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Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.

THE READER de STEPHEN DALDRY

THE READER de STEPHEN DALDRY

      

L'histoire se passe en Allemagne de l'Ouest au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Michaël Berg, lycéen de 16 ans, est pris soudain, alors qu'il rentre chez lui, de fièvre et de vomissements. Comme il pleut, il s'abrite sous un porche et là une femme, qui habite ce quartier populaire et cet immeuble modeste, lui vient en aide et le réconforte. Il ne l'oubliera pas, et, à la fin de sa convalescence, décide d'aller lui porter un bouquet en guise de remerciement. Cette femme, d'une vingtaine d'années son aînée, s'appelle Hanna Schmitz et travaille comme contrôleuse de tramway. Le jeune garçon va vivre auprès de son initiatrice une romance passionnée qui durera ce que durent les roses : un été. Après les étreintes et les séances de lecture qu'Hanna se plaît à lui réclamer et que bien volontiers il lui consacre, rapportant de la bibliothèque des oeuvres aussi différentes que l'Odyssée d'Homère ou La dame au petit chien de Tchékov, la jeune femme disparaît sans laisser d'adresse. Quelques années plus tard, alors qu'il étudie le droit, Michaël assiste, avec son maître de conférence et d'autres étudiants, au procès d'anciennes gardiennes de camps de concentration nazis. Et, parmi elles, figure Hanna.
 

Cette révélation va le détruire en le privant de repères et d'idéal. A-t-il pu aimer un monstre, c'est-à-dire une personne si dénuée de conscience et de coeur qu'elle pouvait exécuter sans sourciller les ordres les plus abjects, ou bien a-t-il étreint un être sans consistance, sans conscience, sans humanité ? Ce procès, au fur et à mesure de son déroulement, se révèle d'autant plus pénible qu'Hanna concentre sur elle l'antipathie du Tribunal et accepte comme une fatalité d'être chargée de toutes les fautes par ses collègues. Quand on lui demande si c'est elle qui a rédigé un certain rapport accablant, elle répond d'abord par la négative, puis, lorsqu'on la prie de bien vouloir écrire pour vérifier l'identité des deux graphismes, elle se rétracte et dit oui. Ce oui est la clé du secret le plus enfoui d'Hanna. Davantage encore que la honte d'avoir participé de près ou de loin aux crimes nazis, la sienne est personnelle, mais tout aussi nocive, la cloîtrant dans l'ignorance : oui Hanna ne sait ni lire, ni écrire, elle est analphabète. Comme les poupées russes, ses secrets s'emboîtent les uns dans les autres. Peut-on en déduire que l'ignorance conduit aux pires égarements et vous disculpe de toute responsabilité, que quelque chose d'inhumain se dégrade à n'être pas utilisé dans un projet d'évolution culturelle ? Ce serait trop simple ! Car ceux qui donnaient les ordres, ceux qui avaient édifié cet abominable projet de sélection des races n'étaient pas des illettrés mais des hommes cultivés, des pères de famille respectables, des personnages considérés dans la haute société germanique. Alors ? Qu'auriez-vous fait à ma place ? - questionne Hanna à l'avocat général qui la charge. Obéir à son patron, c'est tout ce que savait faire cette pauvre fille. Parce que l'emploie qu'elle exerçait lui permettait de s'assumer matériellement et qu'il ne l'obligeait pas à révéler la honte qui la minait : son inculture. Pourquoi n'avez-vous pas déverrouillé la porte de l'église quand celle-ci a pris feu après l'impact de la foudre, alors que vous saviez que 300 femmes, que vous conduisiez dans un autre camp, s'y trouvaient enfermées ? - hurle le magistrat. La réponse d'Hanna laisse sans voix, tant il est vrai - comme le dit le professeur à son élève Michaël - qu'aucune société ne s'est fondée sur la moralité. J'étais chargée de les garder -bredouillera l'accusée. Et si j'avais ouvert la porte, elles se seraient enfuies. Réponse logique à un ordre qui, en l'occurrence, ne l'était pas.
 

Après les scènes de la romance quelque peu languissantes du début, le film prend de la densité à partir du procès d'Hanna et le face à face qui s'instaure entre les représentants de l'ordre et du droit et ces femmes qui, dans des conditions tragiques, n'ont pas manifesté le moindre sentiment de compassion et que la notion de bien et de mal ne parait pas interpeller. Hanna, comme les autres, semble détachée de toute attraction possible entre ces deux pôles, pour la seule raison qu'elle ne se situe nulle part d'une quelconque perspective morale. Et ce " nulle part" est terrifiant. Où est donc passée sa part irrévocable d'humanité ? Car aussi révoltant que cela soit, une part d'humain reste présent  dans l'inhumain. Hanna, au-delà du bien et du mal, reste une femme qui a  aimé, pleuré, souffert, craint, dissimulé. Désormais Michaël va tout tenter pour restaurer loin d'elle, avec ou malgré elle, cette part d'humanité perdue. Grâce à la lecture, qui avait été leur loisir favori du temps de leur liaison heureuse, il va trouver un exutoire à leur solitude, à leur enfermement respectif, à leur claustration intérieure et amorcer ainsi une fragile et hypothétique rédemption. Rédemption pour l'Allemagne qui essaie de se reconstruire et dont Michaël, devenu avocat, doit assumer sa part de responsabilité ; rédemption également pour Hanna qui, en écoutant les cassettes d'enregistrement qu'il lui adresse en prison, apprend à lire et, par voie de conséquence, à se construire.

 

Je ne dévoilerai pas la fin qui réserve quelques grands moments de cinéma, sans être totalement exempt d'emphase émotionnelle, afin de laisser à chaque spectateur la liberté de formuler ses propres interrogations. Bien entendu si le film soulève bon nombre de questions, il ne les résout pas et ne propose pas de solution. Et comment le pourrait-il ? Si bien que l'on sort de la projection plus embarrassé ou troublé que réellement ému. A la suite du roman de Bernhard Schlink " Le lecteur ", le cinéaste nous invite à une remise en question des faits, non pour les excuser ou les restreindre, mais en les portant à notre connaissance sous un autre éclairage. Est-ce que les victimes de cette horrible tragédie ne sont pas, en définitive, les bourreaux ? Car si les victimes ont porté la douleur jusqu'à l'incandescence, les bourreaux ont plongé l'ignominie jusqu'en ses abîmes les plus sombres. Admirablement interprétée par Kate Winslet, Hanna Schmitz nous glace et nous touche par son inconscience et le poids de son inculture qui en font la proie de tous les égarements ; elle est tout simplement formidable et a bien mérité l'Oscar qui lui fût attribué pour ce rôle avec, face à elle, tour à tour,  David Kross  dans celui de Michaël adolescent, vivant sa passion avec une ferveur touchante, et Ralph Fiennes  en Michaël adulte, tout en détresse poignante. Un film qui va peser lourd dans le bilan cinématographique 2009.


Pour consulter la lsite complète des articles de la rubrique CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN, cliquer sur la liste ci-dessous :

 

 LISTE DES FILMS DU CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN

 

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E
Et je vais le re-regarder ce soir... :)
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A
Revu hier soir, Alain, avec le même plaisir.
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S
Un bon film mais je ne serais pas aussi dithyrambique... Ralph Fiennes dans son personnage en fait un peu trop dans le dépressif entre autres... 2/4
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A
Décidemment, chère Armelle, "nous nous suivons" dans nos articles Personnellement je garde un très beau souvenir de ce film.
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E
Eh bien je pense que je vais me risquer à le regarder. J'ai lu des critiques négatives, tout comme des positives, et bon... je vais me fier à votre avis qui ne m'a jamais déçue!
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F
Je l'avais vu en VF en Suisse bien avant sa sortie française et j'en étais sorti très décu. Mon film préféré étant The hours du même Stephen Daldry, ceci explique aussi peut être cela. Il faut que je le revoit en VO cette fois pour me faire une autre idée.
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D
Bonsoir Armelle, personnellement, j'ai vraiment beaucoup aimé ce film: j'ai trouvé que le jeune acteur qui joue Michael Berg est vraiment épatant. Les procès sont passionnantes avec Hannah qui est seule contre les autres femmes, accusées comme elle. Elle devient le souffre douleur. Elles ont senti qu'Hannah était la plus faible. J'ai aussi été frappé par le fait que Michael adulte lui enregistre des livres, il lui fait entendre sa voix mais refuse de répondre ses lettres. Un film à voir et je conseille la lecture du roman. Bonne soirée.
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A
B0152Le scénario se tient pour la bonne raison que l'avocat lui-même ne peut pas aller contre la volonté de sa cliente. C'est Hanna qui préfère endosser une faute supplémentaire que d'avouer en public qu'elle est analphabète, ce qui lui vaudra la prison à vie, peine commuée en 20 années de prison pour bonne conduite, et qui d'ailleurs se suicidera juste avant sa sortie, parce qu'elle n'a plus de goût pour elle, qu'elle se méprise peut-être davantage encore pour son illetrisme que pour son comportement en temps de guerre. Car elle reste une inculpée quasi indéfendable. Elle a pleinement participé aux crimes nazis en s'en faisant l'alliée bienveillante et zélée, même si elle n'était qu'à un échelon très subalterne. Quand elle a quitté son travail d'ouvrière chez Siemens et a accepté un travail, mieux rémunéré dans les camps, ce choix a été fait en toute connaissance de cause. C'est après la guerre, au moment où elle rencontre Michaël, qu'elle est employée comme contrôleuse dans les tramways. Employée d'ailleurs irréprochable puisqu'on lui propose un petit avancement.
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M
Une faille dans le scénario :Je ne connais pas ce film, mais je note une faille dans ce résumé : Hannah est analphabète , donc elle n'a pu rédiger le texte dont ses co-accusées la déclarent l'auteur !... Elle sert donc de bouc émissaire pour les autres nazies ( qui n'ont pas changé le "naturel" de leur raisonnement !), mais aussi à ce tribunal : comment les magistrats peuvent-ils ignorer un fait aussi important ?... Quelle mascarade ( et le procès tout entier !) que ce dossier d'accusation !... D'avance, ce film apparaît cousu de fil blanc ... ou alors, c'est à un autre film qu'il me fait penser : un prisonnier de guerre allemand en aurait tué un autre dans un camp de prisonnier aux US ( en 43 ou 44) et son procès va permettre à son avocat commis d'office de découvrir une toute autre réalité !...<br /> J'ai oublié le titre de ce film ( bon, sans plus ...) , mais le scénario m'apparaît plus cohérent que "the reader" !... Enfin, je veux dire que , vu le caractère grossier de l'intrigue, il apparaît difficile de s'identifier avec l'accusée ... Quant à la culpabilité, je pense à celle des "conducteurs de locomotives" : derrière chaque cheminot, se tenait un garde SS, schmeisser braquée et dans les gares, il y avait des équipes de remplacement, pour suppléer aux moindres ... "défaillances" !...
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