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22 juillet 2009 3 22 /07 /juillet /2009 10:01
LE VIEUX FUSIL de ROBERT ENRICO

                                                             
Inspiré d'une histoire vraie,  Le vieux fusil  de  Robert Enrico  peut se résumer en quelques lignes : en 1944, pour mettre à l'abri des bombardements possibles sa femme et sa fille, un médecin, Julien Dandieu, les fait conduire toutes deux dans une ancienne citadelle qu'il possède à la campagne, au-dessus d'un petit bourg. Lorsqu'il se rend sur les lieux peu de temps après, il découvre avec horreur qu'elles ont été sauvagement massacrées, ainsi que les habitants du village, par une troupe d'officiers et soldats allemande qui a réquisitionné son domaine. Cet homme, jusqu'alors tranquille et bienveillant, n'aura désormais plus de cesse que de frapper un ennemi qui ne respecte pas les lois élémentaires de la guerre - épargner les civils et principalement les femmes et les enfants. Le film est à tous égards bouleversant. On y voit comment un homme, foncièrement bon, meurtri par le malheur le plus incohérent, le plus violent et intolérable qui soit, va se faire le justicier de ces innocentes victimes, en sorte que de tels crimes ne restent pas impunis, posant à l'homme d'aujourd'hui les questions suivantes : une cause juste doit-elle rester sans défense, un crime sans châtiment, et le mal s'installer dans une civilisation comme un fait quotidien, quand on sait que la pusillanimité  prépare le lit des tyrans et que les traités faibles réaniment toujours les conflits forts ?

 

Ce film sobre et déchirant est presque entièrement tourné dans les décombres de ce vieux château dominant un village, village qui évoque Oradour-sur-Glane et les atrocités perpétrées par l'occupant allemand à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Film dur et d'une incroyable violence, il met en lumière la vengeance de cet homme que l'amour fou qu'il portait à sa femme et à son enfant et aux justes causes va transformer en un tueur que l'on suit pas à pas dans sa traque inexorable des soldats et officiers allemands réfugiés dans les vieilles pierres de sa demeure familiale. Passent entre ces moments d'attente, où il cherche le meilleur angle pour les surprendre et les abattre, des images merveilleuses du bonheur passé, cette vie tranquille et sans nuage qu'il partageait avec les siens, évocation d'un monde qui semble à jamais disparu. Le souffle court, le visage figé par le chagrin et la haine, Philippe Noiret est saisissant de justesse et nous entraîne dans un suspense presque insoutenable de réalisme, où tous ses gestes sont comme saisis sur le vif dans une reconstitution magistrale. Robert Enrico, qui a peu produit par la suite, a su trouver pour cet opus le ton, le style, l'atmosphère oppressante qui convenaient le mieux. Cette transposition est une réussite totale et ce vieux fusil, qui n'a pas pris une ride, nous saisit toujours d'effroi et d'émotion comme il le fit lors des César en 1976, où il fut l'objet d'un véritable triomphe.   

 

C'est donc une oeuvre remarquable à plus d'un titre ; tout d'abord par cette tension qui va crescendo et où la loi du talion est respectée à la lettre, le héros malgré lui parvenant, avec des procédés, certes peu catholiques, à exterminer la troupe d'allemands qui a investi son château et, ce, dans un décor qui ajoute encore à une ambiance lugubre et glauque. En effet, les dédales des souterrains, la pierre sombre composent un cadre idéalement dantesque, tandis que la musique lancinante ponctue de son phrasé douloureux un paysage rural subitement plongé au coeur d'un drame humain sans précédent. Il l'est aussi et surtout par la composition que chaque acteur fait de son personnage, à commencer par Philippe Noiret, immergé dans le sien jusqu'à ce souffle haletant qui fait contrepoint à la musique et exprime une souffrance à la limite du supportable, où tout devient permis, et où cette quête hallucinée de vengeance le plonge dans une névrose dont il est à la fois l'artisan et la victime. C'est sans doute l'un de ses plus grands rôles. Auprès de lui, Romy Schneider représente le bonheur perdu, la grâce sacrifiée et il est vrai qu'elle campe cette jeune femme pleinement épanouie entre son mari et sa petite fille avec une délicate féminité - rappelons-nous la scène où coiffée d'un chapeau à voilette, elle soulève gracieusement celle-ci pour poser ses lèvres sur les bords de sa coupe de champagne - il y a là l'image d'une jeunesse dans sa plénitude, son innocence, sa fraîcheur, à la fois effacée et inoubliable, chantée et détruite, qui élève le film à une hauteur mythique, exprimant en quelques prises de vues, d'une remarquable efficacité, la synthèse même de l'inacceptable. Rien que pour ces moments d'anthologie, le film mérite de figurer dans nos vidéothèques.


Le vieux fusil reçut le César du Meilleur film en 1976 des mains de Jean Gabin.

 

Afin de prendre connaissance des articles que j'ai consacrés aux deux acteurs, cliquer sur leurs titres :

 

PHILIPPE NOIRET - PORTRAIT          ROMY SCHNEIDER - PORTRAIT



Et pour consulter la liste complète des articles de la rubrique CINEMA FRANCAIS, cliquer sur le lien ci-dessous :
 

 

LISTE DES FILMS DU CINEMA FRANCAIS
 

 

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LE VIEUX FUSIL de ROBERT ENRICO
LE VIEUX FUSIL de ROBERT ENRICO
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commentaires

G
Il s'agit d'un bon film avec une performance d'acteur assez remarquable. Pour le reste, je ne trouve pas que ce film puisse être classé comme chef-d'oeuvre mais je reconnais un très bon film car le<br /> final est à mon goût très conventionnel et amène une certaine lourdeur et c'est bien dommage. Cela dit, ce film remémore des évènements tragiques que personne ne doit ignorer.
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A
Un film choc et violent mais un vrai classique du cinéma français. A noter que le rôle de Philippe Noiret devait être confié à Lino Ventura, qui déclinera finalement l'invitation
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G
Pas mal ce film !! sympa !!
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D
Bonjour Armelle, comme pour la madeleine de Proust, que de souvenirs me reviennent quand j'entends parler du film. C'est le premier film interdit aux moins de 12 ans (à l'époque) que j'ai vu (j'en avais 13). C'est avec ce film que je suis devenue une fan de Romy Schneider (sublime avec sa voilette). Je me souviens de la musique de François de Roubais, grand compositeur, trop tôt disparu. Je me rappelle des Césars. Je me souviens de l'évocation du Vieux fusil dix ans après lors d'une autre cérémonie des Césars où P. Noiret était ému aux larmes. Je me souviens... Bonne journée.
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  • Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.
  • Auteur de treize ouvrages, passionnée par les arts en général, aime écrire et voyager.

Texte Libre

Un blog qui privilégie l'image sans renoncer à la plume car :

 

LES IMAGES, nous les aimons pour elles-mêmes. Alors que les mots racontent, les images montrent, désignent, parfois exhibent, plus sérieusement révèlent. Il arrive qu'elles ne se fixent que sur la rétine ou ne se déploient que dans l'imaginaire. Mais qu'elles viennent d'ici ou d'ailleurs, elles ont l'art de  nous surprendre et de nous dérouter.
La raison en est qu'elles sont tour à tour réelles, virtuelles, en miroir, floues, brouillées, dessinées, gravées, peintes, projetées, fidèles, mensongères, magiciennes.
Comme les mots, elles savent s'effacer, s'estomper, disparaître, ré-apparaître, répliques probables de ce qui est, visions idéales auxquelles nous aspirons.
Erotiques, fantastiques, oniriques, elles n'oublient ni de nous déconcerter, ni de nous subjuguer. Ne sont-elles pas autant de mondes à concevoir, autant de rêves à initier ?

 

"Je crois au pouvoir du rire et des larmes comme contrepoison de la haine et de la terreur. Les bons films constituent un langage international, ils répondent au besoin qu'ont les hommes d'humour, de pitié, de compréhension."


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