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16 janvier 2010 6 16 /01 /janvier /2010 09:35
STANLEY KUBRICK OU LE REGARD CAMERA

 

Voilà un cinéaste qui produit peu mais sort tous les dix ans un chef-d'oeuvre, un de ces films qui crée l'événement et frappe l'imagination du spectateur, raison pour laquelle on a volontiers qualifié Stanley Kubrick de génie obsessionnel, tellement ses thèmes posent inlassablement les mêmes questions sur la condition de l'homme et le problème du mal avec une sorte de fureur expressive. Ce New-Yorkais précoce ( il est né le 26 juillet 1928 ) se fera connaître tôt dans la photo, où son inventivité fera merveille. Passionné de technique, il réalise un documentaire sur un boxeur  Day of the Fight  (1951), puis un film de fiction  Fear and Desire  en 1953, qu'il reniera par la suite. La qualité de sa photographie, ses clairs-obscurs contrastés, ses mouvements de caméra sinueux révèlent déjà un tempérament exceptionnel. Il a tout juste 28 ans quand il tourne son premier film en tant que réalisateur indépendant  Ultime razzia  (1956), un policier qui emprunte aux classiques du genre, mais où se dévoile certaines virtuosités, ainsi qu'un traitement visuel savant qui permet à Kubrick de saisir les visages au bord de la déformation caricaturale, signature, grâce à laquelle, il impose d'ores et déjà son style propre.

 

 

L'acteur Kirk Douglas, qui se plait à encourager les jeunes talents, le choisit pour un projet audacieux  Les sentiers de la gloire (1957) qui aborde le sujet délicat des mutineries dans l'armée française, lors de la Première Guerre mondiale. Le film, tourné en Europe, reçoit un accueil critique favorable, mais la France, par crainte de la censure, attendra 1975 pour le diffuser enfin dans les salles. Kubrick s'y révèle un cinéaste majeur et complet : le sujet est traité avec force et dignité, l'interprétation à la hauteur de l'attente des spectateurs et, la maîtrise de la caméra, celle d'un homme qui  utilise avec maestria les possibilités offertes par sa caméra, dont les longs travellings. Kirk Douglas fera de nouveau appel à lui  - à la suite de la défaillance d'Anthony Mann - pour un film en péplums  Spartacus, dont le jeune réalisateur s'acquittera avec panache et qui contribuera à asseoir sa réputation auprès du grand public. Désormais Kubrick entend faire cavalier seul et ne travailler que sur des projets personnels qui lui laissent une totale liberté d'action, veillant à s'entourer de collaborateurs triés sur le volet, scénaristes, caméramans, voire même écrivains. C'est Vladimir Nabokov en personne qui participera à l'adaptation sur grand écran de son roman controversé : Lolita. N'aimant guère l'ambiance qui règne à Hollywood et correspond si peu à son caractère introverti et à sa personnalité solitaire, Kubrick quitte les Etats-Unis pour l'Angleterre, où il reconstituera l'Amérique provinciale et suburbaine dans Lolita,  prouesse qu'il réitérera avec Shining et  Eyes Wide Shut,   proposant une vision mentale de ce pays plus vraie que nature.

 


Cette indépendance lui réussit car, désormais, chacune de ses oeuvres est attendue par un public conquis par ce talent provocateur et hors du commun, qui ne s'accorde aucune concession, et aura si profondément imprimé l'imaginaire des spectateurs. Ainsi abordera-t-il successivement, et avec un égal talent, la comédie Dr Folamour, le film d'anticipation L'odyssée de l'espace, le film d'horreur Shining, le film historique Barry Lyndon, le film de guerre Full Metal Jacket et, à chaque fois, imposera une vision neuve, si bien que ceux qui viendront après lui seront condamnés à se mesurer à son modèle. Si Orange mécanique (1971), symptomatique de son époque, reste un phénomène isolé, Barry Lyndon (1975) crée un précédent et une référence absolue dans le domaine du film historique. Ces oeuvres, en apparence disparates, représentent la vision (le mot est approprié tant Kubrick est fasciné par la puissance et la capacité émotionnelle du regard caméra) d'un auteur : philosophe, il questionne  sans se croire obligé d'apporter des réponses, mais le questionnement en soi est en quelque sorte une réponse, celle de l'inquiétude de l'homme moderne et du devenir humain. Pessimiste ironique, il observe le monde en entomologiste et ce n'est pas tellement beau à voir. Chantre de l'inhumanité, il tisse sa toile afin que l'homme-personnage, pris au piège, se plie à ses considérations désespérées. Sa filmographie se conclut par une méditation sur le couple  Eyes Wide Shut (1999), film énigmatique par excellence comme les aime Kubrick, toujours en proie au doute et à l'incertitude des êtres ballottés par le temps et qui finissent, comme ses films, par devenir emblématiques.

 

Pour lire les articles de la rubrique consacrée aux réalisateurs, cliquer sur son titre :


LISTE DES ARTICLES - REALISATEURS du 7e ART

 

Et pour prendre connaissance de la liste complète des articles de la rubrique CINEMA EUROPEEN & MEDITERRANEEN, dont "Barry Lyndon", cliquer sur le lien ci-dessous :  

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA EUROPEEN ET MEDITERRANEEN

 

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STANLEY KUBRICK OU LE REGARD CAMERA
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commentaires

F
Great article I really like this movie.
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S
Barry Lyndon, Shining, My Full Metal Jacket, trois films qui m'ont fait forte impression et qui, je crois, n'ont pas pris une ride. J'ai revu récemment "Orange Mecanique" et j'en ai été ébranlée. Une oeuvre terrifiante. Kubrick est probablement l'un des plus grands cinéastes de sa génération.
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A
Je n'ai jamais voulu voir "Orange mécanique" à cause de la violence. Sans doute ai-je une tort. Mais j'ai beaucoup aimé les autres. Mon préféré " Barry Lyndon", une pure merveille.
D
Heureuse de lire vos articlesBonjour Armelle, <br /> <br /> Comme je suis heureuse de vous lire encore, je lis régulièrement vos articles, je les ai découverts il y a quelques mois maintenant mais ne vous ai écrit qu'aujourd'hui. Je connais bien les films de Stanley Kubrick. Je dois dire que celui qui m'a le plus marqué est l'adaptation du livre de Stephen King, Shining. La réalisation est incroyablement réussite. L'atmosphère pesante et claustrophobe du roman a été très bien rendue. Sans compter le jeu efficace de Jack Nicholson, rien que d'y penser j'en ai des frissons. Il n'y a pas de surabondances d'effets spéciaux, le choix du décor de la neige glaçante avec cette lumière du jour pâle plutôt que la nuit (souvent préférée par les réalisateurs pour les films d'épouvante) apporte une dimension presque trop réaliste au film. La folie contenue de l'acteur principal exprimée à travers les gros plans est tout simplement géniale. <br /> <br /> Lire votre blog me permet de maintenir mon niveau de français ayant émigré en Angleterre pour deux ans dans une école. <br /> <br /> Je ne sais si vous lirez les commentaires que j'ai laissé sur vos articles concernant l'oeuvre de Proust. Au risque de me répéter (je m'en excuse d'avance), je tiens aussi un blog littéraire que j'ai débuté récemment. Il y a pour le moment 9 articles si vous êtes intéressée voici mon lien au cas où:<br /> <br /> artdelire.fr<br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> Amélie
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B
Cela faisait longtemps que je n'étais pas venu sur allocine, Cela me fait un plaisr immense que de retrouver ton blog qui continu à me surprendre. Un blog d'une qualité que l'on vois peu. <br /> Ceci est article passionnant, il faut dire que je suis fan de Kubrick.
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M
Article très intéressant sur un metteur en scène captivant et dérangeant.
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B
Oui, je suis de retour pour de bon.<br /> <br /> je pense pouvoir publier un ou deux articles par semaines (plus si j'ai le temps)<br /> <br /> Dernièrement j'ai eu beaucoup de travail ce qui éxplique mon absence.<br /> <br /> Emilie, Angela et moi partons en vacances vendredi mais comme je compte emmener pour ordinateur portable je pense pouvoir publier régulièrement un article.<br /> <br /> C'est vrai que c'est vraiment dommage que Gérard ne soit plus la.<br /> <br /> sinon, je suis très heureux de te retrouver.
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B
Bonjour Armelle!<br /> <br /> c'est un très grand plaisir que de revenir sur allocine après tant de mois d'absence.<br /> <br /> Tu nous a pondu la un éxellent article sur mon metteur en scène favoris auquel je consacrerais un article moi même très bientôt.<br /> <br /> Comment vas tu depuis tout ce temps?
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
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La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


Charlie Chaplin

 

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