées par les Espagnols et les Portugais, un hymne à la nature dans sa splendeur originelle, une cantate aux tous premiers matins du monde que l'inoubliable musique d'Ennio Morricone rend plus lyrique encore. La belle phrase prononcée, lors de la scène finale, par l'ancien mercenaire : " Si la force est le droit, l'amour n'a nulle place en ce monde " - pourrait être mise en exergue et résume en quelque sorte l'intrigue. Ce film est d'autant plus réussi qu'il bénéficie de tous les atouts : une mise en scène somptueuse, un scénario solide qui ne peut laisser personne indifférent, ne serait-ce que pour son message de profonde humanité, l'admirable bande sonore qui allie chants religieux et musiques indiennes et une interprétation irréprochable. A l'apogée de leur talent, De Niro affiche autant d'arrogance dans la première partie que de désespoir et de repentir dans la seconde, alors que Irons montre, d'un seul regard, la fermeté et la grandeur d'âme d'un serviteur d'une cause qui le dépasse lui-même.
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