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James Ivory a pour particularité d'être un américain très britannique, si bien que les qualités même de son cinéma découlent de cette particularité : étranger partout, le cinéaste semble contempler d'autres mondes, partagé entre l'émerveillement et l'humour. La distance qu'il entend préserver à l'égard de ses sujets étant essentielle à ses yeux, il a toujours fui le conformisme. Ce qu'il souhaite est de poser sur les êtres et les choses un regard dénué de tout à-priori et enclin à un détachement qui n'est pas dépourvu de tendresse et de complicité. Cette dualité donne son sel à ses films et principalement à "Retour à Howards End" (1991), l'un de ses grands chefs-d'oeuvre qui, comme "Chambre avec vue" et "Maurice" est inspiré d'un roman de E.M. Forster. Margaret Schlegel (Emma Thompson), une jeune femme émancipée aux idées avancées, se lie d'amitié avec Ruth Wilcox (Vanessa Redgrave), la femme du riche propriétaire de l'Impérial Caoutchoux, un homme traditionnaliste s'il en est. Or, Ruth qui sent sa fin prochaine, décide de céder sa demeure de Howards End à son amie Meg, dont elle a décelé le nature profondément artiste et sensible. Furieux d'être ainsi dépossédés de leur bien au profit d'une inconnue, les Wilcox s'arrangent de façon à dépouiller la jeune femme de cet héritage et de se le réapproprier. Le destin, par de curieuses circonvolutions, en décidera autrement.
Cette troisième adaptation d'un roman de Forster réunit la même équipe, le même scénariste et le même producteur et prend comme cadre de référence la société britannique de l'époque, sans pour autant que l'auteur se répète, car ce film est une réussite absolue, une petite merveille dans l'univers cinématographique. Il est vrai que c'est en creusant sans cesse le même sillon que l'on donne le meilleur de soi-même et que l'on édifie une oeuvre d'une qualité aussi remarquable. Sans nul doute, celle de James Ivory l'est pour toutes sortes de raisons : l'allégresse communicative avec laquelle il mène son récit, le regard gentiment ironique qu'il pose sur ses personnages, la grâce de sa mise en scène, la splendeur de ses décors, le côté très aquarellé de ses images, sa direction d'acteurs irréprochable et le soin extrême apporté à la narration. Tout est parfait et d'une rare élégance. Fantaisie, charme caractérisent ce long métrage délicieux qui, maintes fois vu et revu, ne perd rien de sa saveur tant elle est agréable à l'oeil et à l'oreille, et, parce que le sujet traité est en fin de compte inusable, indémodable, simplement parce qu'il relève d'une permanence de la nature humaine. Amour et amitié, confiance et trahison, arrogance et humilité, cloisonnement des classes sociales, tout cela, qui perdurera aussi longtemps que l'homme, est abordé avec finesse et impartialité. L'être est ainsi fait et Ivory l'évoque d'une facture déliée, plaisamment ciselée, pour notre plus grand bonheur. Orfèvre en la matière, il a su choisir ses acteurs. Rarement Emma Thompson n'a été aussi convaincante, drôle et vive, charmante et émouvante, délicate et futile, face à un Anthony Hopkins, glaçant en décideur autoritaire et chef de famille soucieux de ses prérogatives. Un rien de tendresse viendra cependant atténuer la froideur de son regard et lui conférera un sursaut d'humanité. Ce sont ces petits détails-là que James Ivory s'attache à montrer, sans jamais appuyer le trait, en glissant, en feutrant, en jouant de toute la gamme des sentiments et de leur complexité. Quel régal !
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JAMES IVORY OU GRANDEUR ET DECADENCE DES CIVILISATIONS
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