Après la mort de son mari, tué dans un accident de voiture, Shin-ae décide de s'installer dans la ville natale de ce dernier, Miryang, avec son fils June, et de donner des leçons de piano pour survivre. Ce nouveau départ sera néanmoins laminé par le déroulement implacable de funestes événements. June est enlevé et tué par un déséquilibré mental, après que celui-ci ait exigé une rançon de la mère que certains croient riche, car elle a, à un moment, désiré faire l'acquisition d'un bien immobilier. A partir de là, la vie de Shin-ae chancelle et la tragédie la plus noire va submerger l'écran et nous emporter dans son ténébreux limon, sans apporter de réponse à aucune de nos interrogations et signifié, ou mieux symbolisé, le titre du film : " luminosité secrète ". Secret Sunshine est une implacable étude de moeurs qui renvoie dos à dos la famille (incapable de porter secours à la jeune femme), les voisins (victimes d'a priori et d'hypocrisie), les croyants (eux-mêmes tentés par l'adultère et inhibés dans des rituels enfantins), si bien qu'après avoir cédé à des impératifs religieux insuffisamment structurés, connu toutes les formes du désespoir, cela jusqu'au suicide, la jeune femme comprend que le seul secours à cette fatalité qui semble la poursuivre, ne peut venir ni du ciel trop bleu et trop lumineux, ni de la terre boueuse, saturée d'épreuves, mais d'elle seule. Quant à cet invisible, présent tout au long du film, il n'est autre que l'appel d'amour que Shin-ae incarne et que personne ne semble en mesure de lui donner, pas même le garagiste mal dégrossi et seul personnage qui ait à son égard une réelle tendresse, mais qui ne sait ni l'exprimer, ni la concrétiser, pas plus qu'il n'est apte à vivre auprès d'elle une relation authentiquement amoureuse. Il apparaît ainsi que le drame de Shin-ae n'est pas tant dans les épreuves qu'elle traverse que dans l'incapacité des autres à la comprendre, à lui proposer d'autres solutions que des prières naïves et répétitives et d'ignorer la lumière qui est en elle, flamme vacillante qui ne parvient même pas à l'éclairer personnellement.
L'interprétation de Jeon Do-yeon est digne d'éloges. La jeune actrice habite son rôle avec une ferveur, un engagement total, mais le personnage que le cinéaste lui a demandé d'incarner manque de subtilité, de finesse, il est sans nuances avec des changements d'attitudes et de comportements brutaux que l'on comprend mal. Il y a de la part de cette jeune héroïne, autour de laquelle le film se construit, une rigidité déconcertante, une suite d'apprentissages qui va de faillites en désillusions, frôlant les gouffres à tous moments, en fonction d'états d'âme successifs et paroxysmiques qui nous échappent le plus souvent. Oeuvre non de renaissance mais de survie improbable entre douleur extrême et haine, cette épopée intimiste n'a pas vraiment su m'émouvoir. Trop sombre, trop abrupte, trop concentrée sur une douleur absolue quasi indépassable, celle-ci m'a tenue en lisière. C'est d'autant plus dommage que ce long métrage avait tous les ingrédients pour être un grand film. Mais nous sentons bien que nous devenons avec cet opus les otages d'un flux émotionnel surabondant. Et Dieu dans tout cela ? Filmé sur le mode documentaire frisant la caricature, le point de vue de l'auteur reste sur ce plan tout à fait incertain, car trop simpliste, n'abordant aucune voie de rédemption plausible. Au point qu'aucun interstice de lumière ne s'offre à nous, qu'aucun apaisement ne s'entrevoit, que ce film donne dans l'inconsolable et que l'on sort de la salle hébété par une douleur totalement envahissante.
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LEE CHANG-DONG, L'AUTEUR PHARE DU CINEMA COREEN
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