La vie d'Edith Piaf était trop belle pour ne pas tenter un metteur en scène, mais le danger était grand pour celui-ci de se fourvoyer dans une évocation approximative, et plus grand encore pour l'actrice qui accepterait d'endosser le rôle d'une chanteuse qui reste à jamais un mythe dans la mémoire collective. Marion Cotillard risquait gros et le pari était d'ampleur pour une jeune femme qui n'a aucun des traits de la môme, ce qui supposait un maquillage, une gestuelle, un comportement à puiser en soi, bien davantage qu'à mimer ou imiter. Le résultat est confondant et cette actrice, que je n'avais encore jamais vue à l'écran, mérite les plus grands éloges. Elle s'est appropriée Piaf sans la trahir, sans la dénaturer, en l'intériorisant avec quelque chose d'une modestie, d'un naturel qui dénote un vrai talent de comédienne. Et puis elle semble donner tout d'elle-même dans son interprétation, ainsi que la chanteuse donnait tout à la chanson, comme si la vie, l'avenir en dépendaient. Cette mise en danger donne au film La môme une dimension supplémentaire. D'autant que cette vie chahutée est un formidable hymne à la foi : foi en soi, foi en l'art, foi en Dieu et Sainte Thérèse, tout se mêle chez cette gamine qui avait si peu de chance que la bonne fortune et la réussite soient au rendez-vous : pas d'instruction, pas de santé, pas d'appuis, pas d'argent et même pas de beauté... seulement une voix et une indomptable énergie. A partir de ce presque rien, elle bâtira un mythe universel et portera la chanson populaire sur les marches les plus hautes du temple de l'Art.
Après une enfance épouvantable, où elle est ballottée d'une maison close à un champ de foire, d'un bistrot au trottoir, la môme commence à chanter dans les rues avec une ferveur telle et tant de conviction qu'elle se fait bientôt remarquer. Un certain Louis Leplée (Gérard Depardieu) lui offre sa première chance et lui ouvre les portes de son cabaret. Mais il est assassiné, crime crapuleux, bien sûr, et tout est à recommencer. Heureusement la môme n'a pas le découragement facile. Elle repart à l'assaut des rues, accompagnée de Momone, la copine de bohème, et fait une nouvelle rencontre, décisive cette fois, celle de Raymond Asso. Le compositeur, conscient de ses dons, va se consacrer à la former, à lui constituer un répertoire personnel et à la présenter à des gens de métier. La môme Piaf s'efface pour laisser place à Edith Piaf. On connaît la suite : les amours, les deuils, les maladies, la conquête de l'Amérique, les mariages, les heures radieuses et les heures noires ; le film d'Olivier Dahan nous livre, sur un rythme rapide, les images d'une biographie qui ne s'encombre pas d'une chronologie linéaire, mais procède par flash-back, nous brossant un portrait plus intimiste, reconstituant la tessiture de la femme en même temps qu'elle nous rend, par le son, la tessiture de sa voix. C'est donc à larges traits que le film nous dépeint cette existence brève mais intense, où l'ascension prodigieuse débouche sur un final pathétique. Tout Piaf est là en ces deux heures d'un spectacle qui oscille entre conte de fée et tragédie, entre succès et défaites, entre splendeur et misère. Et surtout Piaf est toute entière ressuscitée par Marion : son sourire, ses expressions, ses regards, elle est présente, elle nous empoigne au coeur, à l'estomac, elle nous émeut, nous envoûte, nous bouleverse ... magnifique Cotillard, inoubliable PIAF.
Marion Cotillard a été sacrée meilleure actrice par les Golden Globes et a reçu le César et l'Oscar de la meilleure actrice 2008. Et on sait aujourd'hui la formidable carrière qui est la sienne.
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