La rivière rouge (1948) est le premier western tourné par Howard Hawks, le premier film où il dirige John Wayne (avec lequel il travaillera à quatre reprises, entre autre pour Rio Bravo) et la première apparition à l'écran de Montgomery Clift que le cinéaste avait découvert au théâtre dans " You touched me ", adapté de D. H. Lawrence. Trois premières pour un film qui, davantage que la classique histoire d'un convoi de bétail, devient tout ensemble un voyage initiatique et l'affrontement de divers personnages que tout oppose et que l'on voit mûrir et évoluer au cours de l'action. Au commencement de l'histoire, Tom Dunson est en train de dire adieu à sa fiancée qui suit un convoi de pionniers. Mais ce convoi sera attaqué par des Indiens et Fen tuée lors de cette rixe. Pour tenter d'exorciser ce souvenir tragique, Tom va s'employer à construire un véritable empire et élever Matt, un enfant dont la mère a été tuée elle aussi au cours de cette attaque, comme le fils qu'il n'aura jamais de la femme aimée. A l'origine, le roman de Borden Chase se terminait par la mort de Tom qui, blessé par Cherry Valance, demandait à mourir au Texas, face à la Rivière rouge. Cette fin ayant été modifiée par le cinéaste, Chase reprochera à Hawks d'avoir considérablement diminué l'importance du personnage de Cherry, qui se situe psychologiquement à mi-chemin de Tom et de Matt, ce père et ce fils adoptif qui ne cesseront de se combattre tout au long du film. Mais Hawks tenait à faire vivre les personnages selon ses propres émotions et n'a pas souhaité suivre à la lettre le roman de Chase, dont le film n'est jamais qu'une libre adaptation.
Ce qui importait à ce dernier était de rendre compte des relations de plus en plus dramatiques entre Tom et Matt sans jamais vouloir que l'un tue l'autre. "Je ne me suis pas fait à l'idée qu'il soit nécessaire de tuer les gens et d'achever un film sur la mort " - avait-il expliqué à l'époque. Par ailleurs, il désirait offrir à son interprète féminine Joanne Dru un rôle d'une vigueur et d'une insolence rares dans un western, où les femmes ont le plus souvent des rôles effacés. Comme Angie Dickinson dans "Rio Bravo", Joanne Dru est ici capable de tenir tête aux hommes et surtout de les ramener à la raison. Bien que film d'hommes, "La rivière rouge" nous propose ainsi un beau portrait de femme brossé d'une caméra attentive et complice. Par la même occasion, Hawks allait trouver en John Wayne l'interprète idéal, l'homme puissant, le Goliath que le jeune Clift affrontera en David audacieux, ce qui lui vaudra d'emblée la sympathie du public. A l'écran, Wayne apparaît comme invulnérable, inébranlable, l'homme des plaines immenses, le héros que rien ne saurait décourager ou abattre. Aussi la mort de Wayne paraissait-elle incongrue à Hawks et préféra-t-il substituer à cette mort la réconciliation du père et du fils adoptif que Tess Millay sépare, revolver au poing.
La personnalité de Hawks marque profondément cette oeuvre qui ne cède pas aux impératifs habituels des westerns. Plus que les cavalcades, c'est l'évolution psychologique des personnages et la rivalité entre un père et un fils qu'il se plait à décrire et exprime par des gestes symboliques : par exemple celui où Groot lance à Tom un poignard pour lui éviter d'être tué par un Indien ; les cris repris par les différents cow-boys au moment du départ du troupeau, ou encore le passage d'un nuage lors de l'enterrement de Dan Latimer qui plonge le paysage dans une troublante obscurité. Le film s'enrichit de ces touches poétiques et du documentaire très précis qu'il nous offre de la vie dangereuse, quotidienne et monotone de ces gardiens de troupeaux dont le bétail s'élevait parfois à plus de 10.000 têtes. Malgré les innombrables difficultés rencontrées lors du tournage et les tracasseries occasionnées par un important dépassement budgétaire, La rivière rouge n'en est pas moins un film d'une parfaite cohésion, dont les images frappent par leur beauté et où la tension dramatique ne faiblit pas. Martin Scorsese le considérait comme son western préféré, ce qui est une référence, et John Wayne disait que si La chevauchée fantastique (1939) avait fait de lui une star, La rivière rouge avait fait de lui un acteur. Ce n'est pas un mince compliment.
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