" Le surréalisme est ce point de l'esprit où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement ".
André Breton
Au lendemain des troubles de la guerre de 14/18, le mouvement surréaliste allait cristalliser un certain mal de vivre et dévoiler "l'envers du décor logique" en privilégiant les aspirations subversives et les fantasmes. D'emblée les membres du groupe vont se passionner pour le cinéma, art qu'ils trouvent moins bourgeois que le théâtre, parce qu'il permet de jongler avec le temps, de retranscrire les rêves et surtout d'explorer des possibilités inédites jusqu'alors comme l'inconscient et la folie. De même qu'ils placeront au coeur de leur quête l'amour fou, la liberté et la poésie. Ainsi le fantastique, l'extravagant, l'étrange et l'étonnant vont-ils avoir droit de cité dans le 7e Art et y faire une entrée fracassante afin que soient dépassées les conditions dérisoires de l'existence. Peut-être parce que les exigences financières des infrastructures s'accordent mal avec leurs principes, les surréalistes tourneront peu de films, du moins ces films auront-ils le mérite de secouer l'opinion et de faire date. En 1927, Germaine Dulac signe "La coquille et le clergyman" d'après un scénario d'Antonin Artaud qui sera mal reçu d'Artaud lui-même, considérant que l'opus ne correspond pas à son travail. Deux ans plus tard, un cinéaste s'impose avec outrance dans le domaine cinématographique et, tout au long de sa carrière de cinéaste, ne cessera plus de se recommander de ce mouvement qu'il illustre de façon à déranger le spectateur et à faire de chacun de ses films un manifeste, c'est Luis Bunuel. Ami de Salvador Dali et de Federico Garcia Lorca, il met en pellicule la véritable profession de foi du mouvement avec "Un chien andalou", salué avec enthousiasme par les membres unanimes. Viendra "L'âge d'or", d'après un scénario écrit avec Dali, oeuvre blasphématoire riche en métaphores visuelles fulgurantes qui tire à bout portant sur toute représentation de l'ordre établi. Le film est projeté en salles durant une semaine, puis sera interdit par la censure et le restera jusqu'en 1980.
A la même époque, Jean Cocteau tourne son premier essai "Le sang d'un poète", financé par un mécène le vicomte de Noailles, où l'auteur s'abandonne à son tour aux tentations de l'inconscient et du rêve avec infiniment de talent mais sera conspué par les surréalistes qui l'accusent d'emprunts illégitimes, d'hybridation, d'artifices et de préciosité. Faux procès lorsque l'on sait que Cocteau s'intéresse principalement aux mythes, qu'il se plaît à tourner dans des décors insolites et qu'il privilégie en tout premier la poésie des images qui se veut à l'égale de celle des mots. Des films comme "La belle et la bête", "Orphée", "Le testament d'Orphée" prouvent sa science innée de la mise en scène, sa primauté de l'image sur le texte, sa méfiance du récit linéaire qui appauvrit le narratif et principalement son souci de faire cavalier seul et de ne se recommander que de lui-même. Dissous en 1969, le mouvement surréaliste n'en a pas moins marqué les esprits et institué une longue et persistante influence sur les générations. On retrouve son esthétique dans une multitude d'oeuvres et non des moindres. Chez Alfred Hitchcock par exemple, grand explorateur de la folie et des psychoses humaines dans des films comme Rebecca, "La maison du Dr Edwardes", "Sueurs froides", "Psychose" ou "Les Oiseaux". Egalement chez Charles Laughton et "La nuit du chasseur", chez Federico Fellini, Raoul Ruiz ou David Lynch. Mais ce surréalisme ne dérange plus personne ; il est infiniment moins violent et plus soft, c'est dire combien il s'est éloigné de sa vocation première qui était de réveiller "les volcans" en cédant à la rage subversive et à la provocation.
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LUIS BUNUEL OU LE DETACHEMENT VOLONTAIRE
ALFRED HITCHCOCK - UNE FILMOGRAPHIE DE L'ANXIETE
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