Ce blog n'a d'autre souhait que de partager avec vous les meilleurs moments du 7e Art et quelques-uns des bons moments de la vie.
Mort à 76 ans des suites d'un accident de la circulation, Théo Angelopoulos, né à Athènes en 1935, est l'auteur d'une oeuvre personnelle qui se singularise par la force et l'évidence avec lesquelles elle impose l'essence de sa culture, loin des conditionnements qui trop souvent en réduisent la portée. Exaltés par la photographie de Yorgos Arvanitis et la musique d'Helena Karindou, les films d'Angelopoulos témoignent de l'odyssée contemporaine de la Grèce . Après des études de droit, le jeune homme suit les cours de l'IDHEC et devient un proche de Jean Rouch. De retour dans son pays, il est engagé comme critique de cinéma par le quotidien Allagi, publication suspendue plus tard par la junte militaire. En 1965, Angelopoulos commence à travailler sur un long métrage "Forminx Story" qu'il ne terminera pas et, en 1968, tourne un court métrage L'émission, avant de passer à la réalisation de son premier long métrage "La reconstitution" (1970), dans lequel il analyse les conséquences d'un crime - l'assassinat d'un émigrant à son retour d'Allemagne par sa femme et l'amant de celle-ci - et les répercussions qui s'en suivent. Remarqué par la critique internationale, le film attire l'attention sur le cinéma grec, qui ne traversait pas alors une période favorable.
Angelopoulos se lance ensuite dans un projet plus ambitieux, trois films qui constituent une sorte de trilogie de l'histoire de la Grèce contemporaine. "Jours de 36" se situe juste avant l'élection qui conduit le général Metaxas à imposer sa dictature. L'opus évoque la séquestration d'un membre réactionnaire du Parlement, les hésitations du gouvernement et l'assassinat du preneur d'otage qui annonce la répression sévère qui suivra. "Le voyage des comédiens" (1975), présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, reçoit le prix de la Critique et est considéré comme un chef-d'oeuvre du cinéma moderne. Ce film narre l'histoire d'une troupe de comédiens dans la Grèce des années 1939 à 1952 et fonctionne sur le principe de la mémoire collective, naviguant sans entraves dans les strates d'un passé récent et dramatique : la dictature de Metaxas, l'occupation nazie, la Résistance grecque déchirée par ses tendances diverses, la victoire de la monarchie, la guerre civile, la défaite des communistes en 1949 et les élections de 1952. Les membres de la troupe s'expriment d'ailleurs à plusieurs niveaux - tout comme les figures de l'histoire populaire qu'ils interprètent - selon le point de vue historique et l'évolution de la Grèce elle-même. Dans "Les Chasseurs", que le cinéaste tourne en 1977, il évoque, une fois encore, l'histoire politique de son pays et ouvre son opus sur la découverte par des chasseurs du corps d'un combattant de la Résistance : poids de l'histoire, examen critique du pouvoir, théâtralisation à la Bretch de l'insignifiance de l'individu par rapport au groupe, rejet de la narration conventionnelle au profit d'un récit volontairement décousu dans lequel la caméra fixe de longs plans séquence, tels sont les thèmes et les moyens qu'utilise le metteur en scène afin de donner la sensation d'un temps alternatif qui se joue de l'homme. Le pouvoir sera encore au centre du propos d'"Alexandre le Grand" (1980), récit d'un bandit de grand chemin qui tente de régner en tyran en imposant sa propre démocratie, au tournant du XXe siècle. Issu du peuple, il finira par être détruit par le peuple et la métaphore renvoie, non seulement à la figure antique d'Alexandre, mais également au héros de la révolution grecque et au chef de la Résistance face à l'occupant nazi. Ce film obtiendra le Lion d'or au Festival de Venise. Après la réalisation en 1982 du documentaire "Athènes retour à l'Acropole", Angelopoulos commence une collaboration avec le scénariste et poète Tonino Guerra pour "Voyage à Cythère" en 1984. Dans ce dernier film, qui remportera le prix de la Critique internationale au Festival de Cannes, on suit les traces d'un cinéaste qui veut réaliser un film sur son propre père, un ancien communiste qui revient de l'Union soviétique après trente ans d'exil, et qui est devenu un étranger dans son pays natal. A travers la représentation d'une société dans laquelle toute spiritualité semble avoir été bannie, Angelopoulos exprime de façon subtile sa propre désillusion. Une quête d'identité, clairement marquée par l'influence d'Antonioni, remplace l'étude du groupe. Le thème du retour chez soi, marqué par le franchissement d'une frontière, devient une caractéristique des thématiques suivantes du réalisateur. "L'Apiculteur" (1986), ultime voyage d'un vieil homme, magistralement interprété par Marcello Mastroïanni, puis "Paysage dans le brouillard" (1988), voyage de deux enfants égarés à la recherche d'un père imaginaire, poursuivent l'étude d'un monde sans âme qui a perdu ses repères. Dans ce dernier film, Angelopoulos fait référence au Voyage des comédiens de façon explicite, à travers le personnage d'Oreste qui rencontre les deux héros du film. "Le Pas suspendu de la cigogne", en 1991, est situé aux limites des deux pays imaginaires, au coeur d'un village envahi de réfugiés. Un journaliste pense avoir reconnu un politicien qui avait mystérieusement disparu. Le cinéaste commence là une réflexion amère sur la perte des repères en Europe depuis la chute du mur de Berlin. Puis viendra "Le Regard d'Ulysse" en 1994, odyssée contemporaine où Angelopoulos se met en quête des racines du 7e Art balkanique et évoque une nouvelle fois la tragédie des guerres, développant une réflexion sur le parcours d'un homme, sa vie, ses amours, ses désillusions. Le film sera honoré du prix du Jury et de celui de la Critique internationale au Festival de Cannes. Mais la récompense suprême, Théo Angelopoulos l'obtiendra en 1998 pour "L'Eternité et un jour", où l'on voit un écrivain vieillissant naviguer entre passé et présent et choisir de quitter l'hôpital où il est soigné pour sauver des enfants albanais et qui lui méritera la Palme d'or. Depuis lors, le réalisateur avait encore produit "Eleni - La Terre qui pleure" en 2004.
Ainsi, film après film, Angelopoulos avait-il redonné ses lettres de noblesse au cinéma grec.
Sources : Jean Gili
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