Télévision et cinéma ont, durant toute une période, développé des relations complexes et pour le moins difficiles, mais ont su, au cours des années, s'enrichir mutuellement grâce à la participation de cinéastes de talent et de producteurs avisés. Comme le théâtre, qui avait méprisé le cinéma à ses débuts, ne voyant en lui qu'un art de foire subalterne, le cinéma a longtemps regardé la télévision avec mépris, la considérant comme un art mineur. A ce dédain naturel s'est ajouté un sérieux sujet d'acrimonie propre à des revendications houleuses, car la télévision, dans un premier temps, a vidé les salles obscures. Partout où elle apparaissait, elle faisait chuter la fréquentation cinématographique dans des proportions si alarmantes que l'on peut comprendre l'inquiétude des cinéastes. Aux Etats-Unis le phénomène survint dès les années 1950 et en Europe à partir de la fin des années 60. A la suite de cette perte de spectateurs, des pays de grande tradition cinématographique comme l'Italie, l'Allemagne, la Grande-Bretagne ont vu leur activité de production se réduire à un point tel que le pire fut envisagé. La situation est différente aujourd'hui car un rééquilibrage s'est effectué sous l'effet de divers facteurs.
D'abord le facteur économique, car la télévision, grosse dévoreuse de films, a non seulement acheté un certain nombre d'opus mais a investi dans la production cinématographique afin de s'assurer des exclusivités, si bien que les cinéastes ont continué de tourner et de miser sur la création. Ce fut le cas d'Ingmar Bergman avec "Scènes de la vie conjugale" et "Saraband", tout d'abord téléfilms puis films qui lui ont permis de toucher un vaste public et d'asseoir sa renommée internationale. Jusqu'au bout, Bergman avait d'ailleurs contrôlé le format initial des films et leur diffusion. En Italie, vingt-quatre semaines de tournage furent nécessaires pour la saga "Nos meilleures années" qui mit en boîte six heures de projection d'images et quarante années de l'existence d'une famille italienne entre destins individuels et destins collectifs. Belle aventure qui a fait de ce plaisant téléfilm un succès cinématographique d'autant plus inespéré que cette oeuvre respecte tout ensemble les canons de la télévision et du cinéma par ses solides exigences artistiques. En France des téléfilms comme "Tous les garçons et les filles", chronique adolescente dans la France provinciale des années 60, ont contribué aux belles heures d'Arte et "Les roseaux sauvages" d'André Téchiné obtint le César du meilleur film et ne comporte que vingt minutes supplémentaires entre sa version télévisée et cinématographique. Ainsi des firmes ont-elles contribué au financement d'oeuvres majeures. Et cette action fut particulièrement marquée en France grâce à la volonté des chaînes de co-produire des films générateurs d'audience et de consacrer une partie substantielle de leur chiffre d'affaires à l'innovation. Il est vrai aussi que la télévision devint très vite un média privilégié auprès des enfants et des personnes âgées.
Au final, une forme de coexistence a fini par s'instaurer entre la télévision et le cinéma, au point d'aller jusqu'à l'hybridation dans certains pays. C'est ainsi que l'on a vu des réalisateurs britanniques comme Ken Loach ou Kenneth Branagh se former à l'école de la télévision. Et il n'est pas rare, en Europe et en Amérique, qu'un réalisateur alterne avec succès téléfilms et films. Ces transferts sont plus rares en France (sauf dans la mouvance de la chaîne Arte) et se limitent le plus souvent aux acteurs. Depuis quelques années, certaines vedettes comme Depardieu n'ont pas dédaigné à se commettre dans des téléfilms. Et il arrive parfois que des animateurs ou des humoristes, que le petit écran a rendu célèbres, se tournent ensuite vers le grand écran comme acteurs ou comme réalisateurs. Ce sont souvent des surgeons de Canal + : les Inconnus, les Nuls, Jamel Debbouze ou Edouard Baer en phase avec la sensibilité des ados. Mais plus important encore que ces transferts m'apparaît la contribution de la télévision à la formation d'une culture cinématographique "grand public". Nombre de films n'étaient visionnés autrefois que par quelques centaines ( voire quelques dizaines ) de milliers de spectateurs, alors qu'ils sont appréciés désormais par des millions de téléspectateurs. Chaque année, ce ne sont pas moins de 7000 films qui sont diffusés par l'ensemble des chaînes du petit écran pour le bonheur d'un public toujours plus large et l'éveil éventuel de nouveaux talents.
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