Bachir Lazhar, un Algérien de 50 ans, apprend dans le Journal de Montréal qu’une institutrice de sixième année s’est pendue dans sa classe, le soir après les cours. Aussi s'en vient-il offrir ses services de remplaçant à la directrice de l’école. Il dit avoir été instituteur à Alger et disponible sur le champ. Bachir fait alors la rencontre d’un groupe d’enfants ébranlés par le terrible événement. Le fossé entre lui, professeur à l'ancienne, et ses jeunes élèves va apparaître, dès le premier jour, abyssal, alors qu'il leur propose une dictée hors de leur portée, tirée de Honoré de Balzac. Personnage énigmatique, qui pénètre dans un monde de femmes et de réformes pédagogiques, Bachir s’attache peu à peu à Alice et Simon, deux élèves qui se démarquent par leur charisme et croient être un peu responsables de la mort de leur professeur, l'une cherchant des issues avec une maturité stupéfiante, l'autre s'enfermant dans sa supposée culpabilité. Quant à Bachir, personne à l’école ne connaît sa vie algérienne et le risque qu'il encourt d'être expulsé manu militari.
Tiré d'une pièce de Evelyne de la Chenelière, le film de Philippe Falardeau s'articule autour de deux thèmes : celui de l'exil qui frappe cet algérien obligé de fuir son pays où sa femme a été assassinée ainsi que sa famille à la suite de la publication d'un ouvrage mettant en cause le gouvernement, et celui des difficultés liées à l'enseignement et à la transmission du savoir à une époque où toutes les valeurs, et les plus essentielles, sont remises en cause. Bachir sera lui-même obligé à des concessions pour garder son emploi, mis en péril permanent du fait qu'il est un réfugié, en dissidence avec son pays d'origine.
Ces deux thèmes, tellement actuels, traités sans lourdeur, avec infiniment de tact et de sensibilité, nous offrent un film accompli et très prenant, admirablement porté par le charisme de l'acteur principal Mohammed Fellag, qui n'en est pas à son premier essai, mais donne ici la pleine mesure de son talent, fait d'intériorité et de douceur. Et, ce, face à une pléïade de jeunes acteurs prodigieusement naturels, justes et convaincants. Cela n'en était pas moins un exercice difficile que de nous entretenir de sujets aussi délicats que le suicide et la fuite hors frontière d'un opposant au régime de son pays, sujets qui risquaient à tout moment de sombrer dans le mélo mais que l'auteur accomplit avec maitrise, nous donnant à entendre, charme supplémentaire, l'accent québecois et haut en couleur des jeunes élèves. Si je n'ai pas tout compris, j'avoue que cela ajoute un piment et une note de gaieté à un opus circonscrit dans le tragique, dont la disparition de Martine, la jeune enseignante qui choisit de se pendre dans sa propre salle de classe - ce que Bachir considère comme une faute grave - et la situation illégale de ce dernier. L'école est avant tout un lieu de vie, non un lieu de mort - dira-t-il, déculpabilisant avec les mots justes la mauvaise conscience de certains élèves, se gardant bien, quant à lui, d'aborder ses soucis personnels.
Riche de tels atouts, Monsieur Lazhar, qui figurait dans la liste des Oscars pour le meilleur film étranger, oeuvre sobre, sans épanchement inutile, sans faute de goût et sans excès oratoires, compte parmi les bonnes surprises de l'année 2012 et émeut par l'humanisme de bon aloi qu'il dégage.
Pour consulter la liste des articles de la rubrique CINEMA AMERICAIN & CANADIEN, cliquer sur le lien ci-dessous :
LISTE DES FILMS DU CINEMA AMERICAIN ET CANADIEN
commenter cet article …